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JEAN-BAPTISTE

POQUELIN DE MOLIERE

PAR

CHARLES PERRAULT (1)

(1) Dans les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle : avec leurs portraits au naturel, par M. Perrault, de l'Académie françoise. Paris, Antoine Dezallier, rue Saint-Jacques, à la Couronne d'or, 1697, 2 vol. in-folio. Tome 1, P. 79.

JEAN-BAPTISTE

POQUELIN DE MOLIERE

Moliere nâquit avec une telle inclination pour la comedie, qu'il ne fut pas possible de l'empescher de se faire comedien. A peine eut-il achevé ses études, où il réussit parfaitement, qu'il se joignit avec plusieurs jeunes gens de son âge et de son goust, et prit la résolution de former une troupe de Comediens, pour aller dans les provinces jouer la comedie. Son pere, bon bourgeois de Paris et Tapissier du Roy, fâché du party que son fils avoit pris, le fit solliciter par tout ce qu'il avoit d'amis de quitter

cette pensée, promettant, s'il vouloit revenir chez lui, de lui acheter une charge telle qu'il la souhaiteroit, pourvû qu'elle n'excedast pas ses forces. Ni les prieres, ni les remontrances de ses amis, soutenues de ces promesses, ne purent rien sur son esprit. Ce bon pere lui envoya ensuite le maistre chez qui il l'avoit mis en pension pendant les premieres années de ses estudes, esperant que par l'autorité que ce maistre avoit eue sur lui pendant ces temps-là, il pourroit le ramener à son devoir. Mais bien loin que le maistre lui persuadast de quitter la profession de comedien, le jeune Moliere lui persuada d'embrasser la même profession, et d'être le Docteur de leur comedie; lui ayant representé que le peu de latin qu'il sçavoit le rendroit capable d'en bien faire le personnage, et que la vie qu'ils meneroient seroit plus agréable que celle d'un homme qui tient des pensionnaires (1).

(1) Ce premier maître de Molière seroit Georges

Sa trouppe estant formée, il alla jouer à Rouen, et de là à Lyon, où ayant plû au Prince de Conty, qui jeune alors, et non encore dans les sentiments de pieté qui l'ont porté à écrire si solidement, et si chrétiennement contre la Comedie, les prit pour ses comediens, et leur donna des appointemens. De là ils vinrent à Paris, où ils joüerent devant le Roy et toute la Cour. Il est vray que la trouppe ne réussit pas cette premiere fois; mais Moliere fit un compliment au Roy, si spirituel, si délicat et si bien tourné, et joua si bien son rôle dans la petite comedie qu'il donna ensuite de la grande, qu'il emporta tous les suffrages, et obtint la permission de jouer à Paris. Il satisfit fort le public, sur tout par les pieces de sa composition, qui estant d'un

Pinel, qui fut en effet l'un des fondateurs de l'Illustre Théâtre. Il se sépara de la troupe dès 1645; mais on le retrouve à Lyon quatre ans plus tard, dans une troupe rivale de celle de Molière, dirigée par Sabran Mitarat, dit La Source; son nom de théâtre était La Couture.

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