CHAMBRE DES DÉPUTÉS 6° LÉGISLATURE SESSION ORDINAIRE DE 1896 SÉANCE DU JEUDI 23 AVRIL 1896 = SOMMAIRE. Excuses et demandes de congé. Lecture, par M. le président du conseil, ministre des affaires étrangères, d'une déclaration du Gouvernement. Dépôt, par M. Henri Ricard (Côte-d'Or) et plusieurs de ses collègues, d'un projet de résolution. Dépôt, par M. René Goblet, d'un projet de résolution.- Demande d'ajournement de la discussion des deux projets de résolution: MM. Maurice Lebon, Jaurès. Rejet, au scrutin. Autres projets de résolution: 1o de M. Delpeuch et plusieurs de ses collègues; 2o de M. le vicomte d'Hugues; 3° de M. Georges Trouillot. Demande de priorité pour le projet de résolution de M. Henri Ricard (Côte-d'Or) et plusieurs de ses collègues. Adoption, au scrutin. Adoption, au scrutin, de la première partie. — Adoption, au scrutin, de la seconde partie. - Sur l'ensemble: MM. Audiffred, de Ramel, Laroche-Joubert. - Scrutin public à la tribune. Incident: M. le président. Proclamation du résultat du dépouillement du scrutin. Adoption de l'ensemble du projet de résolution. Incident M. de Baudry d'Asson. Dépôt, par M. Gauthier (de Clagny) et plusieurs de ses collègues, d'un projet de résolution tendant à la revision des lois constitutionnelles. Règlement de l'ordre du jour MM. Jules Develle, de Baudry d'Asson. Congés. = MM. Arthur Leroy, Franc, Bastid, Noël, Fournol, François, Deshayes, Flourens, Alfred Faure et Cros-Bonnel s'excusent de ne pouvoir assister à la séance de ce jour et demandent des congés. Les demandes seront renvoyées à la commission des congés. DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT M. le président. La parole est à M. le président du conseil. M. Léon Bourgeois, président du conseil, ministre des affaires étrangères. Messieurs, le 2 avril dernier, le jour même où elle suspendait ses séances, la Chambre des députés, par 309 voix contre 213, renouvelait au cabinet que j'ai l'honneur de préM. le président. L'ordre du jour appelle sider le témoignage de sa confiance. Elle le tirage au sort des bureaux. TIRAGE AU SORT DES BUREAUX Il va y être procédé. votait le même jour, par 442 voix contre 30, les crédits nécessaires aux services mi (L'opération a lieu dans la forme habi- litaires de Madagascar. tuelle.) Dans sa séance d'avant-hier, le Sénat a 1 refusé au Gouveritement de discuter les mêmes crédits et déclaré qu'il ajournerait son vote jusqu'à ce qu'un autre cabinet se présentât devant lui. (Vives interruptions sur divers bancs.) M. le président. Veuillez garder le silence messieurs, et laisser la parole à M. le président du conseil. (Vouvelles interruptions.) M. le président du conseil a seul la parole. Les interruptions qui ne parviennent pas jusqu'au président ne seront pas inscrites au Journal officiel. (Protestations sur divers bancs à gauche. Applaudissements au centre et à droite.) M. Pourquery de Boisserin. Personne n'a le droit de supprimer ce qui est dit ici. M. Cuneo d'Ornano. Le comité secret, alors! M. Faberot. Je demande la parole. M. Coutant, s'adressant à M. le président. Vous êtes mûr pour le Sénat! M. le président. Maintenant que vous vous êtes satisfait et que vous m'avez ainsi parlé, ce dont je ne me fàche pas d'ailleurs, laissez parler l'orateur. (On rit.) M. le président du conseil. Nous avons dû examiner immédiatement quels devoirs nous imposaient ces décisions nettement contraires des deux Chambres. M. Jaurès. La revision! M. le président du conseil. Les termes de la délibération du Sénat ne permettent plus à notre cabinet d'assurer légalement... (Nouvelles interruptions.) M. le président. Messieurs, voulez-vous, oui ou non, permettre à l'orateur de se faire entendre? Mais, en agissant ainsi, nous n'avons pas, messieurs, oublié que nous avions d'autres devoirs à remplir envers la Chambre des députés et envers le pays républicain. Cette Chambre nous a donné, à maintes reprises, d'éclatants témoignages de confiance. M. René Goblet. Ce n'était pas la peine! A droite. A huit voix de majorité, en comptant celles des ministres ! M. le président du conseil. A l'heure même où je parle, le cabinet qui est sur ces bancs y siège par la volonté de la majorité des représentants directement élus par le suffrage universel. