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rester quelque incertitude quant à cette orientation, car, dit-il, nous ne connaissons pas quels étaient les caractères de la face qu'on avait mutilée avant notre arrivée à Lesve.

Cependant, dit-il ensuite, à en juger par les petits fragments avec croûte, débris de la grande esquille détachée au marteau, on peut dire que la face dont il s'agit ressemble à celle de la partie dorsale. L'auteur ajoute que dans le croquis qu'il donne de la météorite, la face dont la croûte a été enlevée est tournée du côté opposé au spectateur.

M. Renard distingue dans la météorite une partie centrale et une partie dorsale. La première est formée par des faces nouvelles, dont la forme actuelle arrondie, ou les dépressions, sont dues à la fusion et à l'affouillement de leurs surfaces, exercées par les tourbillons gazeux et aux esquilles détachées pendant la chute. Ces faces, dit-il, ont subi un maximum d'ablation.

Il fait remarquer des sillons de fusion rayonnant de la base convexe de la météorite, et qui montrent une orientation générale opposée à la direction suivant laquelle la pierre a dû se mouvoir en tombant. Quant aux faces anciennes, elles sont plus planes, mais aussi un peu plus rugueuses que les précédentes; elles n'ont pas de dépressions, et l'orientation des sillons et des filaments de fusion y apparaît plus vaguement. La rugosité des faces anciennes de la partie dorsale est, dit M. Renard, due en partie aux chondres non fusibles qui sont restées en relief, et elle est due surtout au fait que les filaments de fusion n'ont pas subi l'orientation et l'étirement qui s'observent sur les faces nouvelles.

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M. Van den Broeck montre que cette distinction en faces anciennes planes et rugueuses et en faces nouvelles avec les caractères de la fusion, de l'ablation et de la présence de filaments de fusion se retrouve bien caractérisée dans le gros fragment encore non décrit qu'il exhibe à ses collègues.

Deux des faces voisines du fragment polyédrique qui complète en grande partie la masse figurée par M. Renard, montrent nettement le caractère des faces anciennes, planes mais rugueuses, tandis que l'une des deux autres faces encroûtée noire montre une orientation très nette et en sillons parallèles, de filets de fusion assez accentués. Enfin, l'autre face est irrégulièrement creusée et affouillée par détachement net d'esquilles pendant le phénomène de fusion de la croûte.

Il serait intéressant, pense M. Van den Broeck, de juxtaposer dans sa position primitive le fragment qu'il exhibe, en le réunissant à la pièce principale décrite, et dans le but d'étudier d'une manière plus complète

qu'a pu le faire M. Renard, la question d'orientation pendant la chute. Par suite de l'examen microscopique qu'il a fait de la météorite de Lesve, M. Renard n'a pu que confirmer absolument l'impression qui s'est dégagée de la part de tous ceux qui l'ont examinée au premier abord, que l'on avait ici affaire à une météorite du groupe bien connu des chondrites. C'est d'ailleurs ce qu'a confirmé également l'analyse chimique de la météorite qui a été faite par M. le Dr Stöber. Le poids spécifique, à 20° centigrades, est 3,575.

Passant à la description microscopique détaillée de la météorite de Lesve, M. A. Renard, dans sa note à l'Académie, passe successivement en revue les divers éléments constitutifs de cette roche l'olivine, la bronzite formant les chondres, la maskelynite (?), le fer nikelifère et cobaltifère, la troïlite et la chromite.

L'auteur termine sa note préliminaire en étudiant la micro-structure de la croûte de fusion, et il y retrouve les trois zones de fusion, intermédiaire et d'imbibition, caractéristiques de la croûte des chondrites en général.

Dans l'annonce qu'il a faite à l'Académie de la présentation ultérieure d'un mémoire détaillé et avec figures à l'appui, l'auteur dit qu'il exposera les conclusions auxquelles il a été amené pour interpréter le mode de formation des pierres météoriques du groupe auquel il rattache l'échantillon de Lesve, et déjà il signale qu'il envisage la structure de la pâte des chondrites comme produite par cataclase.

