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terre, d'Amérique et de Belgique ont sagement conçus, il faut songer à protéger l'enfant contre le vagabondage et la mendicité.

Si l'école n'est pas par elle seule suffisante pour combattre les instincts vagabonds des jeunes adeptes de la vie libre, les œuvres interscolaires sont d'une efficacité plus certaine. Dans les grandes villes, à Paris notamment, la cantine scolaire, si bon marché pour ceux qui peuvent payer, tout à fait gratuite pour les indigents, permet aux parents qui travaillent au dehors d'assurer la surveillance de leurs enfants entre la classe du matin et celle du soir. Puis la classe de garde jusqu'à sept heures complète, avec quelques récréations en commun, ce système de demi-pension que je voudrais encore plus parfait. Pourquoi, en effet, avec un léger supplément de dépense, les parents ne pourraient-ils point faire donner aux jeunes écoliers le premier repas du matin et celui du soir. Quand on pense que le repas de midi coûte, à Paris, dix centimes sans le pain et la boisson, je suis persuadé qu'en doublant ou en triplant cette somme, on arriverait à donner aux enfants dont les parents ne peuvent pas s'occuper suffisamment, une nourriture suffisamment substantielle et hygiénique qui remplacerait avantageusement pour beaucoup d'entre eux le repas préparé à la hâté au retour au logis par la mère fatiguée après une journée de labeur et pressée de prendre un repos bien gagné.

Pour les jours de congé la garderie consisterait en des exercices physiques et récréatifs, des promenades à la campagne l'été, et des visites de monuments et de musées l'hiver, tout cela sous la conduite d'hommes spéciaux et dévoués que l'on trouverait facilement; il suffirait pour cela de faire appel à toutes les bonnes volontés qui ne demandent qu'à s'employer pour constituer cette œuvre éminemment philanthropique.

Ce qui à l'école est facile à réaliser serait tout aussi possible quand il s'agit de jeunes apprentis. Déjà des restaurants spéciaux sont réservés aux femmes seules et rendent de grands services; ne pourrait-on pas en établir dans certains quartiers populeux où se trouvent les usines et les ateliers importants pour les jeunes gens au-dessous de 18 ans? Bien entendu, il faudrait que ces établissements soient conçus dans le même esprit et que les boissons alcooliques y soient proscrites absolument. Les cabarets de tempérance pour les adultes

ont déjà un certain succès, je suis persuadé que les restaurants d'apprentis seraient tout aussi fréquentés et donneraient les meilleurs résultats.

Enfin, ce qu'il faut instituer à côté des universités populaires réservées aux adultes, ce sont des réunions familiales, des cercles de quartier, où les familles pourraient venir en commun entendre des causeries instructives et récréatives, lire quelques bons livres, se livrer à des jeux licites, en un mot, trouver en dehors du cabaret un lieu de réunion honorable où les promiscuités malsaines ne seraient pas å redouter et, où, au contraire, les bons conseils et les bons exemples pourraient détruire dans leurs germes tous les mauvais penchants prêts à éclore.

En attendant l'installation rêvée des family clubs, des réunions intelligemment organisées, où les parents et leurs enfants seraient conviés pour s'instruire et se distraire, donneraient des résultats heureux.

Des œuvres nombreuses ont déjà fait des tentatives semblables, mais, outre que certaines n'ont pas réussi parce qu'il y avait cu un vice d'organisation, elles ne sont ni assez nombreuses ni assez puissantes pour rendre les services qu'on en attend.

Tous ces efforts joints à la réorganisation de la famille dans un temps où les divorces et les unions illégitimes se multiplient dans toutes les classes de la société, sont autant de viatiques pour préserver les enfants d'abord, les parents ensuite, des contagions malsaines et éviter des chutes irréparables. Le patronage dans la famille est sans conteste le moyen le plus puissant pour sauvegarder les jeunes quand les parents sont honorables, ce qui est la règle, les parents indignes et incapables, d'après une constatation statistique, ne dépassant pas le quart de ceux dont les enfants sont traduits en justice. L'initiative privée peut seule organiser cette préservation parce que les dévouements ne se conçoivent que quand ils sont volontaires et spontanés, mais la société doit intervenir pour appuyer par tous les moyens dont elle dispose les efforts des œuvres philanthropiques. Cette idée n'est d'ailleurs point nouvelle et irréalisable. Elle est indiquée dans le programme du prochain congrès pénitentiaire international de Bruxelles sous cette forme: «Ya-t-il lieu de rendre obligatoire, et de quelle façon y a-t il lieu d'organiser l'intervention des comités de patronage à l'égard des jeunes délinquants pour lesquels il a été rendu une sentence

provisoire ou une condamnation avec sursis?» Cette proposition ne vise que le reclassement des enfants qui ont été mis sous la main de la justice et dont le reclassement paraît possible. Mais ne doit-on pas étendre cette tentative à ceux qui, sans avoir comparu devant les tribunaux répressifs, n'ont commis qu'une simple incartade et qui ont été relaxés tout aussitôt par les autorités judiciaires ou administratives. En un mot, doit-on attendre que la faute commise soit grave et que les récidives aient succédé aux récidives pour intervenir ? Non évidemment, et la préservation dans la famille, au moment où les jeunes vont entrer dans la mauvaise voie, est plus facile et plus efficace.