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche.) M. Paul Vignė. Restez-y! Vous n'avez pas le droit de vous retirer. M. Camille Pelletan. Ah! non. (Rires au centre et sur divers bancs à droite.) M. le président du conseil. ...on nous a accusés de n'être plus « un ministère constitutionnel ». Messieurs, nous n'avons voulu faire à cette accusation qu'une seule réponse; nous avons rappelé que le droit de se prononcer sur elle ne peut être reconnu ni à l'une ni à l'autre des deux Chambres, mais au seul pouvoir auquel appartient le droit d'interpréter la Constitution, l'Assemblée nationale. M. Marcel Habert. La Constituante! M. le président du conseil. Convaincus d'être restés les serviteurs fidèles de la loi constitutionnelle comme de toutes les lois, à l'heure où nous n'hésitons pas à quitter M. Hubbard. Quand on est sûr de sa le pouvoir plutôt que de commettre, même majorité, on reste avec elle. pour assurer un service touchant à la défense nationale (Rumeurs au centre et à droite), la jourd'hui encore ne pas pouvoir, à une M. le président du conseil. Nous n'avons pas cru possible de remettre notre déms-plus légère irrégularité, nous croyons ausion à M. le Président de la République avant d'être venus devant vous pour vous rendre compte des motifs patriotiques de notre résolution (Rumeurs au centre et à droite. Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche) et vous donner l'assurance qu'aucune autre considération n'aurait pu nous déterminer à quitter le poste où votre confiance nous a jusqu'ici énergiquement maintenus. (Interruptions.) Nous ne permettrions pas, en effet, qu'une fausse interprétation des motifs de notre retraite pût faire croire au pays que nous avons un seul instant abandonné la doctrine professée par les plus illustres de nos prédécesseurs au gouvernement de la République, par Gambetta et par Jules Ferry (Bruit au centre. - Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche), et suivant laquelle c'est à la Chambre didé-rectement issue du suffrage universel... M. le président du conseil. ... à partir du 30 avril, le fonctionnement des services militaires indispensables à la défense des droits et des intérêts de la France à Mada gascar. Quels que soient les motifs qui ont terminé le Sénat à une telle résolution, nous avons pensé, nous, que le patriotisme nous commandait impérieusement... M. Camille Pelletan. De rester. M. le président du conseil. ... de tout. subordonner au souci de la question la plus haute, celle de la sécurité et de la dignité nationales. (Applaudissements sur divers bancs.) M. Jaurès. Le Sénat n'en a tenu aucun compte. M. le président du conseil. Aucun intérêt de politique intérieure, quelle qu'en fût la gravité, ne pouvait, à nos yeux, être mis en balance avec celui-là. M. Camille Pelletan. Alors, vous auriez laissé rétablir la monarchie? (On rit.) M. de Baudry d'Asson. C'est ce qu'il y aurait de mieux à faire, monsieur Pelletan. (Bruit.) M. le président du conseil. Nous avons donc résolu de céder à un autre ministère la direction des affaires, afin que les crédits nécessaires à l'entretien et à la relève de nos troupes ne pussent, même un seul jour, ètre laissés en souffrance. M. René Goblet. Je demande la parole. M. le président du conseil... qu'appartiennent l'initiative et la direction générale de la politique... Un membre à l'extrême gauche. Non, c'est à la Constituante! M. le président du conseil. ...