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se trompait puisque mon procédé avait précédé ses formules générales de près d'une année.

⚫ La vérité est done que, bien que mon procédé soit une inspiration, de visu, de la méthode sous-cutanée de M. J. Guérin, il n'en a pas moins présenté, dans le temps, un côté nouveau, en ce sens, que j'ai appliqué le premier au traite ment des ganglions synoviaux, les sections (1) sous-cutanées qui ne l'avaient été jusqu'alors, par tous les chirurgiens et par M. Guérin lui-même, qu'à la ténotomie. » J'ai bien l'honneur, etc. »

LECTURES.

M. le docteur HUTIN donne lecture d'un travail intitulé: Ablation du corps de l'os maxillaire inférieur par un boulet dé canon, réparation des parties molles. Résultats consécutifs observés quarante-huit ans après la mutilation. (Commissaires : MM. Bégin, Larrey et Jobert.}

RAPPORTS.

De la digestion et de l'absorption des matières grasses sans le concours du fluide pancréatique, par M. COLIN (Rapport de M. Bérard.)

Messieurs, le 1 juillet 1856, M. Colin, chef des travaux anatomiques à Alfort, donnait lecture à l'Académie d'un mémoire ayant pour titre : De la digestion et de l'absorption des matières grasses sans le concours du fluide pancréatique. Dans ce peu de mots se révélait toute la portée du travail qui vous était soumis. L'Institut avait ouvert ses portes au

(1) Ces larges sections sous-cutanées sont une toute autre chose que la simple ponction que M. Cumin (de Dublin) faisait, en 1825, aux ganglions synoviaux, après avoir déplacé la peau qui les recouvrait, comme le faisait, bien avant, le célèbre Boyer pour l'ouverture des abces pár congestion. (Ceci s'adresse plus particulièrement à l'honorable M. Boavier.)

physiologiste que l'on regardait en France comme l'auteur de la doctrine nouvelle sur les fonctions du pancréas, et l'on venait vous déclarer que cette doctrine n'était pas fondée. On en appelait devant l'Académie de médecine du jugement porté par l'Académie des sciences sur cette partie des travaux de M. Cl. Bernard.

Dans cette conjoncture délicate, l'Académie nomma une commission. Elle chargea MM. Longet, Bussy, Bouley et Bérard d'examiner le mémoire de M. Colin. Ce que fit cette commission n'a que trop de précédents dans les Académies. Ce fut d'abord une grande ferveur, un zèle fort louable, et, quelques jours après la séance de l'Académie, on voyait les commissaires réunis à Alfort autour d'une table sur laquelle était couché un chien auquel on avait lié trois jours auparavant le canal pancréatique. Une fistule établie, séance tenante, au canal thoracique, donnait un chyle bien émulsionné. L'expérience paraissait concluante, lorsqu'un des commissaires, qui n'avait pas encore oublié ce qu'il avait écrit et fait imprimer sur l'appareil excréteur du pancréas, rappela que, chez le chien, cette glande avait deux conduits excréteurs ouverts séparément dans l'intestin. Or, on n'en avait lié qu'un. Le suc pancréatique avait donc continué de couler sur la masse alimentaire, et il n'était point étonnant, dès lors, qu'un chyle opaque, c'est-à-dire émulsionné ou chargé de graisse, eût été versé par le canal thoracique. C'était

à recommencer.

Mais il n'arrive guère qu'on ait la bonne fortune de réunir plusieurs fois de suite les membres d'une commission de l'Académie. Le zèle s'était tout à coup refroidi. Un seul commissaire (vous devinez que c'était le rapporteur) assistait à la deuxième séance; et, depuis ce moment, c'est-à-dire depuis huit mois, il a dû poursuivre, sans le concours de ses honorables collègues et avec M. Colin seul, la solution da problème épineux porté devant l'Académie.

Nos recherches ont été nombreuses et variées : chaque expérience laissait un point douteux à éclaircir ou suggérait quelque idée nouvelle qui nous mettait encore une fois le

scalpel à la main. C'est ainsi que nous sommes arrivés à sacrifier 36 chiens, 3 chevaux, 5 taureaux, 4 vaches, et j'ai le regret d'ajouter que ce n'est pas fini.

On s'est pris, depuis quelque temps, d'un tendre intérêt pour ces pauvres animaux qu'on ouvre vivants; on a prêché une sorte de croisade contre l'abus des vivisections; on a taxé les physiologistes de cruauté. Ce reproche, Messieurs, ne peut guère m'atteindre. J'ai eu, on le sait, le cœur trop facile à émouvoir pour faire mon chemin tout comme un autre; et jamais le désir de voir mon nom inscrit sur une liste de présentation à l'Institut n'a pu me faire surmonter la répugnance qu'une vivisection m'inspire. Mais ce que ni la vanité ni l'intérêt personnel ne m'ont conseillé, l'amour de la science me l'a fait faire. J'ai été séduit aussi par l'importance du résultat vers lequel nous marchions. Ce résultat, je vais tout d'abord le faire connaître, et en intervertissant l'ordre de nos travaux. Je ne veux pas faire passer l'Académie par les détours que nous avons dû faire, lui exposer tous nos tâtonnements, lui montrer nos incertitudes et comment nous sommes parvenu à les dissiper : il faudrait donner lecture de ce formidable recueil de nos expériences; ce serait abuser du tour de faveur que l'on a bien voulu m'accorder. Vous êtes venus ici, Messieurs, pour entendre ces orateurs qui, depuis plus de deux mois, ont le privilége de tenir en baleine l'attention de l'Académie, et j'ai hâte de leur céder la parole.

