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« et du gouvernement, une telle liberté de pensée, • une telle hardiesse d'expression, une telle libéra

lité envers ses amis, un tel dédain de ses ennemis, ◄ une telle considération pour les hommes savants, « une telle estime pour les gens de bien, une telle " connaissance de la vie, un tel mépris de la mort, en « même temps qu'une telle âpreté de naturel et une telle cruauté dans la vengeance, n'ont pu être jamais manifestés que par celui qui les a possédés; et j'estime Lucien auquel on les attribue aussi incapable de les écrire que de faire ce que Phalaris a osé1. Très-belle rhétorique; il est fâcheux qu'une

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1. It may, perhaps, be further affirmed, in favour of the ancients, that the oldest books we have are still in their kind the best. The two most ancient that I know of in prose, among those we call profane authors, are still Esop's Fables and Phalaris's Epistles, both living near the same time, which was that of Cyrus and Pythagoras. As the first has been agreed by all ages since for the greatest master in his kind, and all others of that sort have been but imitations of his original, so I think the Epistles of Phalaris to have more race, more spirit, more force of wit and genius, than any others I have ever seen, either ancient or modern. I know several learned men (or that usually pass for such, under the name of critics) have not esteemed them genuine, and Politian, with some others, have attributed them to Lucian; but I think he must have little skill in painting, that cannot find out this to be an original; such diversity of passions, upon such variety of actions and passages of life and government, such freedom of thought, such boldness of expression, such bounty to his friends, such scorn or his enemies, such honour of learned men, such esteem of good, such knowledge of life, such contempt of death, with such fierceness of nature and cruelty of revenge, could never be represented but by him that possessed them; and I esteem Lucian to have been no more capable of writing than of acting what Phalaris did. In all one writ, you find the scholar or the sophist; and in all the other, the tyrant and the commander. (Of ancient and modern learning, 469.)

phrase si bien faite couvre de telles sottises. Telle que la voilà, elle parut triomphante, et l'applaudissement universel dont fut accueilli ce beau bavardage oratoire, montre les goûts et la culture, l'insuffisance et la politesse de ce monde élégant dont Temple était la merveille, et qui, comme Temple, n'aimait de la vérité que le vernis.

IV

Ce sont là les mœurs oratoires et polies qui peu à peu, à travers l'orgie, percent et prennent l'ascendant. Insensiblement le courant se nettoie et marque sa voie, comme il arrive à un fleuve qui, entrant violemment dans un nouveau lit, clapote d'abord dans une tempête de bourbe, puis pousse en avant ses eaux encore fangeuses qui par degrés vont s'épurer. Ces débauchés tâchent d'être gens du monde et parfois y réussissent. Wycherley écrit bien, trèsclairement, sans la moindre trace d'euphuïsme, presque à la française. Son Dapperwitt dit de Lucy, en périodes balancées: Elle est belle sans affectation, folâtre sans grossièreté, amoureuse sans impertinence. » Au besoin il est ingénieux, ses gentlemen échangent des comparaisons heureuses. « Les maîtresses, dit l'un, sont comme les livres : si vous vous y appliquez trop, ils vous alourdissent, et vo is rendent impropre au monde; mais si vous << en usez avec discrétion, vous n'en êtes que plus propre à la conversation. Oui, dit un autre, une

LITT. ANGL.

III-6

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• maîtresse devrait être comme une petite retraite à la • campagne, près de la ville, non pour y demeurer a constamment, mais pour y passer la nuit de temps « en temps. Et vite dehors, afin de mieux goûter la << ville au retour!» Ces gens font du style, même à contre-temps, et en dépit de la situation ou de la condition des personnages. Un cordonnier dit dans Etheredge : « Il n'y a personne dans la ville qui vive plus en gentilhomme que moi avec sa femme. Je ne m'inquiète jamais de ses sorties, elle ne s'informe jamais des miennes; nous nous parlons civilement « et nous nous haïssons cordialement 2. » L'art est parfait dans ce petit discours: tout y est, jusqu'à l'antithèse symétrique de mots, d'idées et de sons; quel beau diseur que ce cordonnier satirique ! Après la satire, le madrigal. Tel personnage, au beau milieu du dialogue et en pleine prose, décrit « de jolies lèvres boudeuses avec une petite moiteur qui

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«

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s'y pose, pareilles à une rose de Provins fraîche

« sur la branche, avant que le soleil du matin en ait • » séché toute la rosée. Ne voilà-t-il pas les gra

1. Mistresses are like books; if you pore upon them too much, they doze you, and make you unfit for company; but if used discretly, you are the fitter for conversation by them.

