à diverses classes de vertébrés, reptiles, oiseaux et mammifères, résultats dont quelques-uns s'éloignent des faits constatés par d'autres expérimentateurs. L'action du chloroforme est en raison directe de l'activité de la respiration et de la circulation. La rapidité et l'intensité des phénomènes anesthésiques sont aussi en raison directe de la quantité de chloroforme administrée dans le même temps, c'est-à-dire du degré de concentration des vapeurs inhalées, mais ils sont identiques quant à leur nature et à leur ordre d'évolution. Le chloroforme, par une affinité d'élection, s'accumule dans les centres nerveux dont il suspend les propriétés excito-motrices, ainsi que la sensibilité et la motricité des nerfs cérébro-rachidiens; l'analyse chimique constate que le cerveau et la moelle contiennent une proportion de chloroforme environ dix fois plus élevée que le sang, et les organes très vasculaires, tels que le foie. Nous avons toujours vu, sous l'action du chloroforme, la respiration s'arrêter avant la circulation; les battements du cœur et les pulsations artérielles ont continué pendant une durée qui a varié de une à six minutes après la disparition de tous les mouvements de la respiration. Nous avons vu mourir tous les animaux que nous avons abandonnés à eux-mêmes après l'arrêt des mouvements respiratoires, la circulation étant encore en activité. Nous avons rappelé à la vie, dix fois sur douze, les chiens et les lapins chez lesquels nous avons employé l'insufflation pulmonaire pratiquée au moyen d'un soufflet et d'une sonde introduite dans la trachée; l'insufflation n'a été appliquée qu'après la cessation des contractions du cœur, et elle a été continné jusqu'au réveil des mouvements respiratoires. L'insufflation agit en éliminant artificiellement le chloroforme, et en stimulant l'excitabilité du système nerveux. Le chloroforme est éliminé très rapidement de l'organisme; la surface pulmonaire est la voie normale de cette élimination, à laquelle la surface cutanée ne prend qu'une part très restreinte. La mort ne peut être expliquée par la paralysie du cœur, ni par l'asphyxie due à l'insuffisance d'air pénétrant dans la poitrine pendant l'éthérisation, car nous avons amené la mort avec la succession des phénomènes indiqués plus haut, en injectant du chloroforme en vapeurs dans la veine jugulaire; de plus nous avons rappelé à la vie, au moyen de l'ínsufflation de gaz azote, des chiens dont le cœur avait cessé de battre. Il est vrai que les nécropsies nous ont montré un état de plénitude du système vasculaire à sang noir analogue à celui qu'on observe dans l'asphyxie; mais ce fait tient à la persistance de l'action du cœur et à la diminution de la perméabilité des poumons, par suite de l'arrêt de la respiration, double phénomène qui produit l'accumulation du sang dans les cavités droites du cœur. La mort nous paraît avoir sa cause première dans l'abolition des fonctions des centres nerveux, perdant successivement leurs propriétés vitales sous l'action stupéfiante du chloroforme, qui vient s'accumuler dans la masse cérébrorachidienne. Comme l'intensité et la rapidité de l'action toxique sont proportionnées à la concentration des vapeurs chloroformiques, il nous a paru indispensable, pour la sécurité de l'anesthésie chirurgicale, de les diluer dans une large proportion d'air atmosphérique aussi constante que possible. Telles sont, monsieur le Président, les conclusions déduites de nos expériences et sur lesquelles je désirais appeler l'attention de l'Académie. Je vous demanderai la permission d'ajouter que j'ai entrepris, de concert avec deux des membres de la précédente commission, MM. Maurice Perrin et Duroy, des expériences nouvelles dans le but d'étudier, au point de vue de la physiologie et de l'anatomie pathologiques, l'action sur l'organisme, d'autres agents anesthésiques, ainsi que de diverses substances volatiles, médicamenteuses et toxiques. Nous aurons l'honneur de soumettre le résultat de nos travaux au jugement de l'Académie. LECTURES. Note additionnelle au mémoire lu par M. le professeur BÉRARD à l'Académie de médecine dans la séance du 19 mai 1857. Vous avez pu remarquer, messieurs, la réserve que j'al apportée dans les conclusions de mon travail sur la GLYCOGÉNIE. Je serai aujourd'hui beaucoup plus affirmatif. Un fait considérable, dont la vérification a eu lieu devant moi, dans une circonstance assez piquante, semble de nature à dissiper tous les doutes, si toutefois il en restait. Posons bien clairement la question. Après avoir démontré la présence du sucre dans le liquide du canal thoracique, chose que personne ne semble disposé à contester aujourd'hui (je ne sais cependant ce qu'en pense maintenant M. Cl. Bernard), après, dis-je, avoir constaté la présence du sucre dans le chyle, je me suis demandé d'où venait ce principe immédiat. Était-il versé dans le canal thoracique par les lymphatiques du foie, qui auraient puisé dans cet organe un liquide sucré? Cette