à elle seule appartient, suivant le mot de l'ancien président du Sénat, « le pouvoir de faire et de défaire les ministères ». M. le président du conseil. Messieurs, en descendant du pouvoir, sans que le lien politique qui s'est formé, il y a cinq mois, entre cette Chambre et nous se soit brisé, nous avions le droit et le devoir de vous apporter ces déclarations. Peut-être avons-nous aussi le droit d'ex primer l'espoir que la majorité réformatrice qui, sur un programme à tous les termes duquel nous sommes restés fidèles, nous a soutenus contre des attaques presque quotidiennes, n'éprouve de notre retraite aucun découragement. Les hommes passent; ils ne sont rien. M. de Baudry d'Asson. Les gouvernements passent. Il faut espérer que la République passera bientôt, et alors la France sera sauvée. M. le président. Veuillez garder le silence, monsieur de Baudry d'Asson. M. le président du conseil. Les idées qu'ils ont servies, si elles sont justes, demeurent et triomphent. Nous nous sommes efforcés, pendant ces cinq mois, de rendre à la démocratie franM. Camille Pelletan. Cela lui apparte çaise sa direction naturelle, au parti répunait avant vous! M. le président du conseil. C'est avec M. Camille Pelletan. Restez, alors! blicain sa confiance en lui-même, sa foi dans la puissance bienfaisante de ses idées, à tous les citoyens la saine passion des véritables luttes politiques. Nous avons travaillé de notre mieux à la formation et à l'entraînement de ce grand parti démocratique qui veut, avonsnous dit ici même, « faire de la République l'instrument du progrès moral et social, le moyen continu de diminuer l'inégalité des conditions et d'accroître la solidarité entre les hommes ». La Chambre n'a cessé de nous approuver Pour l'avoir affirmé, non seulement par et de nous soutenir dans cette grande nos paroles, mais par nos actes... tâche. Nous attendons avec confiance tère ses responsabilités : nous dégageons | avait inaugurée d'accord avec la majorité M. le vicomte d'Hugues. Et nous, nous attendons le coup de balai! M. le président. Monsieur d'Hugues, ne dites pas ce que vous attendez. Veuillez garder le silence. M. le vicomte d'Hugues. Je dis que nous attendons le coup de balai. M. le président. Je vous rappelle à l'ordre. M. de Baudry d'Asson. Nous attendons la fin de la République. M. le président. C'est bien. Vos paroles, en effet, ne sont pas inutiles, monsieur de M. de Baudry d'Asson. Attendez qu'il y Baudry d'Asson, ni celles de M. d'Hugues. ait un ministère! M. le président. Monsieur de Baudry d'Asson, je sais quels sont les précédents; je crois connaître mon devoir et je m'y conforme. La Chambre est présente et on le droit de déposer un projet de résolution. La parole est à M. Henri Ricard. M. Henri Ricard (Côte-d'Or). Messieurs, en raison de la gravité de la situation actuelle, et surtout après les déclarations que vous venez d'entendre, mes amis et moi pensons que la Chambre a le devoir de se prononcer et de dire si elle entend abandonner les prérogatives qu'elle tient de ses origines. (Vifs applaudissements à gauche et à l'extrême gauche.) Elle ne saurait avoir cette pensée que le pays ne comprendrait pas et qui équivaudrait à une abdication. (Applaudissements sur les mèmes bancs.) C'est pourquoi j'ai l'honneur de déposer le projet de résolution suivant : « La Chambre affirme à nouveau la M. Alphonse Humbert. Voilà les alliés du centre! M. le président. J'espère que la Chambre écoutera avec calme alors qu'il s'agit de la plus haute question dont elle puisse être saisie. (Applaudissements.) Elle est saisie, au moins par les propositions qui lui sont soumises, de la question même de ses prérogatives. (Applaudisse- | ments répétés à gauche.) Celui qu'elle a bien voulu mettre à sa tête espère qu'elle se montrera à la hauteur de ce débat par sa dignité et par son silence. (Nouveaux applaudissements.) M. Alphonse Humbert. Et par son vote! M. René Goblet. Combien M. le prési dent a raison, en effet! (Exclamations à droite.) Mais aujourd'hui le Sénat va plus loin: il ne se contente pas, comme il l'avait fait précédemment, de faire obstacle aux réformes par ses votes, en repoussant les lois que nous lui apportons; il a la prétention, pour la première fois, de renverser par ses votes seuls les ministères qui sont investis de