Eh bien ! l'humeur contenue dans ces bocaux, cette masse solide provenant de l'évaporation d'une énorme quantité de chyle, et dont l'éther peut extraire de la graisse, tout cela, Messieurs, sort des canaux thoraciques d'animaux qui ne recevaient pas une goutte de suc pancréatique dans leur tube digestif. Voilà une proposition bien grave. Il faut la justifier dans chacun de ses termes; car elle ruine de fond en comble les idées qui ont cours en France, où il semble qu'il ne soit plus permis de parler de l'absorption des graisses sans rappeler les recherches de M. Bernard sur les fonctions du pancréas. Les premières expériences dont nous allons appuyer notre proposition sont les dernières de celles que nous avons

pratiquées. Elles ont été faites sur de grands ruminants (vaches, taureaux).

Disons d'abord comment nous détournons le suc pancréatique.

On dirait que dans la race bovine la nature a tout préparé pour faciliter les recherches sur l'appareil excréteur du pancréas et pour diminuer les dangers de l'expérience. Une simple incision, peu étendue, sous le bord inférieur de la dernière côte droite, vous fait tomber sur le canal pancréatique, que n'accompagne pas, ordinairement, jusqu'à l'intestin le tissu de la glande, comme cela a lieu chez le chien, où le pancreas enveloppe et masque son propre canal jusque dans les parois du duodénum. Voilà pour la facilité de l'expérience,

Son innocuité relative tient à une disposition anatomique qui n'est peut-être connue que des vétérinaires, et encore leurs livres classiques ne s'y arrêtent-ils guère. Cette disposition consiste en ce que le duodénum et le pancréas font saillie dans une petite cavité séreuse, isolée d'un grand sac qui recèle le reste du tube digestif et ne communique avec la grande cavité péritonéale que par un orifice situé dans le bassin. La péritonite générale est donc peu à craindre après la ligature si facile du conduit pancréatique. Effectivement nous n'avons eu qu'un exemple de cet accident. Voici donc comment on termine cette partie de l'expérience. On jette sur le canal une ligature que l'on serre tout près de l'intestin on ouvre le canal en dehors de la ligature; on y introduit un gros tube de verre qui se trouve à l'aise dans ce vaste conduit excréteur (vous voyez qu'il égale le volume du doigt); on assujettit par une seconde ligature le conduit sur le tube, dont l'autre extrémité s'ajuste à une sonde de gomme élastique qu'on laisse pendre en dehors du ventre, On réunit la plaie par suture. Voilà donc le suc pancréatique détourné; il coule au dehors, et par moments avec une abondance extrême. Remis sur pied, l'animal, qui s'est à peine aperçu qu'on lui ait fait quelque chose, mange et rumine comme par le passé. Telle est au moins la règle; les exceptions sont saus importance.

Mals je me hâte de répondre à une objection qui, j'en suis sûr, se présente en ce moment à l'esprit de plus d'un membre de l'Académie. On dit : « Vous détournez en effet le suc pancréatique, mais vous pe le détournez pas en entier. M, Poinsot a montré, ici même, un petit canal pancréatique ouvert dans les voies biliaires, et, par leur intermédiaire, dans le duodénum. » Ce fait a produit une grande sensation, et on l'a considéré comme une dernière confirmation de la doctrine si bien exposée par M. Cl. Bernard. Pardonnez-moi quelque vivacité de langage, Messieurs; j'admire avec quelle légèreté on prend parti pour telle ou telle opinion dans un sujet aussi grave,

Nous devions faire de sérieuses recherches sur le degré de fréquence de la particularité anatomique que l'on yous avait signalée, sur le diamètre moyen de ce petit conduit quand il existe. Et ne croyez pas, Messieurs, que ces recherches offrent la moindre difficulté, Un étudiant de première année y réussirait aussi bien que l'anatomiste le plus consommé. L'erreur est impossible; je répète ces mots : L'erreur est impossible, si on opère comme je vais dire. L'animal étant tué et le duodénum ouvert, on adapte à la sonde de gomme élastique, qui a servi à détourner le suc pancréatique et qui est encore en place, le tube d'une seringue remplie d'essence de térébenthine; on presse sur le piston de la seringue, A l'instant même on voit se tuméfier extraordinairement ce gros conduit et toutes ses ramifications. Si le petit canal existe, on voit sourdre l'essence de térébenthine par l'orifice du canal cholédoque; s'il manque, il pe coule rien dans l'intestin. L'essence de térébenthing est si pénétrante, qu'elle arriverait encore dans l'intestin, dans le cas même où le petit canal n'aurait que le diamètre d'un cheveu. On peut répéter l'expérience, aussi souvent qu'on le veut, sur la même pièce. On ôte la seringue, la térébenthine revient, expulsée qu'elle est par le ressort élastique des conduits. On remet la seringue et l'on presse; les conduits se distendent de nouveau; et, si le petit conduit existe, la térébenthine recommence à sourdre par le canal cholédoque, etc. Après ces préliminaires, on passe à

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