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naires qu'il est à craindre que, comptant les uns sur les autres, personne ne s'en acquitte. »

Selon lui, l'autorité à laquelle on devait attribuer ces fonctions, c'étaient les Comités communaux institués pour la surveillance de l'Instruction primaire. L'amendement proposé ne fut pas adopté par la Chambre des Pairs qui s'en tint au projet de sa Commission, en décidant toutefois la suppression de l'intervention des Procureurs du Roi, des Juges de paix et des Commissaires de police.

Au mois de décembre de cette même année 1840, le projet de loi amendé par la Commission de la Chambre des Députés vint en discussion devant cette Chambre.

L'intention formelle de la Commission, ainsi que le déclara son rapporteur, M. Renouard, avait été de ne pas donner l'inspection aux Maires et aux autres personnes qui se trouvaient désignées dans l'article adopté par la Chambre des Pairs: « Nous avons pensé, disait-il, après en avoir conféré avec le Gouvernement, que, quant à présent, il n'y avait pas à se prononcer pour un système ; et revenant, quant à ce, au système du projet primitif, pour cet article, nous avons pensé, et le Gouvernement lui-même l'a demandé, qu'il fallait laisser à l'essai, à l'expérience et au temps la solution de la question relative aux inspecteurs. >>

Aussi l'article 10 du projet de la Commission était

il ainsi conçu: « Le Gouvernement établira des inspections pour surveiller et assurer l'exécution de la présente loi. Les inspecteurs pourront, dans chaque établissement, se faire représenter les registres, les règlements intérieurs, les livrets des enfants et les enfants eux-mêmes; ils pourront se faire accompagner par un médecin commis par le Préfet.

«En cas de contravention ils dresseront des procès-verbaux qui feront foi jusqu'à preuve contraire. »

Cet article qui, quelques mois plus tard, devait devenir, à part quelques légères retouches, l'article définitif de la loi de 1841, fut l'objet de longs et intéressants débats.

Il y avait lieu, en effet, vu les termes vagues de cet article, de se demander à qui le Gouvernement s'en remettrait du soin d'assurer l'exécution de la loi que Ion établirait. L'inspection serait-elle confiée, comme se le demandait M. Pascalis, à de hauts fonctionnaires rétribués considérablement et se livrant à des tournées dans tous les lieux où se trouveraient des aleliers, ou bien la confierait-on à des personnes notables choisies dans les localités ?

Selon M. Pascalis, puisqu'il s'agissait d'une loi d'essai, on devait commencer par charger de l'inspection des personnes de la localité même. Il voyait à ce système d'abord l'avantage de la gratuité et puis cet autre avantage que la mission délicate de l'inspection seraif confiée à des hommes qui, toujours en

présence des faits, pourraient en suivre le mouvement, la marche et mettre un terme aux abus lorsqu'ils les auraient découverts; tandis que des inspecteurs de tournée arriveraient accidentellement à de longs intervalles et ne pourraient apprécier la moralité des personnes, en tenir compte et employer utilement ces moyens de persuasion qui semblaient devoir être les plus efficaces pour arriver à la bonne exécution de la loi.

D'après M. Pascalis, le mode le plus économique et en même temps le plus utile et le plus facilement exécutable était donc celui qui consistait à confier à des personnes de la localité mème la mission de veiller à l'exécution de la loi.

Pour d'autres, au contraire, le mode d'inspection qui paraissait devoir être le plus efficace était le mode de l'inspection spéciale. M. Dubois (de la LoireInférieure) invoquait, dans ce sens, à l'appui de sa thèse, l'exemple de l'Angleterre. Selon lui ni les Comités de l'Instruction primaire, ni les Conseils généraux, ni les Conseils d'arrondissement n'étaient qualifiés pour remplir le rôle d'inspecteurs auquel on voulait les appeler. La seule solution, à son avis, qui put donner à la loi toute son efficacité, c'était de remettre le soin de cette inspection à des agents spéciaux au nombre d'une trentaine environ.

Comme on le voit, sur la question de l'organisation de l'inspection, dont l'intérèt n'échappait à per

sonne, les opinions étaient fort partagées au sein du Parlement.

De même, les Conseils généraux, le Conseil du Commerce, le Comité consultatif des Arts et Manufactures, le Conseil des Prud'hommes consultés sur ce point par le Gouvernement avaient émis des avis très différents. Les uns demandaient une inspection spéciale, les autres une inspection locale; les uns une inspection salariée, les autres une inspection gratuite; les uns demandaient encore pour inspecteurs des Maires, des Officiers de police; les autres, des membres des Conseils généraux ou des Conseils d'arrondissement...

En présence de ces divergences de vues, et étant donné les inconvénients présentés par les différents systèmes proposés, la Chambre des Députés, dans sa séance du 29 décembre 1840, ne crut pouvoir mieux faire, en définitive, que d'adopter l'article 10 dans les termes mèmes où il avait été proposé par la Commission. Elle s'en remettait done au Gouvernement du soin d'établir une inspection capable d'assurer, de la meilleure façon possible, l'observation de la loi.

Au mois de janvier 1841, le Ministre du Commerce, M. Cunin-Gridaine soumettait pour la seconde fois à la Chambre des Pairs le projet de loi relatif au travail des enfants dans les manufactures: « Votre projet, Messieurs, disait-il, chargeait les Préfets, les Sous-Préfets et les Maires des mesures d'ordre, d'ins

pection et de protection prescrites par la loi. De graves objections se sont élevées contre ce système. »

Et il rappelait que la Commission de la Chambre des Députés avait examiné successivement la convenance de confier l'inspection à des commissaires spéciaux, aux Préfets, Sous-Préfets et Maires, aux Procureurs du Roi et à leurs substituts, aux Juges de paix et Commissaires de police, enfin aux inspecteurs de I'Instruction primaire. Or, après cet examen, la Commission n'avait pas cru devoir admettre la création des inspecteurs spéciaux. Elle avait pensé, disait M. Cunin-Gridaine, qu'avant de recourir ainsi à l'établissement de nouveaux emplois, il fallait qu'une expérience préalable en eût démontré la nécessité... Les Préfets et Sous-Préfets lui avaient parus trop préoccupés par leurs fonctions pour pouvoir consacrer à l'inspection le temps et l'assiduité nécessaires à l'exécution de la loi. Des raisons analogues avaient été invoquées à l'égard des officiers du Ministère public.

En ce qui concerne les Maires, magistrats d'élec-. tion, souvent dans une certaine dépendance d'affaires vis-à-vis de manufacturiers et manufacturiers eux-mêmes, ils auraient, croyait-on, rencontré dans l'accomplissement des fonctions d'inspecteur des obstacles qui auraient rendu leur role absolument inefficace.

On avait également reconnu la nécessité d'écarter

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