la confiance de la Chambre. C'est là une prétention contre laquelle vous devez tous vous soulever. M. le président du conseil le rappelait tout à l'heure, c'est un membre du Sénat qui a dit... A droite. C'est une thèse inconstitutionnelle. M. le comte de Juigné. Il y a une constitution ou il n'y en a pas. M. Cuneo d'Ornano. On demande que l'on respecte la Constitution. M. le président. En quoi faisant ? M. de Baudry d'Asson. En n'attaquant pas le Sénat. (Interruptions.) M. le président. Messieurs, c'est en vain que l'on voudrait empêcher l'orateur de produire à la tribune de la Chambre une thèse qui y a été apportée, comme le rappelait M. le président du conseil il y a un instant, par M. Jules Ferry, qui plus tard a été élu président du Sénat. (Vifs applaudissements à gauche.) M. René Goblet. Ainsi que M. Bourgeois pré-sel devant le suffrage restreint. (Applaudis- pondérance des élus du suffrage universel et sa résolution de poursuivre les réformes démocratiques. (Applaudissements prolongés à l'extrême gauche et à gauche.) M. Braud. Vive la revision! >> M. Cuneo d'Ornano. C'est votre Constitution qui le veut. M. René Goblet. Je ne veux pas insister sur la question que l'autre Chambre a choisie pour faire prévaloir sa prétention; il M. Maurice Lebon. Je demande la pa- n'en est pas moins vrai - cela n'est pas role. M. le président. La parole est à M. Goblet. M. René Goblet. Messieurs, je viens d'entendre avec une profonde tristesse les déclarations que nous a apportées le Gouvernement. Il nous avait dit, au début de sa carrière ministérielle, qu'il était au ministère pour agir. Nous attendions des actes (Interruptions); nous n'avons pu que constater le caractère insuffisant et contradictoire des explications qui viennent de nous être fournies. Mais je n'ai pas à discuter avec un cabinet qui a quitté ces bancs. Il a exprimé tout à l'heure la pensée que le parti radical, que le parti républicain, pour l'appeler de son vrai nom (Applaudissements à gauche et à l'extrême gauche), que le parti républicain ne se laisserait pas aller au découragement. Vous pouvez en être convaincus. (Nouveaux applaudissements sur les mémes bancs.) M. Braud. Le pays est avec nous. contestable que, pour faire triompher son opposition antigouvernementale, la haute Chan.bre n'a pas reculé devant la résolution d'ajourner les crédits nécessaires à l'entretien de nos troupes à Madagascar. | (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs. Interruptions.) M. de Baudry d'Asson. Le Sénat s'est montré plus sage que la Chambre des députés. M. le président. Monsieur de Baudry d'Asson, veuillez garder le silence. M. René Goblet. Le pays appréciera comme il convient cette politique. Je ne veux pas insister davantage sur les motifs que le Sénat a donnés de son refus de voter les crédits; les prétendus froissements qu'il aurait subis de la part du ministère n'ont été, de l'aveu de tout le monde, qu'un pur prétexte. (Applaudissements à l'extrême gauche.) La vérité pour tous, c'est que l'opposition du Sénat au ministère, avec la forme qu'elle a prise, vient de son hostilité contre la politique de réformes que le Gouvernement Cette doctrine a été vraie pendant vingt ans et elle cesserait d'ètre vraie aujourd'hui si la Chambre cédait devant la résolution qui lui vient de la haute Assemblée: (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche.) M. Fernand de Ramel. Vous oubliez que le ministère Tirard s'est retiré devant un vote du Sénat. M. René Goblet. Nous ne pouvons accepter cette résolution parce qu'elle est contraire à la Constitution, et je réponds ici d'un mot à l'honorable M. Cuneo d'Or nano. Vous croyez que le Sénat peut avoir le droit, comme la Chambre des députés, de renverser les ministères? Mais alors de deux choses l'une ou vous subordonnez la Chambre issue du suffrage universel au Sénat, ou bien vous rendez le fonctionnement de la Constitution impossible. (Interruptions à droite.) M. Hubbard. Est-ce que les hommes du Seize-Mai vont