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fois, ce qui, à mon sens, est du reste une injustice. C'est pourtant à cette discussion qu'il emprunte les preuves sans réplique en faveur de ses principes, et veuillez suivre un moment sa manière d'apprécier ou d'interpréter les faits; il signale 127 cas de thoracocentèse, 85 guérisons, 42 morts, de toutes catégories; en classant ces faits (1), il trouve:

54 épanchements séreux. . . . . . . 45 guérisons.

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9 morts.

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Ce qui ne fait, remarquons-le, que 110 au lieu de 127 cas; on se demande d'abord ce que sont devenus les 17 autres malades. Mais enfin prenons ce chiffre de 110, dans lequel il y a 74 guérisons et 36 morts; deux tiers de guérisons et un tiers de morts. Mais M. J. Guérin convient que, dans les épanchements séreux, la mort est rare; M. Trousseau et tous les médecins qui pratiquent la thoracocentèse l'ont démontré il y a longtemps. Otons-en donc 54, reste 56.

Il a fait, lui, une échelle pour la gravité de l'opération dans les autres cas, et cette gravité irait, d'après lui, en augmentant des séreux aux séro-sanguins, aux séro-purulents et aux purulents purs. Or, sur 9 thoracocentèses, les moins graves, d'après lui, en dehors des séreux purs, pour les épanchements séro-sanguins, il indique lui-même 7 morts; pour les séro-purulents, 6 sur 14, et pour les empyèmes, 14 sur 33, ou en tout 27 morts sur 54! Voyez comme tout cela est d'accord avec les lois qu'il a posées! Il s'écrie pourtant (p. 523): « Ces résultats sont conformes à ce que nous avons dit de >> l'influence exercée par la nature de l'épanchement. » C'est à n'y pas croire. Bien mieux, il trouve dans une statistique de M. Bowdich (de Boston) 75 malades, dont 46 sont morts, et cette statistique, dit-il, confirme à peu de chose près la précédente, et toutes deux ajoutent une nouvelle preuve à la théorie générale qu'il soutient. Je le demande à tout praticien

(1) Gazette médicale, p. 523, 1865.

qui voudra y regarder d'un peu près, y a-t-il lieu de discuter sérieusement des prétentions pareilles, de se laisser conduire par un semblable guide, et n'aurais-je pas quelque droit à mon tour d'accuser M. Guérin de vouloir entraîner les chirurgiens dans une voie funeste à l'humanité?

Il faut voir maintenant la valeur de ses prétentions à la constitution de l'opération en elle-même et de ses opinions sur l'influence de l'air dans les cavités morbides.

La base des arguments de M. Guérin, c'est l'action de l'air dans les cavités pathologiques, pleurales en particulier. Mais là-dessus qu'a-t-il donc dit, qu'a-t-il donc prouvé ou démontré qui n'ait été dit et affirmé mille fois par d'autres depuis des siècles? Est-ce qu'il n'y a pas eu de temps immémorial des aérophobes, comme aujourd'hui en chirurgie? A-t-on oublié les précautions inouïes que prenaient, que conseillaient nos ancêtres pour empêcher le contact de l'air sur les plaies, les recommandations de s'enfermer dans les rideaux. du lit, d'avoir là tout préparé, sous la main, afin de pouvoir recouvrir la plaie de son nouveau pansement à mesure qu'on la débarrassait de l'ancien ? N'a-t-on pas vu, dans le dernier siècle, Monro, Aitken, Bromfield, etc., proposer de faire les grandes opérations sous l'eau, comme vient de le réinventer M. Piorry? La nocuité de l'air sur les cavités morbides a de tout temps été admise par les uns, et de tout temps aussi en grande partie niée par quelques autres; avec la meilleure volonté du monde, il est donc impossible d'accorder à M. Guérin l'introduction d'un élément nouveau dans la science sous ce rapport.

Voulant profiter des expériences de MM. Demarquay et Lecomte, des remarques de M. Bouley et de M. Poggiale, il a tenté de se rejeter en dernier lieu sur les actions chimiques de l'air mis en contact avec les liquides morbides. Mais il oublie que cette action de l'air sur les liquides pathologiques a été soutenue par moi dès 1830, et depuis, soit à ma clinique, soit dans les dictionnaires, soit dans ma médecine opératoire, à cent reprises différentes; rien donc encore par là qui lui appartienne.

Il veut ou il voulait que l'air introduit dans les cavités closes y fût dangereux quand il y est renfermé et retenu en certaine quantité; il convient aujourd'hui que le danger n'a pas lieu, ou se réduit à peu de chose si les tissus sont sains, si les liquides ne sont point altérés. Il ne pensait pas de la sorte en 1856. A l'entendre alors, de l'air introduit par les trompes dans un péritoine d'ailleurs sain pouvait occasionner la mort. Il ne craignait pas non plus de rapporter la mort qui suit parfois la ponction des ascitiques à l'entrée de l'air par la canule dans la cavité abdominale.

Il est si bien d'accord avec MM. Bouley, Demarquay, etc., que pour lui le contact prolongé de ce gaz est très-dangereux, tandis que pour ces messieurs, l'air, s'il n'est pas renouvelé, perd rapidement son oxygène, cesse d'être de l'air, devient un gaz conservateur plutôt que destructeur des tissus.