théorie ne pouvait être acceptée comme explication générale, puisqu'on trouve aussi du sucre dans les vaisseaux afférents au canal thoracique. Mais on pouvait admettre, peut-être, que le sucre sécrété dans le foie, et incessamment emporté par le courant sanguin, dans lequel il n'était pas complétement détruit, transsudait des extrémités des artères dans les radicules lymphatiques, et revenait au cœur par le canal thoracique. Messieurs, je ne suis pas monté à cette tribune pour me répéter, mais pour compléter ma communication. On peut voir, dans mon mémoire imprimé, sur quels motifs je me suis fondé pour rejeter cette seconde explication. Ces motifs, je les maintiens, et j'y vais ajouter une considération qui me paraît décisive. La démonstration ne sera pas embrouillée; cependant je vous demande un peu d'attention. De quoi s'agit-il? De rechercher si le sucre du chyle, si e sucre de la lymphe, si le sucre du liquide mixte du canal thoracique, si, en un mot, le sucre contenu dans le système lymphatique vient ou non du foie. Il ne pourrait venir du foie que par la circulation sanguine, c'est-à-dire qu'il sortirait du foie avec le sang des veines sus-hépatiques, arriverait au cœur, franchirait l'oreillette et le ventricule droits, parcourrait les artères pulmonaires, les capillaires du poumon, les veines pulmonaires, les cavités gauches du cœur, qui l'enverrait, par l'aorte, à toutes les parties du corps. C'est là qu'un travall endosmotique en introduirait une portion dans les radicules des vaisseaux lymphatiques; le reste reviendrait au cœur par les veines. Si l'explication est fondée, on doit trouver du sucre dans le sang de la circulation générale, en quelque point du corps que ce sang soit recueilli. Voyons donc ce que nous apprennent, à ce sujet, les travaux des hommes les plus sérieux et les plus compétents. Lorsque M. Cl. Bernard eut fait l'intéressante découverte que le tissu du foie est sucré, ainsi que le sang contenu dans la partie du système vasculaire comprise entre le foie et le poumon, il proclama qu'il n'y avait pas de traces de sucre dans le sang des artères, ou des veines du système général, ni dans celui de la veine porte (1). Je rappellerai, une fois pour toutes, pour les personnes qui auraient perdu de vue ce détail, que le sang de la veine porte, lequel n'a pas encore été admis dans le foie, n'est que le sang de la circulation générale, plus ce que la veine a pu absorber dans le tube digestif. Le sang de la cuisse ne vient pas plus directement de l'artère fémorale, ni le sang du bras de l'artère humérale, que le sang de l'estomac et de l'intestin ne vient de l'aorte. La proposition de M. Cl. Bernard fut, vous le savez, vivement attaquée par M. Figuler. Les mémoires composés par ce dernier ayant été successivement portés devant l'Académie des sciences, ce corps illustre pensa qu'il lui appartenait (1) Thèse : Sur une nouvelle fonction du foie, 17 mars 1853, p. 68. de résoudre expérimentalement la question. Les commissaires, au nombre desquels figuraient MM. Dumas, Rayer et Pelouze, invitèrent M. Figuier à démontrer, en leur présence, que le sang de la veine porte contenait du sucre. M. Figuier se mit à l'œuvre. Il obtint d'abord, avec ce sang convenablement préparé, des réductions assez nettes; sur quoi l'un des commissaires lui dit : « Nous vous attendons à l'épreuve de la fermentation... >> Ce fut pour M. Figuier le moment critique. L'expérience fut instituée avec tout le soin imaginable; mais la fermentation ne s'établit point: on ne put recueillir une seule bulle de gaz. Les expériences tentées directement par la commission donnèrent le même résultat négatif. Ce fut à ce propos que M. Dumas introduisit dans son rapport la phrase que j'ai déjà citée, et que je vous prie de ne point oublier : Tous ces phénomènes de coloration, dit-il, de réduction, produits par des matières organiques, sont trompeurs et >> incertains. Lorsqu'on ne peut pas isoler le sucre en nature, >> il faut au moins s'assurer de sa présence par l'action du >> ferment et par le développement d'acide carbonique que » la fermentation produit, etc. »> M. Figuier ne se tint pas pour battu ; et, pendant deux ans, ses tentatives pour démontrer que le sang de la veine porte ou celui de la circulation générale contenaient du sucre témoignèrent au moins des grandes ressources de son esprit. Efforts infructueux! cette fermentation rebelle ne put être excitée directement. A peine le sang laissait-il échapper quelques bulles de gaz lorsqu'il avait été préalablement traité par l'acide azotique. Un dernier essai a été tenté en ma présence il y a dix-huit jours. M. Figuier, frappé du résultat complet que M. Colin et moi avions obtenu en suivant le procédé qu'il nous avait conseillé pour exciter la fermentation du chyle, imagina que le même moyen allait mettre en évidence le sucre, dont il continuait de soupçonner la présence dans le sang. Un éporme chien, nourri de chair depuis plusieurs mois, fut le |