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Des observateurs placés au fond des puits des Boscherons et de Gaudreville, au bord du lit souterrain, firent les constatations suivantes :

Le 6 août, à 5 heures du matin, les eaux se colorèrent au puits des Boscherons; le même jour, à 6 heures du soir, l'apparition de la couleur était constatée au puits de Gaudreville et, enfin, le dimanche 7 août, on constatait la coloration de la source superficielle de la Fosseaux-Dames.

Les eaux du canal souterrain et celles des sources inférieures étaient donc bien les eaux perdues de l'Iton.

Du reste, à la surface même du sol, il est aisé de suivre la direction et les sinuosités du cours souterrain.

En effet, ce cours est réellement jalonné, au travers de la forêt, par une suite d'effondrements, suivant une direction bien indiquée, aboutissant à l'Étang de la Bonneville, point de réapparition des eaux

souterraines.

Quelques-uns de ces effrondrements sont considérables; l'un d'eux mesure plus de 120 mètres de diamètre et 18 mètres de profondeur; la forme de ces effondrements est un cône renversé.

Le travail souterrain se poursuit du reste encore de nos jours, puisqu'en mars 1880, sur le bord d'un chemin traversant la forêt, le terrain s'est effondré et a donné naissance à un puits bien cylindrique, à parois verticales de 6 mètres de diamètre et de 20 mètres de profondeur. C'est à proximité de cet effondrement qu'a été creusé le puits d'exploration de Gandreville.

Il résulte des constatations faites que les canaux souterrains sont au moins aussi tortueux que les méandres des cours superficiels et que lorsqu'on apprécie la vitesse de propagation de la coloration par la distance évaluée en ligne droite, on porte cette vitesse à un minimum, la vitesse vraie étant en réalité au moins double, vu que le chemin à parcourir dans le temps constaté est au moins doublé par les sinuosités.

L'Avre. Les recherches faites dans la vallée sèche de l'Avre ont également ete concluantes.

Le 8 septembre 1887, à 10 heures du matin, une solution de fluoresceme a ete versée dans le bétoire de la Lambergerie, sur le côté ganche de la rivière, à l'altitude de 174 mètres.

En même temps des observateurs étaient postés:

4o A la source Gonord, à la principale réapparition de l'Avre dans sa vallée sèche, en amont de Verneuil. Distance du bétoire de la Lamhergerie: 8 800 mètres;

2o A la source Poelay, le long du cours de l'Avre réapparu en aval de Verneuil. Distance: 7 500 mètres;

3o A la source Nouvet, première fontaine existant sur le lit desséché de la Vigne. Distance: 8 000 mètres;

4° Au groupe de sources: Erigny (première fontaine sur le cours du ruisseau de Buternoy, affluent de la Vigne), Graviers (deuxième fontaine le long du cours réapparu de la Vigne) et Foisy (troisième fontaine, située à peu près en face de Graviers, sur la rive gauche de la Vigne). Distance: 8 500 mètres.

Les résultats furent les suivants :

1° A la source Gonord, la matière colorante est apparue le 10 septembre, à 7 heures du matin, soit après quarante-cinq heures, ce qui fait, en ligne droite, une vitesse moyenne de 2 mètres par minute;

2o A la source Poelay, le 10 septembre, à 5 heures du soir (cinquantecinq heures, d'où vitesse en ligne droite d'un peu plus de 2 mètres par minute);

3o A la source Nouvet. Pas de coloration;

4° Au groupe Erigny, Graviers et Foisy, le 11 septembre, à 5 heures du matin (soixante-sept heures, d'où vitesse en ligne droite de très peu plus de 2 mètres à la minute).

Donc, les sources en amont de Verneuil, le long de l'Avre, étaient colorées, ainsi que celles d'aval et le groupe de sources de la Vigne, situées sensiblement au Sud-Est, sauf le Nouvet, situé à 500 mètres du groupe Erigny, Graviers et Foisy et en amont de celles-ci.

Enfin, le 10 novembre de la même année, l'administration des ponts et chaussées, effectuant pour son compte des essais de coloration, versa de la fluorescéine dans l'un des bétoires d'absorption du ruisseau Saint-Maurice, dont la vallée sèche superficielle se jette dans l'Avre, loin en amont du bétoire de la Lambergerie, où les essais de coloration des eaux de l'Avre avaient été effectués en septembre; cette fois, le Nouvet fut seul coloré.

De ces constatations, M. Ferray tire naturellement les conclusions suivantes :

1° Il y a relation directe et rapide entre les eaux du cours supérieur de l'Avre et de la Vigne et de leurs affluents et les eaux sortant des fontaines de Verneuil et en particulier de celles qui alimentent Paris; 2o Il n'y a pas de corrélation étroite entre les lits secs superficiels et les cours souterrains.

Ces cours souterrains suivent des tracés très différents de ceux du lit superficiel et confluent entre eux d'une manière très variée.

Pour l'Avre souterrain comme pour l'Iton, le cours est également très visiblement jalonné par une série de cônes d'effondrements fournissant le tracé exact de ce cours.

