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FERNAND JACOBS, président de la Société belge d'Astronomie,
21, rue des Chevaliers, à Bruxelles;

EUGÈNE LAGRANGE, professeur à l'École militaire, 60, rue des
Champs-Élysées, à Ixelles ;

D RENÉ NICKLES, docteur ès sciences, professeur à la Faculté des
sciences de Nancy, 29, rue des Tiercelins, à Nancy.

2o En qualité d'associés regnicoles:

MM. GUSTAVE MAUKELS, architecte, professeur à l'Académie royale des beaux-arts, 5, rue Ortélius, à Bruxelles;

Valère Dumortier, président de la Société centrale d'architecture, 104, avenue Ducpétiaux, à Bruxelles;

VAN HUMBEEK, architecte, 18, rue de Naples, à Ixelles.

Communications des membres :

Prise en considération et discussion d'une proposition faite par la SOCIÉTÉ BELGE D'ASTRONOMIE à la SOCIÉTÉ BELGE DE GÉOLOGIE au sujet de sa participation à un important programme d'études géophysiques.

M. Eug. Lagrange, professeur à l'Ecole militaire, donne lecture du document suivant :

>> MESSIEURS,

J'ai eu l'honneur de développer récemment devant la Société belge d'Astronomie, de Météorologie et de Physique du Globe, un programme d'études géophysiques auquel elle a bien voulu se rallier et dont l'exécution doit se traduire tout d'abord par la création d'un certain nombre de stations géophysiques munies d'instruments spéciaux à l'étude des mouvements généraux du sol. Mais comme c'est à cette œuvre nouvelle, Messieurs, que nous désirerions vous associer, en vous demandant votre concours précieux, je dirai même indispensable, concours que justifierait d'ailleurs la connexité de certaines de nos études, je ne puis, me paraît-il, vous fournir des arguments plus con

vaincants à l'appui de cette thèse, qu'en reprenant la question dans sa généralité, comme je l'ai fait devant la Société d'Astronomie.

Le siècle présent a vu s'achever la détermination de forme de la surface terrestre par les méthodes directes de triangulation, commencée dans le siècle passé par les académiciens français. A la base des recherches qui y ont conduit se trouve la croyance à l'immutabilité de la verticale, de la direction du fil à plomb par rapport à la surface du sol. Sans cette croyance, d'ailleurs, toute triangulation serait difficile; les instruments qui servent à l'obtenir sont en effet réglés sur cette verticale elle-même, non par une nécessité absolue, mais par une facilité pratique que d'autres méthodes n'amèneraient pas avec elles.

En d'autres termes, la surface terrestre, dont la forme géométrique est à déterminer, est considérée comme formant un solide invariable. Mais l'invariabilité de la croûte terrestre n'est pas, dans le cas présent, la seule hypothèse nécessaire; la direction de la verticale en un lieu donné est déterminée par le phénomène général de l'attraction des masses en présence; de ces masses, les unes sont intérieures à la croûte, les autres sont extérieures. Le calcul qui s'applique aux dernières montre que l'effet de leurs déplacements est en tous les cas très faible; pour les premières, il ne peut rien préjuger; on admet, pour des motifs que je ne puis exposer ici, que, s'il y a un déplacement des masses intérieures, sans variation de forme de la croûte, il ne peut produire que des actions insensibles.

Nous pouvons définir la direction de la verticale par les considérations précédentes; c'est celle de la normale au géoïde osculateur, et nous la qualifierons d'absolue, sans oublier les conditions précises de sa définition.

Les progrès de la science et le perfectionnement des instruments d'observation ont dû modifier les conceptions sur la rigidité absolue de la surface terrestre.

Les recherches de M. Hirsch, directeur de l'Observatoire de Neufchâtel, pour ne citer que celles-là, ont fait constater un mouvement diurne et un mouvement séculaire de l'axe de la lunette méridienne, grâce à l'observation d'une mire très éloignée, située de l'autre côté du lac par rapport à l'Observatoire. La surface du sol est donc déformable et les déformations revêtent, en partie, un caractère systématique. Ces déformations prouvent que la verticale subit des déplacements par rapport à la surface du sol lui-même. Les travaux récents

1898. PROC.-VERB.

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de M. le professeur von Rebeur-Paschwitz et ceux de M. Ehlert exécutés avec le pendule horizontal conduisent à la même conclusion.

Une période nouvelle s'est donc ouverte pour l'étude du globe terrestre; dans une première approximation, les géomètres ont fixé sa forme générale en le considérant comme une surface rigide que la vie n'anime point. Il n'en est rien ce globe terrestre s'agite, se déforme sous l'action de causes dont quelques-unes sont prévues, dont d'autres sont cachées.

Quel que soit le point du globe que l'on considère, qu'il soit situé dans les régions caractérisées comme volcaniques, telles que le Japon, l'Amérique centrale, le sud de l'Italie, etc., où les phénomènes de mouvement du sol sont apparents et où l'homme remplit les fonctions de sismographe, qu'il soit placé, au contraire, dans les régions considérées comme à l'abri de ces phénomènes naturels, le sol bouge. Il vibre, il se déforme sous nos pieds à des degrés divers et non pas par à coups; ses déformations sont continuelles, et quelques-unes même revêtent un caractère périodique. On peut dire qu'il n'est pas un point de la surface du globe qui puisse être considéré comme stable.

Ces mouvements variés de la surface terrestre, grâce aux nombreux travaux, aux recherches multiples qu'a vu s'exécuter le siècle présent, ont pu recevoir un commencement de classification. Les uns sont sensibles aux sens, sans l'aide d'aucun instrument, les autres, auquels on a donné le nom de vibrations (tremors), de microsismes et bradysismes, ne nous sont révélés que par le moyen plus délicat d'appareils nombreux, parmi lesquels nous citerons surtout les pendules horizontal et vertical.