A mistress should be like a little country retreat near the town; not to dwell in constantly, but only so a night, and away, to taste the town the better when a man returns.

2. There is never a man in the town lives more like a gentleman with his wife than I do. I never mind her motions; she never enquires into mine. We speak to one another civilly, hate one another heartily.

3. Pretty pouting lips, with a little moisture hanging on them,

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cieuses galanteries de la cour? Rochester lui-même, parfois, en rencontre. Deux ou trois de ses chansons sont encore dans les recueils expurgés à l'usage des jeunes filles pudiques. Ils ont beau polissonner de fait; à chaque instant il faut qu'ils complimentent et saluent; devant les femmes qu'ils veulent séduire, ils sont bien obligés de roucouler des tendresses et des fadeurs; s'ils n'ont plus qu'un frein, l'obligation de paraître bien élevés, ce frein les retient encore. Rochester est correct même au milieu des immondices; il ne dit d'ordures que dans le style habile et solide de Boileau. Tous ces viveurs veulent être gens d'esprit et du monde. Sir Charles Sedley se ruine et se salit, mais Charles II l'appelle le viceroi d'Apollon. » Buckingham exalte « la magie de son style. » Il est le plus charmant, le plus recherché des causeurs; il fait des mots, et aussi des vers, toujours agréables, quelquefois délicats; il manie avec dextérité le joli jargon mythologique; il insinue en légères chansons coulantes toutes ces douceurs un peu apprêtées qui sont comme les friandises des salons. Ma passion, dit-il à Chloris, croissait avec • votre beauté, et l'Amour, pendant que sa mère « vous favorisait, lançait à mon cœur un nouveau dard << de flamme. Puis il ajoute en manière de chute : lis employaient tout leur art amoureux, lui pour - faire un amant, elle pour faire une beauté1. »

that look like the Province rose fresh on the bush, ere the morning sun has quite drawn up the dew.

1. My passion with your beauty grew,

Il n'y a point du tout d'amour dans ces gentillesses; on les accepte comme on les offre, avec un sourire; elles font partie du langage obligé, des petits soins que les cavaliers rendent aux dames j'imagine qu'on les envoyait le matin avec le bouquet ou la boîte de cédrats confits. Roscommon compose une pièce sur un petit chien mort, sur le rhume d'une jeune fille; ce méchant rhume l'empêche de chanter: maudit hiver! Et là-dessus il prend l'hiver à partie, l'apostrophe longuement. Vous reconnaissez les amusements littéraires de la vie mondaine. On y prend tout légèrement, gaiement, l'amour d'abord, et aussi le danger. La veille d'une bataille navale, Dorset, en mer, au roulis du vaisseau, adresse aux dames une chanson célèbre. Rien n'y est sérieux, ni le sentiment ni l'esprit; ce sont des couplets qu'on fredonne en passant; il en part un éclair de gaieté; un instant après, on n'y pense plus. « Surtout, leur dit Dorset, pas d'inconstance! Nous en avons assez ici en mer. » Et ailleurs « Si les Hollandais savaient notre état, ils arriveraient bien vite, quelle résistance leur feraient des gens qui ont laissé leurs cœurs au logis? » Puis viennent des plaisanteries trop anglaises : « Ne nous croyez pas infidèles si nous ne vous écrivons point à chaque poste. Nos larmes prendront une voie

While Cupid at my heart,

Still as his mother favcur'd you,
Threw a new flaming dart.
Each gloried in their wanton part;
To make a lover, he

Employ'd the utmost of his art-
To make a beauty, she.

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