Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

gieux courant de mer qui roule à travers elle. Considère maintenant, me dit-il, cette mer, qui à « ses deux extrémités est bornée par des ténèbres, et

[ocr errors]

dis-moi ce que tu y découvres. Je vois, reprisje, un pont qui s'élève au milieu du courant. - Le pont que tu vois, me dit-il, est la vie humaine : << considère-le attentivement. L'ayant regardé plus à loisir, je vis qu'il consistait en soixante-dix ar<< ches entières et en plusieurs arches rompues qui, • avec les autres, faisaient environ cent. Comme je

I here fetched a deep sigh. Alas, said I, man was made in vain! How is he given away to misery and mortality! tortured in life, and swallowed up in death! — The genius being moved with compassion towards me, bid me quit so uncomfortable a prospect: look no more, said he, on man in the first stage of his existence, in his setting out for eternity; but cast thine eye on that thick mist into which the tide bears the several generations of mortals that fall into it. I directed my sight as I was ordered, and (whether or no the good genius strengthened it with any supernatural force, or dissipated part of the mist that was before too thick for the eye to penetrate) I saw the valley opening at the further end, and spreading forth into an immense ocean that had a huge rock of adamant running through the midst of it, and dividing it into two equal parts. The clouds still rested on one half of it, insomuch that I could discover nothing in it: But the other appeared to me a vast ocean planted with innumerable islands, that were covered with fruits and flowers, and interwoven with a thousand little shining seas that ran among them. I could see persons dressed in glorious habits with garlands upon their heads, passing among the trees, lying down by the sides of fountains, or resting on beds of flowers; and could hear a confused harmony of singing birds, falling waters, human voices, and musical instruments. Gladness grew in me upon the discover y of so delightful a scene. I wished for the wings of an eagle, that I might fly away to those happy seats; but the genius told me there was no passage to them, except through the gates of death that I saw opening every moment upon the bridge. The islands, said he, that lie so fresh and green before thee, and with which the whole

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

« les comptais, le Génie me dit que ce pont était d'abord de mille arches, mais qu'une grande inon<< dation avait balayé le reste, et l'avait laissé ruiné <«< comme je le voyais maintenant. - Dis-moi encore, reprit-il, ce que tu y découvres. Je vois, répondis-je, une multitude de gens qui le traversent, * et un nuage noir suspendu sur chacune de ses deux « issues. Puis, regardant plus attentivement, je vis plusieurs des voyageurs tomber au travers dans la « grande marée qui conduit au-dessous, et je découvris bientôt qu'il y avait dans ce pont d'innombrables trappes cachées, où l'on ne mettait le pied « que pour s'enfoncer et disparaître à l'instant. Ces

«

face of the ocean appears spotted as far as thou canst see, are more in number than the sands on the sea shore; there are myriads of islands behind those which thou here discoverest, reaching farther than thine eye, or even thine imagination can extend itself. These are the mansions of good men after death, who according to the degree and kinds of virtue in which they excelled, are distributed among these several islands, which abound with pleasures of different kinds and degrees, suitable to the relishes and perfections of those who are settled in them; every island is a paradise accommodated to its respective inhabitants. Are not these, O Mirza, habitations worth contending for? Does life appear miserable, that gives the opportunities of earning such a reward? Is death to be feared, that will convey thee to so happy an existence? Think not man was made in vain, who has such an eternity reserved for him. — I gazed with inexpressible pleasure on these happy islands. At length, said I, show me now, I beseech thee, the secrets that lie hid under those dark clouds which cover the ocean on the other side of the rock of adamant. The genius making me no answer, I turned about to address myself to him a second time, but I found that he had left me; I then turned again to the vision which I had been so long contemplating; but instead of the rolling tide, the arched bridge, and the happy islands, I saw nothing but the long hollow valley of Bagdad, with oxen, sheep, and camels grazing upon the sides of it.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

piéges étaient très-serrés à l'entrée du pont, en « sorte que des multitudes d'arrivants, à peine sortis du nuage, s'y engloutissaient dès l'abord. Ils de◄ venaient moins nombreux vers le milieu, mais se multipliaient et se pressaient en approchant des • dernières arches complètes. Quelques voyageurs, « à la vérité, mais leur nombre était bien petit, avançaient en clopinant jusque sur les arches rompues, a mais tombaient tour à tour, au travers, épuisés << comme ils étaient et accablés d'une si longue mar<< che.... Mon cœur se remplit d'une profonde tristesse « en voyant plusieurs des passants qui tombaient à l'improviste, au milieu de leur joie et de leurs « éclats de rire, et s'accrochaient à tout ce qui était près d'eux pour se sauver. D'autres avaient les « yeux vers le ciel, dans une attitude pensive, et au « milieu de leur contemplation trébuchaient, et on ne

