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comme après la constitution d'usufruit l'île doit avoir le même caractère, c'est-à-dire être un fonds distinct.

SECTION V

ACQUISITIONS PER SERVUM

Le droit de l'usufruitier sur les esclaves consiste dans le bénéfice de leur travail et dans les services qu'ils peuvent rendre c'est leur véritable destination Ils seront employés au service de la personne de leur maître, à l'instruction des enfants, à l'exploitation des propriétés, au commerce, etc. Le maître peut louer leurs services à autrui, il en retire des fruits civils. Les pouvoirs de l'usufruitier sur l'esclave sont très étendus, il peut le châtier, pourvu, nous dit Ariston (17, 1, De usuf.), qu'il ne lui fasse pas des blessures et cicatrices qui le rendent difforme; pourvu, nous dit Cassius (23, 1, De usuf.), qu'il ne le fasse pas périr sous le fouet ou le bâton. Il doit lui conserver la fonction qui lui a été assignée par le propriétaire, il ne peut pas lui faire perdre son talent en l'employant à des travaux rustiques ou à des ouvrages auxquels il n'est pas accoutumé, nous dit le jurisconsulte; nous avons vu, au commencement de ce travail, que l'usufruitier ne doit pas changer la destination de l'esclave.

L'esclave peut être, en outre, un instrument d'acquisition. Dans deux cas seulement l'usufruitier bénéficiera de ces acquisitions par esclave, quand elles seront faites ex re fructuarii ou ex operis servi: ces acquisitions rentrent alors dans le fructus. On dit que l'esclave acquiert ex re fructuarii, quand l'acquisition est faite au moyen de valeurs fournies par l'usufruitier, ou provenant d'un don fait par lui à son esclave, ou de valeurs économisées dans l'administration des choses confiées à l'esclave (31, De usuf.). Ainsi rentrent sous cette acception, tout bénéfice de l'exploitation des biens soumis au droit de l'usufruitier, les achats, les ventes faites par l'esclave.

L'usufruitier acquiert ex operis servi, quand l'esclave loue ses services à un tiers, quand il loue lui-même son travail, le prix du louage rentre dans le fructus, il revient à l'usufruitier qui deviendra soit propriétaire, soit créancier, selon que la chose donnée en payement à l'esclave est un corps certain dont on a fait tradition, ou un droit de créance basé sur un louage ou une stipulation.

L'esclave peut obtenir une remise de dette pour l'usufruitier soit en lui procurant une exception contre le créancier, soit au moyen d'une acceptilation.

On s'est demandé si l'usufruitier pouvait acquérir la possession par l'esclave dont il avait l'usufruit; la raison de douter est celle ci l'usufruitier n'a pas la possession de l'esclave, or, il semble anormal d'acquérir ce

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droit de possession par un esclave sur lequel on n'a pas ce droit (Gaius, II, § 94). Répondons que ces hésitations doivent être rejetées, car d'abord on peut, par cet esclave, acquérir la propriété, a fortiori on doit pouvoir acquérir la possession; puis les conditions exigées pour l'acquisition de la possession peuvent parfaitement se trouver réunies : l'esclave est en possession de la chose, de là l'usufruitier possède corpore par son esclave; puis il a l'animus possidendi: de là possession très régulière.

Toutes acquisitions qui ne proviennent pas ex re fructuarii ou ex operis servi sont pour le nu-propriétaire, car elles ne rentrent plus dans le fructus, l'esclave qui les reçoit n'est plus dans sa véritable destination.

D'après ces principes, si on institue un esclave légataire, si on lui fait une donation, c'est le nu-propriétaire qui acquiert. Cette question a fait l'objet d'une controverse. Labéon (L. 21, liv. VII, tit. 1, frag. d'Ulpien), moins sévère que les autres jurisconsultes pour l'usufruitier, introduisit une distinction: Si vero heres institutus sit, vel legatum acceperit, Labeo distinguit, cujus gratia vel heres instituitur vel legatum acceperit. D'après ce jurisconsulte, on doit interpréter la volonté du testateur dans l'attribution de cette hérédité ou de ce legs ce sera pour l'usufruitier ou pour le nu-propriétaire selon que le défunt a eu en vue l'usufruitier, ou le nu-propriétaire, ou l'esclave lui-même.

Gaius était d'avis contraire; il nous dit (Comm. II, § 91): Siiste servus heres institutus sit legatumve quod ei datum fuerit, non mihi sed domino proprietatis adquiritur. Justinien abonde dans le sens de Gaius (Inst., § 4, Per quas person.). Ce point fit certainement l'objet de discordes entre les deux écoles, les Sabiniens et les Proculiens Labéon était le chef de ces derniers, Gaius appartenait à l'autre école.

Paul (Sent., V, 7, § 3) tenait aussi pour refuser à l'usufruitier ces sortes d'acquisitions, il nous dit (47, XLI, 1) : Fructuario hereditas adquiri non potest, quod in operis servi hereditas non est, et plus loin, au fragment 49: Si autem extraneus ei (à l'esclave) donet, indistincte soli proprietario acquiretur. Ce mot indistincte ne laisse nul doute sur l'opinion de Paul, contredisant formellement celle de Labéon. Il est évident que si le testateur indique nettement sa volonté de gratifier l'usufruitier au moyen de l'esclave, nous devons nous soumettre à sa volonté, et nous ne pouvons, dans ce cas, admettre le mot indistincte de Paul. Mais hors du cas d'une volonté clairement exprimée, nous préférons l'opinion des Sabiniens, car il serait bien arbitraire de vouloir interpréter les dispositions testamentaires dans un sens ou dans un autre, indépendamment d'une manifestation précise de la volonté du testateur; de là, en dehors de ce cas, on doit préférer la règle positive, basée sur les principes mêmes de la destination de la chose. L'opinion opposée, soutenue

par Labéon conduit à des interprétations fort arbitraires, nous en trouvons la preuve dans le commentaire de l'opinion de Labéon dans les Basiliques (t. II, liv. decimus sextus, tit. 1, § 21): In hereditatibus vero et legatis et in donationibus, si quidem contemplatione usufructuarü servo relictum sit, ipsi acquiretur, sui vero contemplatione proprietarii vel ipsius servi, proprietario acquiretur. En dehors de dispositions formelles, nous nous demandons quelle sera la base de l'interprétation de ces mots contemplatione usufructuarii.

Le principe est donc que l'usufruitier n'acquiert par l'esclave que ce qui provient er re fructuarii ou ex operis servi; il y a de nombreuses applications de ce principe, nous n'avons pas la prétention de les parcourir toutes, nous n'en citerons que quelques-unes.

D'abord, il est évident que si l'esclave payait le prix de son achat avec l'argent du nu-propriétaire, la propriété serait acquise à ce dernier, les espèces ne provenant pas ex re fructuarii : l'esclave aurait ainsi employé son travail et son temps au profit du propriétaire, alors qu'il le devait à l'usufruitier.

De même si le prix a été payé partie avec l'argent de l'usufruitier, partie avec celui du nu-propriétaire, chacun possèdera l'objet au prorata de ce qu'il aura payé; tel est l'avis de Julien, rapporté par Ulpien (L. 25, §1, De usuf.).

Si l'esclave a payé deux fois, la première fois avec l'argent de l'un, la seconde avec l'argent de l'autre, il

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