L'hygiène morale et préventive vaut mieux que la médication thérapeutique la mieux conçue. J'émets donc le vœu que l'intervention des comités de patronage de préservation puisse être officiellement appuyée et reconnue. Déjà nous avons fait à Paris une tentative heureuse avec le Patronage familial qui, dès le lendemain de son existence, s'est affirmé par des résultats immédiats. Nous sommes persuadés que si tous les patronages de ce genre étaient fortement organisés et officiellement appuyés ils rendraient des services signalés et consolants à cette grande cause de la préservation de la jeunesse, ce joyau précieux qui, dans chaque pays, est la force et l'espoir de demain.

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Président du Comité de défense des enfants traduits en justice de Marseille, Membre du Bureau central des Sociétés de Patronage de France.

La question du vagabondage et de la mendicité des enfants a fait l'objet de très nombreux et remarquables rapports aux comités de défense de Paris et de Marseille, dans les congrès de patronage de libérés, dans les congrès pénitentiaires. Le résumé de ces rapports constituerait à lui seul un véritable monument sur cette matière si intéressante (1).

Il n'en est pas en effet qui mérite davantage de fixer l'attention du philanthrope et du moraliste; ainsi que l'a dit M. Passez, « elle est un des aspects de la question sociale elle-même » .

Seulement, grâce à ces rapports, grâce aux discussions dont ils ont été l'objet, et aux vœux émis dans les congrès précédents, un certain nombre de points peuvent être aujourd'hui considérés comme acquis et définitivement tranchés; et il pourrait être dangereux, sous peine de détruire l'œuvre de ces congrès et, par suite, leur utilité et leur raison d'être, de les remettre sur le tapis.

Je crois inutile, après tous les rapports qui ont été faits sur cette question, de démontrer quel est le danger du vagabondage chez

(1) Voir le très remarquable travail de M. Rozés sur les enfants vagabonds, Toulouse, 1900.

l'enfant et combien le petit vagabond devient rapidement un petit voleur, un petit bandit et quelquefois un assassin qui tue pour satisfaire ses besoins de jouissance et d'indépendance sans travail.

Il faut arrêter le mal dès qu'il commence et ne pas laisser l'enfant s'engager sur cette pente fatale qui aboutira à faire de lui un malhonnête homme il faut donc le protéger.

Mais ces mesures de protection seront évidemment différentes suivant l'état d'âme, si je puis parler ainsi, du petit vagabond et du petit mendiant, et tout dépendra des mobiles qui auront pu pousser l'enfant au vagabondage ou à la mendicité.

Lorsqu'un enfant est trouvé errant sur la voie publique ou sollicitant l'aumône, il faut, encore plus que pour tout autre délit, rechercher la cause de ce vagabondage, de cette mendicité.

Il y a d'abord toute une catégorie d'enfants qui sont abandonnés par leurs parents, ou qui sont dressés par eux à la mendicité et au vagabondage. De délits, il ne peut en être question, puisque l'enfant subit une contrainte ou cède à une circonstance de fait qu'il n'a pu empêcher. Cette première catégorie est du ressort de l'assistance. En France, grâce aux lois de 1874 et de 1889, les sociétés de charité et l'assistance publique peuvent recueillir et prendre sous leur garde ces malheureux abandonnés, et en faisant prononcer la déchéance de la puissance paternelle les soustraire à une autorité qui était pour eux cruelle et néfaste.

Lorsque l'assistance publique ou les sociétés privées ont ainsi recueilli l'enfant abandonné ou le petit mendiant elles le placent soit chez des pères nourriciers, soit dans des établissements d'éducation. Elles sont substituées au père et à la mère, elles ont les mêmes pouvoirs, les mêmes droits et les mêmes devoirs, elles assureront l'avenir de l'enfant comme un père de famille doit le faire.

Le Congrès aura à examiner dans quelles conditions peuvent être effectués, au mieux des intérêts de l'enfant, ces placements dans les familles et, d'autre part, quelles sont les écoles que l'on pourrait créer pour abriter ces pauvres enfants.

Cette question se rattache à celle que le Congrès doit traiter en assemblée générale, et qui est également soumise au congrès pénitentiaire de Bruxelles : le placement familial, opéré par l'assistance

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