«

[ocr errors]

les revoyait plus. Il y avait des multitudes affai« rées à la poursuite de babioles qui brillaient et dan

a

[ocr errors]

saient devant leurs yeux; mais souvent, au moment « où ils croyaient les saisir, le pied leur manquait, et « ils étaient précipités.... Je poussai un profond soupir, et le Génie, touché de compassion, me dit de regarder vers cet épais brouillard dans lequel le courant portait les diverses générations de mortels engloutis. Je regardai, et mes yeux qu'il avait << fortifiés virent que la vallée s'ouvrait à son extré«mité et s'étendait en un océan immense où s'allon<< geait un roc énorme de diamant qui la divisait en deux parts. Les nuages reposaient encore sur une

LITT. ANGL.

111-27

[ocr errors]

• des deux moitiés, en sorte que de ce côté je ne pus << rien découvrir; mais l'autre était un vaste océan « semé d'îles innombrables: ces îles étaient couvertes de fruits et de fleurs, et entrecoupées de mille petites mers brillantes qui serpentaient tout au travers. J'y pus distinguer des personnages revêtus << d'habits glorieux avec des couronnes sur leurs têtes, « les uns passant parmi les arbres, d'autres couchés « au bord des fontaines, d'autres reposant sur des << lits de fleurs, et j'entendis une harmonie confuse << de chants d'oiseaux, d'eaux murmurantes, de voix << humaines et d'instruments mélodieux. La joie << entra dans mon cœur à la vue d'une apparition si « délicieuse. Je souhaitai les ailes d'un aigle pour « m'envoler jusqu'à ces demeures fortunées; mais le Génie me dit qu'on n'y pénétrait que par les < portes de la mort que je voyais s'ouvrir à chaque « instant sur le pont. Ces îles, me dit-il, que tu « vois si fraîches et si vertes et dont la face de l'Océan << semble bigarrée aussi loin que tes regards portent, << sont plus nombreuses que les grains de sable sur le rivage de la mer; il y en a des myriades derrière ⚫ celles que tu découvres, au delà de ce que ton œil, ⚫ et même de ce que ton imagination peut atteindre.

[ocr errors]
[ocr errors]

Elles sont les demeures des hommes de bien après << leur mort.... Ne sont-ce point là, ô Mirza, des asiles dont la possession mérite des efforts? La vie semble-t-elle misérable, lorsqu'elle fournit l'occasion de gagner une telle récompense? Dois-tu craindre « la mort qui te conduit vers une vie si heureuse!

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Ne juge pas que l'homme ait été fait en vain, puisqu'une telle éternité lui a été réservée.-Je contemplai avec un plaisir inexprimable ces îles bienheureuses. Maintenant, dis-je au Génie, montremoi, je t'en supplie, les secrets cachés derrière ces noirs nuages qui couvrent l'Océan de l'autre côté du roc de diamant. - Comme le Génie ne me répondait pas, je me tournai pour lui faire une seconde fois « ma demande, mais je trouvai qu'il m'avait quitté. Je voulus revoir alors la vision que j'avais si long« temps contemplée. Mais au lieu de la marée roulante, du pont avec ses arches, et des îles heureuses, je ne vis rien que la longue vallée creuse de Bagdad avec les troupeaux de bœufs, de brebis • et de chameaux qui paissaient sur ses deux flancs. » Dans cette morale ornée, dans cette belle raison si correcte et si éloquente, dans cette imagination ingénieuse et noble, je trouve en abrégé tous les traits d'Addison. Ce sont les nuances anglaises qui di:tinguent leur âge classique du nôtre, une raison plus étroite et plus pratique, une urbanité plus poétique et moins éloquente, un fonds d'esprit plus inventif et plus riche, moins sociable et moins délicat.

[ocr errors]

FIN DU TROISIÈME VOLUME.

« PreviousContinue »