empêcher la discussion? M. Alphonse Humbert. Silence au SeizeMai! M. René Goblet. Car, après que le Sénat aura repoussé des ministres investis de la confiance de la Chambre, demain, je pense, la Chambre pourra à son tour repousser les ministres investis de la confiance du Sénat, et je vous demande alors comment le gouvernement sera possible dans ce pays. M. le comte de Lanjuinais. C'est la l'honneur de faire partie, mais que beauté du régime, cela! comme M. le président le disait tout à M. René Goblet. Je dis donc que cette prétention est contraire à la Constitution sainement interprétée. J'ajoute qu'il n'appartient pas au Sénat d'interpréter la Constitution, que le Congrès seul a le droit de faire cette interprétation et que si la Chambre ne protestait pas contre la résolution du Sénat, il n'y aurait qu'une conséquence à tirer de son vote: ce serait de réclamer | gauche et à droite. immédiatement la revision de la Constitu- | trême gauche.) tion. (Applaudissements à gauche.) Enfin je dis que nous ne pouvons pas accepter la résolution du Sénat parce qu'elle est une atteinte directe, et la première qui ait été portée avec cette gravité, au suffrage universel. (Nouveaux applaudissements.) Messieurs, vous êtes ses représentants; vous avez promis de défendre ses droits. Pouvez-vous les abandonner devant les prétentions du suffrage restreint ? Voix nombreuses à gauche. Non! non! M. René Goblet. Je dis, messieurs, que ce serait une désertion de votre mandat et une trahison envers le suffrage universel dont vous êtes les élus. M. Montaut (Seine-et-Marne). Et les gardiens! M. René Goblet. C'est par ces motifs que je dépose sur le bureau de la Chambre la proposition de résolution suivante : «La Chambre, considérant les circonstances dans lesquelles se produit la démission ministérielle, déclare qu'elle ne donnera son concours qu'à un ministère résolu à poursuivre l'œuvre des réformes et à faire respecter les droits supérieurs du suffrage universel.» (Vifs applaudissements à l'extrême gauche et à gauche.) M. le président. Voulez-vous, messieurs, permettre à l'orateur de se faire entendre en faveur de l'ajournement? M. Maurice Lebon, s'adressant à l'extrême gauche. Vos interruptions ne cessent pas; vous recommencez une tactique que vous suivez depuis longtemps et qui consiste à ne pas laisser parler les orateurs. Je la connais, mais elle ne me gêne pas je resterai à la tribune aussi longtemps qu'il le faudra. M. le président. Messieurs, le développement d'une motion d'ajournement ne peut jamais être bien long. Je vous prie d'écouter l'orateur. M. Maurice Lebon. Mon développement sera d'autant moins long (Interruptions) et je m'étonne que mon collègue M. Pourquery de Boisserin m'interrompe encore en ce moment, car je ne dis rien d'extraordinaire, mes observations, dis-je, seront d'autant moirs longues que c'est l'autorité du président de cette Chambre que j'entends invoquer. M. Pourquery de Boisserin. C'est pour cela que je vous ai applaudi tout à l'heure. M. Maurice Lebon. En 1893, au début de la présente législature, vous vous rapM. le président. La parole est à M. pelez l'incident qui s'est produit. Au cours Jaurès. même d'une interpellation, on a appris que M. Maurice Lebon. Je demande la parole trois ministres étaient démissionnaires. pour une motion d'ajournement. M. le président. M. Maurice Lebon propose l'ajournement de la discussion sur les projets de résolution qui ont été déposés; l'ajournement est une motion préjudicielle qui a toujours la priorité. La parole est à M. Maurice Lebon. M. Maurice Lebon. Comme M. le président de la Chambre vient de le dire, j'ai demandé la parole, non pas pour combattre la proposition de M. Ricard ni les observations de l'honorable M. Goblet, mais pour rappeler et j'appuie mon observation de celle de M. le président que c'est une des questions les plus hautes et les plus complexes qu'on demande à discuter, puisqu'il s'agit, et je suis, comme député, partisan de l'extension la plus