Page images
PDF
EPUB

chiffres, à déterminer un maximum;

-

la vérité, c'est qu'il

n'y a de dosage possible avec quoi que ce soit.

On a dit que 8 grammes étaient la dose qu'il ne fallait jamais dépasser, mais j'en ai usé 15 grammes, 20 grammes, 30 grammes, sans inconvénient! Tout à l'heure encore, M. Nélaton m'a rendu jaloux quand je lui ai entendu dire qu'avec 4 ou 5 gouttes il endormait ses malades. Oui, jaloux, car, je le répète, il m'est arrivé bien souvent d'en employer des doses énormes, non-seulemeut sans danger, mais même inutilement. Certains malades sont tenus pendant un quart d'heure, pendant une demi-heure sous l'influence des inhalations, sans que l'insensibilité se produise. Cela surtout a lieu quand on est pressé et qu'on voudrait aller vite; - être pressé, c'est une condition de durée pour la chloroformation. Rien de plus variable que la durée, rien de plus variable que les doses, encore une fois, pour arriver à l'anesthésie. Je me rappelle qu'une dame, atteinte d'une colique néphrétique, me supplia de l'endormir au moyen du chloroforme. Savez-vous combien de temps je lui fis respirer cet agent anesthésique? De dix heures du soir à six heures du matin! avec des intermittences, bien entendu. Ce qu'elle usa de chloroforme est difficile à dire !

J'ai été, je dois l'avouer, singulièrement effrayé de la proposition émise naguère par M. Sédillot, à savoir : qu'avec du chloroforme pur et bien administré les accidents n'étaient jamais à redouter. J'en ai été tellement effrayé que si j'avais émis cette proposition, en vérité, je n'oserais plus employer les éthers, de crainte d'avoir quelque cruel démenti. Il est maintenant hors de doute, en effet, qu'avec les conditions posées par M. Sédillot des accidents se sont produits, et qu'on a eu des morts à déplorer.

Je me résume :

Il faut résister le plus possible aux demandes d'éthérisation que vous adressent les malades. Les éthers sont, sans doute, une admirable découverte, mais ils constituent une complication terrible pour les opérations, complication plus grave que les hémorrhagies. — Pour ma part, je ne con

sens à éthériser les malades que dans le cas d'opérations longues et très douloureuses. Toutes les fois que l'opération doit être courte ou peu douloureuse (comme pour l'hydrocèle, par exemple), je m'y refuse absolument.

Il faut faire respirer lentement, à l'air libre, avec beaucoup d'air, et ne pas aller au delà de l'anesthésie strictement nécessaire.

Il faut laisser libres les chirurgiens d'employer le chloroforme comme ils l'entendront, jusqu'à ce que son mode d'administration soit formellement inscrit au Codex, et il n'y sera pas de longtemps.

Pendant l'opération, ce n'est pas seulement le pouls qu'on doit avoir sous le doigt, ainsi que l'a si parfaitement dit M. Robert, c'est aussi la respiration qu'on doit avoir sous l'œil.

En cas de menace de mort, que faut-il faire ? que fait-on? Une chose m'a toujours frappé dans ces cas, c'est qu'on s'adresse d'abord aux moyens insignifiants: on cherche du vinaigre, des barbes de plumes, on donne de l'air, on introduit le doigt dans la gorge, on tire la langue, toutes choses excellentes, mais quelquefois peu efficaces; puis, quand elles ne réussissent pas, en dernier lieu, on pense à la respiration artificielle; mais il est trop tard, le malade est mort! Eh bien, c'est par là, par l'insufflation, qu'il faut commencer; c'est ainsi que j'ai toujours fait, et je m'en suis toujours bien trouvé. Permettez-moi une courte anecdote:

Une jeune femine, ayant à subir une petite opération, me demande de l'éthériser; je refuse; elle insiste, et je cède, -je cède facilement. — A peine avait-elle inspiré les vapeurs anesthésiques quelques secondes qu'elle tombe foudroyée. Sans m'arrêter aux moyens douteux, je la saisis vigoureusement, et je pratique l'insufflation bouche à bouche. Combien dura cette lutte entre le chirurgien et le cadavre? Je ne sais, le temps me sembla long; mais enfin ce drame se termina par une inspiration de la malade: elle vivait! Je suis convaincu que, quelques secondes de retard, d'hésitation, et c'était fini.

Je termine:

Quand on a quelque chose de bon à offrir, c'est par là qu'il faut commencer. C'est à la respiration artificielle qu'il faut recourir en cas de menace de mort. A cela est attaché d'ailleurs un grand avantage : les malades rappelés à la vie par ce moyen reviennent à eux instantanément, d'un seul coup, et ne passent point par les phases rétrogrades de l'ivresse. C'est, au contraire, ce qu'on observe quand on emploie les autres moyens.

PRÉSENTATION.