La communication qui a été faite à la Société, par M. A Renard, à la séance du 30 mars 1897, et qui se trouve insérée dans les ProcèsVerbaux des séances (pp. 61-65) du tome XI (1897) de notre Bulletin sous le titre Recherches sur le mode de formation des météorites pierreuses (chondrites), a déjà fourni d'intéressants arguments en faveur de cette thèse. Au lieu d'avoir une origine pyroclastique, c'est-à-dire qui serait due à l'agglomération de particules volcaniques extra-terrestres, réunies à la manière des tufs, par exemple, les météorites pierreuses du type des chondrites auraient, alors qu'elles faisaient encore partie du corps cosmique dont elles représentent aujourd'hui les débris, été soumises à des actions de métamorphisme dynamique. L'examen microscopique de la météorite de Lesve a encore confirmé M. Renard dans cette opinion, qui ouvre des horizons nouveaux et permet d'établir une analogie de plus entre les météorites et les roches terrestres.

Après cet exposé des résultats des études de M. Renard et le rappel qui l'avait précédé des articles de MM. Lancaster et Fournier, il semble

utile à M. Van den Broeck d'ajouter quelques mots, tant sur la chute elle-même que sur les circonstances qui l'ont précédée.

Les chutes authentiques de météorites sont d'ailleurs tellement rares en Belgique, qu'il y a grand intérêt à exposer en détail, chaque fois que cela est possible, les données relatives à ce genre de phénomène, lorsque l'observation a pu en être faite dans de bonnes conditions.

Pour ce qui concerne les circonstances qui précédèrent la chute de la météorite de Lesve, M. Van den Broeck ne peut que renvoyer le lecteur à l'article précité de Ciel et Terre, et qui fait observer que depuis un mois déjà avant la date de la chute, on avait observé un nombre tout à fait inusité de bolides.

Dans un relevé statistique s'appliquant exclusivement à l'Europe occidentale et à l'Algérie, l'article de Ciel et Terre, publié par M. Lancaster, énumère cinq observations de bolides faites en novembre 1895, sept en décembre, cinq en janvier 1896, quatre en février, dont la fameuse météorite dite de Madrid, du 10 février dans la matinée, deux en mars et deux en avril.

Cette énumération, tout incomplète qu'elle ne peut manquer d'être, dénote que la Terre, pendant cette période, traversait une région céleste remarquablement sillonnée de ces météores. La météorite de Lesve, tombée le 15 avril, peut donc être considérée comme faisant partie du vaste essaim sporadique de débris cosmiques rencontrés par notre globe pendant l'hiver 1895-1896.

Passant au phénomène de la chute elle-même, M. Van den Broeck fait observer que les renseignements qu'il a obtenus par correspondance et ceux qu'a recueillis sur place M. le conservateur Klement, du Musée de Bruxelles, confirment, en tous points, les détails fournis par D. G. Fournier dans sa note en partie reproduite au début de la présente communication.

La matinée du 13 avril 1896 fut caractérisée par un ciel couvert et par un temps froid amenant le jeu caractéristique des giboulées, avec chutes pluviales et grelons en alternances, que les habitants de nos contrées connaissent de longue date.

Comme le signale Dom G. Fournier, c'est vers 7 1/2 heures du matin, à un moment où aucune précipitation atmosphérique ne se faisait sentir, qu'un bruit inusité et assez violent se fit entendre à Lesve, commune d'environ 1500 habitants (altitude 265 mètres), située à 8 kilomètres au S.-E. de Fosses et à 15 kilomètres au S.-W. de Namur. Les habitants ont décrit d'une manière en somme peu différente, leurs impressions au sujet de l'audition du bruit. Pour les uns, comme

le dit M. Fournier, c'était comme un violent roulement de chariots. Pour les autres, plus éloignés du point de chute, comme la femme dont parle l'auteur précité, le bruit fut assimilé à celui d'une maison qui s'écroule.

L'impression qui a été notée de l'effondrement d'une maison « dont toutes les tuiles se briseraient » fournit l'indication d'un son élevé et clair. D'autres encore ont comparé ce bruit à celui que ferait une décharge de mousqueterie tirée sans trop d'ensemble.