large des pouvoirs de la Chambre des députés....... (Applaudissements ironiques à l'extrême gauche.) Si vous vous imaginez que vos rires et vos applaudissements m'empècheront de dire ce que je veux dire à la Chambre, vous vous trompez. Je disais que, comme député, j'étais tout naturellement partisan des pouvoirs les plus larges donnés à la Chambre dont j'ai Ecoutez le langage de M. Brisson et vous verrez... (Applaudissements au centre et sur divers bancs à gauche. Interruptions à l'extrême gauche.) M. le président. Je suis mis en cause, messieurs, permettez-moi d'entendre. M. Maurice Lebon. Il serait fàcheux en effet, non pas que mes paroles ne fussent pas écoutées, mais que vous n'entendissiez pas les paroles de M. Brisson, car c'est une lecture que je veux faire. (Bruit.) lisez !) Vous ne me ferez pas lire une minute plus tôt que je ne l'entends. (Interruptions à l'extrême gauche.) M. le président. Messieurs, veuillez ne pas vous adresser à l'orateur. Il croit devoir vous répondre et vous faites ainsi perdre le temps de la Chambre. M. Maurice Lebon. J'invoque, disais-je, à l'appui de mes paroles l'autorité de celles de l'honorable M. Brisson. (Lisez! lisez!) Veuillez, je vous prie, me laisser conduire ma discussion comme je l'entends. A l'extrême gauche. Lisez! M. le président. Messieurs, vous dites: Lisez! L'orateur lira quand il voudra; il a bien le droit de faire précéder sa citation d'explications. M. Maurice Lebon. C'est précisément le droit que je revendique. J'invoque l'opinion de M. le président. (Exclamations et bruit.) Suivant moi, elle est applicable au cas qui nous occupe actuellement. La voici : «La première règle du régime que la Constitution a établi, c'est-à-dire la République parlementaire, c'est l'existence sur ces bancs d'un cabinet solidaire, d'un cabinet existant. >> C'est justement l'existence de ce cabinet, dont M. Brisson parlait comme de la première règle du régime parlementaire, que j'invoque. (Applaudissements au centre.) Et M. Brisson terminait par ces mots : « Je demande à qui elle oserait imposer désormais l'obéissance aux lois si, dès le premier jour de la législature, elle donnait cet exemple de délibérer contrairement à la Constitution. ); (Nouveaux applaudisse ments.) Je prétends que ces paroles étaient l'expression même de la vérité, et comme il s'agit, ainsi que l'a dit M. le président tout à l'heure, de délibérer sur une des questions les plus hautes, on n'a pas le droit de le faire en l'absence d'un des pouvoirs de la Constitution, le pouvoir exécutif. (Applaudissements au centre et sur divers bancs à droite. Protestations à l'extrême gau che.) Et je dis que cette discussion n'a qu'un. but exercer une pression illégale sur le chef de l'Etat. (Applaudissements au centre Exclamaet sur divers bancs à gauche. tions à l'extrême gauche et sur d'autres Si on n'a pas le droit de citer à la tri-bancs à gauche.) bune les paroles d'un collègue... (Nouveau bruit.) M. le président. Laissez parler, messieurs. Il n'est pas probable que j'aie prononcé des paroles dont la Chambre ne puisse entendre aujourd'hui la reproduction. (Applaudissements.) M. Maurice Lebon. J'invoque les paroles de l'honorable M. Brisson, et c'est mon droit. A l'extrême gauche. Lisez! lisez! M. Maurice Lebon. Je lirai et je parlerai conformément à ce que me dira M. le président, mais ce ne sont pas les interruptions qui m'empêcheront de m'expliquer. (Lisez! M. le président. La parole est à M. Jau rès. M. Jaurès. Messieurs, la prétention de l'honorable M. Lebon est absolument inadmissible et je m'étonne que notre collègue prétende mêler précisément à des préoccu pations de combinaisons ministérielles une question qui prime toutes les autres. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche.) Comment! il ne vous suffit pas que votre droit souverain ait été contesté, nié au Sénat? (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Vous allez déclarer que le suffrage universel ne pourra pas lui-même proclamer ses |