On ne s'imagine pas le nombre d'erreurs dont scintillent les discours imprimés de notre collègue sous tous ces rapports. D'une part, il accorde aujourd'hui que les ponctions abdominales n'exposent pas à l'entrée de l'air dans le péritoine, parce que la pression atmosphérique fait disparaître le vide à mesure qu'il tend à se produire au moyen du rapprochement des parois abdominales. C'est là un fait que je lui objecte depuis trente ans. Mais il ne s'aperçoit pas qu'il en est de même pour les abcès, par congestion ou autres, à parois molles et souples; est-ce que quand le chirurgien vide un grand dépôt, ou un sac hydropique quelconque, l'air y entrerait si l'on n'exerçait pas de pression alternative ou des sortes de mouvements de soufflets, soit avec la main, soit avec quelque instrument? est-ce que d'elle-même, ou par la pression de l'atmosphère, les parois de tels dépôts ne se rétractent pas au point d'empêcher toute introduction de l'air dans leur cavité?

Il est d'ailleurs d'une extrême facilité en fait de preuves en faveur de ses idées favorites: il a besoin, par exemple, de prouver que l'air introduit dans un abcès y altère le pus. Il invoque aussitôt une observation de Boyer, entre autres; Boyer ouvre et vide par la ponction oblique un abcès lom

baire. La plaie se referme; mais au bout de quelques jours le foyer s'enflamme; il faut l'ouvrir de nouveau, et on en retire du pus infect mêlé de gaz. M. Guérin ne voit pas que ce gaz ne peut pas être de l'air; que l'air n'est pas ainsi renfermé au delà de quelques heures sans perdre son oxygène; qu'il n'a point pu d'ailleurs y être introduit du dehors, parce que d'abord les parois du foyer étaient molles, dépressibles par conséquent, et surtout parce que Boyer avait pratiqué la ponction sous-cutanée, c'est-à-dire une ponction assez oblique sous la peau, pour prévenir toute possibilité d'entrée de l'air dans l'abcès en pareil cas, on devine aisément que l'air ne pourrait s'introduire dans la cavité purulente que s'il y était poussé avec quelque injection, ou introduit exprès au moyen d'une seringue. Il y a donc là une sorte d'inadvertance de la part de notre contradicteur, et cette remarque, je n'ai pas besoin de le dire, s'applique à toute la grande catégorie de cavités purulentes ou séreuses à parois souples qu'on se borne à vider par la ponction.

Pour être juste, il faut convenir d'un fait pourtant : c'est que, après certaines ponctions, les liquides se dénaturent dans les foyers morbides, et qu'on y trouve souvent des gaz en grande quantité. Ce fait là n'est ni contestable ni contesté; reste à en trouver la véritable explication; j'en entrevois d'abord trois, en dehors de celles que défend M. Guérin.

1° Je m'étais demandé, dans notre discussion de 1857, et M. Gosselin s'est demandé comme moi, dans la discussion actuelle, si cette formation de gaz et cette putréfaction des liquides ne seraient pas dues à la purulence portée graduellement de la plaie mal fermée de l'extérieur jusqu'à l'ouverture interne du trajet, et à la cavité malade.

2° Ne serait-il pas permis d'attribuer ces changements à la tendance au vide, à la cessation ou à la différence de pression, de tension qu'entraîne la soustraction des matières morbifiques? La cavité cessant d'être distendue, les matières qui la remplissent ou en tapissent les parois, les liquides qui y affluent, ont une tendance manifeste à se raréfier, à se gazéifier; de là des actions et des réactions physiques et chimiques

qui doivent promptement en modifier la composition. Nulle part évidemment un pareil travail ne trouve des conditions d'évolution plus favorables qu'à la poitrine.

3o Une autre hypothèse est la suivante; tout abcès, toute collection de liquide, qui s'établit au voisinage de viscères ou de cavités tapissées par une membrane muqueuse, est susceptible de prendre l'odeur des matières qui stagnent ou circulent naturellement dans l'organe voisin, d'engendrer des gaz qui se mêlent au pus sans que pour cela il y ait communication réelle avec l'air extérieur. Ce fait, que j'ai signalé la première fois en 1825, je l'ai démontré des centaines de fois depuis à l'hôpital et dans divers écrits, soit à la marge de l'anus, soit à la vulve, soit autour de la vessie ou des reins, soit dans les parois abdominales ou l'épaisseur des parois thoraciques, soit au cou, le long des voies aérifères, autour du pharynx, soit dans la bouche, dans les amygdales, dans l'épaisseur des gencives, etc. En pareil cas, on s'explique le phénomène, je crois, en admettant que par imbibition, par endosmose ou autrement, les matières qui circulent ou stagnent dans les parenchymes, les cavités ou les canaux du voisinage, entrent par quelques-uns de leurs éléments dans le foyer morbide; que par un changement de température soit dans les tissus, soit dans les liquides, il s'établit dans le foyer un travail chimique, une sorte de putréfaction ou de décomposition, d'où résultent et l'odeur et les gaz dont j'ai parlé.

Ces diverses explications n'ont point la rigueur d'une démonstration, je l'accorde; je ne les donne qu'à titre d'hypothèse, et pour ce qu'elles valent: on conviendra du moins qu'elles sont aussi plausibles que celles de M. Guérin, et qu'on n'a pas besoin de l'entrée directe de l'air dans les abcès ou les cavités closes pour comprendre la présence de gaz, ou de fétidités dans les collections morbides.

Si au moins M. Guérin donnait la moindre preuve que ses opérations à lui ont plus de succès que celles des autres médecins; mais point; il n'en a pas, il est vrai, un grand nombre qui lui soient personnelles ; il en signale cependant un petit groupe de onze. Or, sur ces onze cas un peu détaillés,

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