GÉOLOGIE DE LA RÉGION COMPRISE ENTRE VERNEUIL ET LA CRÊTE

DU PERCHE.

D'après les dernières recherches des géologues régionaux, voici la composition géologique du territoire dont il est question.

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DIAGRAMME GÉOLOGIQUE ET HYDROLOGIQUE DU SOUS-SOL DE LA RÉGION
AU SUD-OUEST DE VERNEUIL.

A. Argile à silex, produit d'altération superficielle par dissolution de la craie à silex sous-jacente.

B. Craie grise à Micraster breviporus et nombreux bancs de silex (Turonien). C. Craie chloritée (Cénomanien).

A l'Est de Verneuil, un nouveau biseau, formé de craie blanche sénonienne à Micraster cor testudinarium, vient s'intercaler entre l'argile à silex et la craie grise turonienne.

C'est la connaissance de cette constitution géologique (voir fig. 2) qui a permis d'expliquer toutes les particularités qui caractérisent la région.

Le substratum de craie chloritée cénomanienne C est peu fissuré et il peut être considéré comme pratiquement imperméable.

La craie grise turonienne B est également argileuse et imperméable par elle-même; mais elle est assez fortement fissurée et parcourue par de nombreux lits de rognons de silex qui rendent la masse hétérogène.

Quant à l'argile à silex A, elle est loin d'être une argile proprement dite; elle est constituée par un énorme amas de silex formant la plus grande partie de la masse, et dont chaque rognon est plus ou moins englué dans une argile sableuse verdâtre, les silex laissant entre eux de nombreux vides, dans lesquels les eaux superficielles peuvent s'infiltrer.

Ces eaux, ayant traversé l'argile à silex, viennent donc s'amasser sur la craie en place sous-jacente et elles s'infiltrent à leur tour, avec tout leur pouvoir dissolvant, dans les fissures verticales de celle-ci et les élargissent.

En descendant, les eaux rencontrent certains bancs de silex, qui leur offrent une pente et une circulation plus facile que la continuation de la descente verticale par suite de l'amincissement progressif des fissures, et les fissures élargies supérieures permettent bientôt aux eaux superficielles de s'engouffrer à leur tour avec la plus grande partie de leur pouvoir dissolvant le long des bancs de silex parallèles à la stratification; là elles commencent leur rôle de corrosion.

Peu à peu, à ces niveaux, la craie qui entoure les silex se dissout et, au bout d'un temps très long, disparaît, laissant un vide que ne peuvent remplir les silex déchaussés et entassés.

Mais la corrosion la plus active continue évidemment dans et à la base de la fissure verticale agrandie, de sorte qu'au point où les eaux quittent la fissure verticale pour s'engager dans les lits parallèles à la stratification, il se forme des vides beaucoup plus grands, en voûte surélevée, dont le sommet s'élève de plus en plus.

Bientôt, il ne reste plus, entre le sommet de la voûte et l'argile à silex ameublie par les infiltrations, qu'une faible épaisseur de craie incapable de supporter le poids du terrain supérieur, et dès lors cette faible épaisseur de craie cède, toute la masse de l'argile à silex s'effondre pêle mêle dans la voùte, et un puits naturel, un trou béant apparaît à la surface du sol.

Si ce trou se forme précisément dans le lit d'une rivière, les eaux courantes de cette rivière s'y engouffrent en partie ou en totalité et un bétoire est formé.

Dès lors, en ce point, l'eau superficielle arrive en quantité bien plus grande qu'auparavant; à la base du bétoire, un courant d'eau, décuple ou centuple, ayant conservé tous ses principes corrosifs actifs - puisque l'argile à silex est complètement décalcifiée - attaque la craie entourant les lits de rognon de silex et ces eaux se creusent alors dans la masse un véritable canal tortueux en forme de tunnel.

Les coupes ci-dessous permettent de se rendre un compte exact du mécanisme du phénomène.

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FIG. 3. Fissure Cayant occasionné à la longue l'élargissement de la
fissure correspondante dans la craie, d'abord par dissolution du cal-
caire corrosion), puis par corrosion et éboulement, d'où formation
d'une caverne en voûte surélevée D. Les eaux s'écoulent par une
strate élargie E.

FIG. 4. Effet de l'écroulement de la caverne en voûte surélevée. For-
mation du bétoire F. L'engouffrement de l'eau ayant fortement aug-
menté et la traversée du bétoire étant facilitée. les eaux agrandissent
en tunnel G leur ancien cours restreint et subdivisé E.

Toutefois, c'est là une explication purement théorique et les figures ci-dessus ont la valeur d'un diagramme faisant comprendre ce qui peut se produire en sous-sol.

Mais, en réalité, ces figure sont beaucoup plus de valeur que l'expression d'une hypothèse, car elles représentent exactement ce qui a été vu et nellement constaté par les observateurs qui ont fait l'étude sur place.

C'est là précisément ce qu'ont pu constater M. Ferray et ses collaborateurs dans les explorations par puits profond à Gaudreville.

Ce puits, creusé à flanc de coteau, à proximité de la vallée sèche de

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