Est-il besoin d'ajouter que les premiers de ces mouvements, auxquels on a réservé plus spécialement le nom de tremblements de terre ou de séismes proprement dits, sont les plus anciennement connus? et que la mémoire des hommes a conservé le souvenir de cataclysmes qui leur sont dus et dont l'époque remonte au plus lointain des âges. Sans remonter au déluge, permettez-moi de rappeler à vos souvenirs le terrible tremblement de terre de Lisbonne, qui détruisit en quelques instants (en 1755) cette ville florissante.

Nous avons, dans ce terrible phénomène, l'exemple d'un de ces tremblements de terre sans caractère volcanique, auxquels Hoernes, et avec lui les géologues actuels, donnèrent le nom de tectoniques. On les attribue à des tensions subites produites dans la croûte terrestre par la

contraction progressive de la masse entière du globe sous l'action de son refroidissement. Ce genre de tremblement de terre se distingue par une aire étendue et une série de secousses consécutives. A ce point de vue encore, le tremblement de terre de Lisbonne est des plus remarquables; il est certain que les phénomènes hydrographiques qui se sont produits le 1er et le 2 novembre 1755 en différents points de l'Europe étaient en relation intime avec le tremblement de terre luimême. Les sources de Toeplitz tarirent subitement et ne revinrent que peu à peu au jour; la mer du Nord, à Travemunde, se montra très agitée ainsi que les lacs du Brandebourg. Dans le Tyrol, un phénomène remarquable fut constaté le lac de Hecht sortit subitement de son lit; le 1er avril 1856, il fit de même, brisant la couche de glace qui le couvrait; quelques jours après, on apprenait que de nouvelles secousses s'étaient fait sentir à Lisbonne le 31 mars.

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A côté de ces tremblements tectoniques, on range ceux dits d'effondrement, dont l'aire est plus restreinte et que l'on attribue à la chute de masses considérables dans les régions à cavernes. Le grand géologue De Saussure attribuait tous les tremblements de terre à la même cause. Un grand nombre des tremblements de terre du Karst, du Guatemala, ceux bien connus qui agitent les environs de Stassfurt, sont attribués à

cette cause.

Enfin, la troisième classe des tremblements de terre comprend ceux que l'on peut appeler volcaniques. L'exemple le plus célèbre est celui du Krakatoa, dont la mémoire est encore présente à notre esprit et qui nous rappelle principalement les curieux phénomènes crépusculaires qui en furent la conséquence en Europe. La situation spéciale du volcan de Krakatoa dans une île de peu d'étendue eut des conséquences remarquables. Les eaux de la mer se précipitèrent dans le gouffre creusé par l'explosion; de là, une vague marine de plus de 50 mètres de hauteur, qui ravagea toute la région environnante et submergea complètement la ville d'Anjer, ainsi que la partie basse de Batavia. Il y a aujourd'hui 300 mètres d'eau à l'endroit où se trouvait l'ile désormais fameuse de Krakatoa, et l'on a estimé à 18 kilomètres cubes la masse de matière disparue. Quant à la vague atmosphérique, elle fit deux fois le tour de la terre, et le bruit de l'explosion fut entendu dans l'aire d'une ellipse, comprenant la moitié de l'Australie, le Sud de Luzon, la presqu'île de Malacca et Ceylan.

Passons maintenant aux microsismes. Ils nous intéressent principalement. Nous entendons par là les petits mouvements que subit la surface du sol et qui, n'agissant pas directement sur nos sens, ont passé

longtemps inaperçus. J'en ai longuement parlé lorsque j'ai eu l'honneur de faire, devant la Société belge d'Astronomie, l'exposé des travaux accomplis par M. von Rebeur-Paschwitz à l'aide du pendule horizontal; mais dans l'exposé didactique d'un programme de recherches, je ne puis évidemment les passer sous silence.

Les premiers de ces petits mouvements (fig. 1) ont reçu le nom de tremors, qui leur a été donné par Milne, auquel on doit de longues

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études géophysiques au Japon. Ce sont de petites déviations, de petits tremblements autour d'une position moyenne que montrent le pendule horizontal ou le bifilaire, lorsqu'ils sont établis sur la conche tout à fait superficielle du sol. Déjà à 5 mètres de profondeur ou avec un support installé dans les mêmes conditions, ils disparaissent tout à fait. L'étude comparative de l'anémomètre a montré qu'ils apparaissent avec le vent et cessent avec lui. Remarquons aussi en passant qu'ils ont servi à mettre en évidence un fait météorologique des plus curieux et d'ailleurs déjà soupçonné celui que le vent se présente comme une série de vagues qui se suivent.

Les pulsations (Erdpulsationen) constituent une seconde espèce de microsismes dont la cause n'est pas encore déterminée. Sur les courbes que fournit l'enregistreur photographique des pendules, on voit parfois apparaître certains mouvements ondulatoires de faible amplitude, sans l'indication de chocs reçus par les instruments, ces mouvements ondulatoires n'étant en général pas symétriques par rapport à la ligne moyenne du déplacement. Les professeurs Milne et von Rebeur les attribuent à de brusques variations de la pression barométrique, mais les données ne sont pas encore assez nombreuses pour qu'on puisse avec quelque certitude leur fixer une origine bien définie.

Mais à côté de ces deux formes de microsismes, il en est d'autres, et ce sont les plus intéressantes, qui ont été mises en évidence par les travaux de von Rebeur. Je veux parler des déformations affectant un caractère périodique et indépendantes de la position du lieu d'obser

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