Le fils Pochet travaillait en ce moment dans le verger de son père, cabaretier du village, et c'est dans ce verger, et à environ 10 mètres de lui, que vint s'enfoncer dans le sol la météorite qui nous occupe.

Pour le fils Pochet, il y eut l'impression d'un bruit violent mélangé de sifflement; il compara cette impression auditive au bruit et au sifflement de plusieurs trains de chemin de fer marchant à toute vapeur. La chute de projectile céleste ne fut pas perçue par M. Pochet fils, et ni lui ni aucun autre habitant du village n'observèrent de vapeur ou de trace ou impression lumineuse. Ce ne fut même qu'après un quart d'heure d'effarement et de crainte bien légitimes que M. Pochet, ayant repris son travail, remarqua un trou creusé profondément dans un sentier du verger.

Si l'on passe au trajet souterrain du projectile aérien, on constate que la force de pénétration devait être assez grande pour que la terre durcie du sentier, infiniment moins meuble, par conséquent, que le sol naturel, n'ait pas empêché l'aérolithe de se loger à 40 centimètres de profondeur. Le trou, absolument net, était dirigé un peu obliquement. Il a été publié que c'est dans le choc contre la terre durcie du sentier que des éclats de la pierre aérienne ont dû sauter, mais c'est là une erreur. La météorite a été retirée intacte et entièrement recouverte de sa croûte noire de fusion, sans toutefois qu'aucune mention ait été faite par ceux qui l'ont exhumée, d'un état de température pouvant attirer l'attention.

L'aérolithe intacte pesait 2 kilogrammes, et c'est un assez fàcheux, mais compréhensible sentiment de curiosité qui a fait détacher de la pierre, d'un coup de marteau, un gros fragment accompagné d'esquilles, et dont la pièce principale se trouve actuellement en possession de M. Van den Broeck et a donné lieu à la communication qui précède.

E. WALIN.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE,

Du régime des fleuves en Chine. (L'aménagement et l'utilisation des eaux dans les régions de Péking, de Tien-Tsin et de Shanghai-Hankow.)

M. l'ingénieur des ponts et chaussées E. Walin a publié, au retour de sa mission en Chine, dans les Annales des travaux publics de Belgique (juin 1898), une étude sur l'Aménagement et l'utilisation des eaux dans les régions de Péking, de Tien-Tsin et de Shanghaï-Hankow, d'où nous extrayons les renseignements suivants sur le régime des eaux en Chine:

Au cours de sa mission, M. Walin a été frappé de l'importance des inondations périodiques, du mauvais état des voies navigables et de l'énorme quantité de matières que charrient les eaux, en toute saison, dans cet immense pays. Dans les limites du temps très court et des moyens d'investigation très faibles dont il disposait, il a recherché les causes d'un état de choses si calamiteux et les remèdes à y apporter.

Quatre fleuves principaux parcourent la Chine : au Nord, le Peï-ho, qui se jette dans le golfe du Pet-chi-li à Takou; au Sud, le Si-Kiang, qui se jette dans la mer de Chine, près de Canton; au centre, le Hoang-ho, ou fleuve Jaune, et le Jang-Tse-Kiang, ou fleuve Bleu.

Ces fleuves prennent tous leur source dans les montagnes de l'Ouest; l'origine des deux grands fleuves du centre remonte jusque dans les régions inexplorées de la haute Asie. Après un très long parcours en forte pente en terrains de toute nature, roches primaires, sables, argile jaune, etc., ces fleuves viennent répandre leurs eaux boueuses dans la plaine immense que forment leurs deltas, non sans avoir reçu de nombreux et importants affluents au cours torrentiel.

Dès l'instant où elles quittent la région montagneuse, les eaux passent des vallées encaissées dans des vallées très larges, à pentes plus faibles, où elles perdent immédiatement leur grande vitesse et deviennent incapables de rouler ou de porter encore les galets, les graviers et la totalité des sables et des boues recueillis sur leur passage; elles déposent alors leurs cailloux d'abord, les éléments plus petits ensuite, et s'en vont au loin, dans la plaine, chargées de sable fin et d'argile aune, que la force d'impulsion leur permet encore de porter.

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