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cupé à renfoncer l'une derrière son paravent et l'autre dans son cabinet; réduit à se jeter dans ses propres piéges, à justifier ceux qu'il voudrait perdre, le mari aux yeux de la femme, le neveu aux yeux de l'oncle ; à perdre la seule personne qu'il tienne à justifier, j'entends le précieux et immaculé Joseph Surface; à se trouver enfin ridicule, odieux, bafoué, confondu, en dépit de ses habiletés et justement par ses habiletés, coup sur coup, sans trêve ni remède; à s'en aller, le pauvre renard, la queue basse, le pelage gâté, parmi les huées et les cris! Et comme en même temps, tout à côté, les prises de bec de sir Peter et de sa femme, le souper, les chansons, la vente des portraits chez le prodigue viennent mettre une comédie dans la comédie, et renouveler l'intérêt en renouvelant l'attention! On cesse de songer à l'atténuation des caractères, comme on a cessé de songer à l'altération de la vérité; on se laisse emporter par la vivacité de l'action, comme on s'est laissé éblouir par le scintillement du dialogue; on est charmé; on bat des mains; on se dit qu'au-dessous de la grande invention la verve et l'esprit 'sont les plus agréables dons du monde; on les savoure à leur heure; on trouve qu'ils ont aussi leur place dans le festin littéraire, et que, s'ils ne valent pas les mets substantiels, les vins francs et généreux du premier service, ils fournissent le dessert.

Ce dessert achevé, il faut sortir de table. Après Sheridan, nous en sortons tout de suite. Dorénavant la comédie languit, s'éteint; il n'en reste plus que la

farce, les Domestiques du grand ton, de Townley, les grotesques de George Colman, un précepteur, une vieille fille, des paysans avec leur accent local; la caricature survit à la peinture, et le Punch fait rire encore lorsque l'âge des Reynolds et des Gainsborough est passé. Aujourd'hui, il n'y a pas en Europe de scène plus vide, et la bonne compagnie l'abandonne au peuple. C'est que la forme de société et d'esprit qui l'avait suscitée a disparu. Ce qui avait dressé le théâtre anglais de la Renaissance, c'était la vivacité et la surabondance de la conception prime-sautière, qui, incapable de s'étaler en raisonnements alignés ou de se formuler par des idées philosophiques, ne trouvait son expression naturelle qu'en des actions mimées et en des personnages parlants. Ce qui avait alimenté la comédie anglaise du dix-septième siècle, c'étaient les besoins de la société polie, qui, habituée aux représentations de la cour et aux parades du monde, allait chercher sur la scène la peinture de ses entretiens et de ses salons. Avec la chute de la cour et avec l'arrêt de l'invention mimique, le vrai drame et la vraie comédie disparaissent; ils passent de la scène dans les livres. C'est qu'aujourd'hui on ne vit plus en public à la façon des ducs brodés de Louis XIV et de Charles II, mais en famille ou devant une table de travail; le roman remplace le théâtre en même temps que la vie bourgeoise succède à la vie de

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CHAPITRE II

Dryden.

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I. Débuts de Dryden. Fin de l'âge poétique. dences et des renaissances littéraires.

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Cause des déca

Ses lectures.

Sa situation. Son caractère.

Son public.

Son éducation. Ses études.

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Ses amitiés. Ses querelles. Concordance de sa vie et de

son talent.

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III. Les théâtres rouverts et transformés.

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Le nouveau public et le goût nouveau. Théories dramatiques de Dryden. Son jugement sur l'ancien théâtre anglais. Son jugement sur le nouveau théâtre français. Son œuvre composite.

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Disparates de son théâtre. L'Amour tyrannique. Grossièretés de ses personnages. L'Empereur de l'Inde, Aurengzèbe, Almanzor. IV. Style de ce théâtre.

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VI. Dryden écrivain. - Espèce, portée, limites de son esprit. Sa maladresse dans la flatterie et les gravelures. - Sa pesanteur dans la dissertation et la discussion.

foncière.

Sa vigueur et son honnêteté

VII. Comment la littérature en Angleterre a son emploi dans la poli

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VIII. Apparition de l'art d'écrire. Différence entre la forme d'esprit de l'âge artistique et la forme d'esprit de l'âge classique. Procédés de Dryden. La diction soutenue et oratoire.

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Ses

IX. Manque d'idées générales en cet âge et dans cet esprit. traductions. Ses remaniements. Ses imitations. Ses contes et ses épîtres. Ses défauts. Ses mérites. Sérieux de son caractère, élans de son inspiration, accès d'éloquence poétique. Ode pour la fête de sainte Cécile.

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La comédie nous a emmenés bien loin; il faut revenir, considérer les autres genres. Au centre du grand courant se meut un esprit supérieur. Dans l'histoire de ce talent, on verra l'histoire de l'esprit anglais classique, sa structure, ses lacunes et ses puissances, sa formation et son développement.

I

Il s'agit d'un jeune homme, lord Hastings, mort à dix-neuf ans de la petite vérole.

Son corps était un orbe, et son âme sublime

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autour des pôles de la vertu et du savoir.... Viens, docte Ptolémée, et essaye de mesurer la hauteur de ce héros.... -Les pustules gonflées d'orgueil qui bourgeonnaient à travers sa chair, comme des boutons de roses, s'enfonçaient dans sa peau de lis. · Chaque petite rougeur avait une larme pour pleurer la faute que commettait sa naissance; ou bien étaient-ce des diamants envoyés pour orner sa peau, sa peau, le coffret d'une âme intérieure plus riche Il n'y eut pas besoin de comète pour prédire ce

en elle

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encore?

changement,

puisque son cadavre pouvait passer pour une

constellation'!

C'est par ces belles choses que débuta Dryden, le plus grand poëte de l'âge classique en Angleterre.

De telles énormités indiquent la fin d'un âge littéraire. L'excès de la sottise en poésie, comme l'excès de l'injustice en politique, amène et prédit les révolutions. La Renaissance, effrénée et inventive, avait livré les esprits aux fougues et aux caprices de l'imagination, aux bizarreries, aux curiosités, aux dévergondages de la verve qui ne se soucie que de se satisfaire, qui éclate en singularités, qui a besoin de nouveautés, et qui aime l'audace et l'extravagance, comme la raison aime la justesse et la vérité. Le génie éteint, resta la folie; l'inspiration ôtée, on n'eut plus que l'absurdité. Jadis le désordre et l'élan intérieur produisaient et excusaient les concetti et les écarts; désormais on les fit à froid, par calcul et sans excuse. Ils exprimaient jadis l'état de l'esprit, désormais ils le démentirent. Ainsi s'accomplissent les révolutions littéraires. La forme, qui n'est plus inven

1.

His body was an orb, his sublime soul

Did move on Virtue's and on Learning's pole.
Come, learned Ptolemy, and trial make

If thou this hero's altitude canst take.

....Blisters with pride swell'd, which through's flesh did sprout
Like rosebuds, stuck i' th' lilly skin about.
Each little pimple had a tear in it

To wail the fault its rising did commit.

Or were these gems sent to adorn his skin,
The cabinet of a richer soul within?
No comet need foretell his change drew on
Whose corpse might seem a constellation.

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