M. BAILLARGER présente à l'Académie, de la part de M. le docteur Billod, médecin en chef de l'asile d'Angers, trois aliénés pellagreux. M. Billod a observé, dans cet asile, des cas assez nombreux de pellagre, et il a adressé un mémoire à l'Académie sur ce sujet. Ces cas de pellagre ont cela de remarquable qu'ils surviennent chez des malades appartenant à des localités où la pellagre n'a jamais régné. La pellagre, en effet, est inconnue dans le département de Maineet-Loire et dans les villages qui entourent l'asile. C'est donc l'état d'aliénation mentale qui semble constituer la prédisposition à la maladie. M. Baillarger fait remarquer qu'en Lombardie ce sont les pellagreux qui deviennent aliénés. Ici, au contraire, ce sont les aliénés qui sont atteints de pellagre. Quant à l'érythème, il n'offre pas, chez les trois malades, les caractères complets de la pellagre de Lombardie; mais ce n'est pas sur l'érythème seul que se fonde M. Billod pour établir le diagnostic de la maladie. Ces aliénés pellagreux ont en même temps des douleurs dorsales, un sentiment de brûlure à l'épigastre, et des diarrhées très fréquentes. M. Billod en a déjà vu succomber un assez grand nombre dans un état de marasme produit par la persistance et la gravité de l'affection intestinale.

[ocr errors]

M. DEVERGIE: Je ne me permettrai pas de nier d'une manière absolue l'existence de la pellagre chez ces trois in

dividus; je n'ai pas eu le temps de les observer et de les interroger.

Je me bornerai à dire que je ne retrouve chez eux ni le facies ni les caractères érythémateux des mains que l'on observe chez les pellagreux.

La figure est sans expression, l'œil est terne. Dans la pellagre, les yeux sont généralement brillants, animés, comme chez les individus agités par l'ivresse au premier degré.

Quant à l'érythème des mains, je trouve les caractères de l'erythema à solare, et pas autre chose.

La peau n'est pas amincie, parcheminée; le tissu cellulaire n'est pas amaigri, les tendons ne sont pas dessinés et ne font pas la patte d'oie, comme on le remarque dès le début de la pellagre.

Chez l'un des malades, il existe même une affection à la main gauche qui m'a paru être un herpès à la fois lichénoïde et eczémateux : c'est une plaque morbide assez large, nettement circonscrite et qui ne ressemble en rien à l'érythème pellagreux.

Je le répète, en dehors des symptômes généraux dont je n'ai pu apprécier toute la valeur, je ne trouve pas dans les caractères locaux des indices suffisants de pellagre, je n'y trouve pas les caractères de l'érythème pellagreux.

M. GIBERT: Pour moi, les malades en démence envoyés par M. Billod et présentés par mon honoré collègue M. Baillarger ne sont point de vrais pellagreux, ce sont simplement des idiots chez lesquels l'insolation a provoqué sur les mains l'erythema solare de nos climats, qui a pris une ténacité et une chronicité dues au peu de résistance qu'offre la peau chez ce genre de sujets comme chez les vrais pellagreux; mais, chez ceux-ci, sans parler des caractères particuliers de l'éruption érythémateuse qu'on ne retrouve pas sur les aliénés présentés à l'Académie, l'érythème est le plus habituellement primitif, et, lorsque l'aliénation survient, elle ne se montre qu'à une époque plus ou moins éloignée du début de la maladie, tandis que l'affection mentale des malades de

M. Billod est bien antérieure au développement de l'érythème manuel. La pellagre est, comme on l'a dit, un mal de misère; le soleil, agissant sur la peau affaiblie lorsque les travaux des champs viennent arracher les sujets aux habitations malsaines et renfermées où ils ont passé l'hiver, attaque d'abord celle-ci avant d'agir sur les centres nerveux et sur les entrailles pour y provoquer les accidents graves que nous avons observés dans les deux cas de pellagre sporadique que nous avons étudiés jadis à l'hôpital Saint-Louis. Le ptyalisme que présente un des idiots de M. Billod et la diarrhée qui est survenue chez un autre ne sont pas du tout des phénomènes caractéristiques de la pellagre et se rencontrent assez souvent chez les idiots pour qu'on puisse ici les considérer comme entièrement indépendants de l'érythème.

M. FERRUS: M. Gibert vient de déclarer qu'il ne croit pas que les cas soumis à son examen soient des cas réels de pellagre. Il ne trouve point que l'altération dont les mains des malades sont atteintes porte le caractère essentiel de cette affection; il n'y reconnaît point l'éruption spontanée qui appartient éminemment à la pellagre, il attribue purement et simplement cette altération à l'effet du travail en plein soleil, auquel les aliénés sont maintenant soumis.

Je proteste, en ce qui me concerne, contre cette assertion, quant à la cause du moins, à laquelle M. Gibert attribue la maladie. Celle-ci a été certainement déterminée par l'insolation; mais l'insolation, aujourd'hui que les aliénés ont une vie occupée et active, produit sur eux des effets moins fréquents et moins graves qu'à l'époque où, livrés à l'oisiveté, ils demeuraient immobiles, couchés sur le sol, exposés à l'action la plus vive et la plus soutenue des rayons solaires, habitude que les aliénés contractent généralement et à laquelle il est fort difficile de les arracher. Ce fait a pu être constaté de tout temps dans les asiles spéciaux.

L'insolation exerce alors son action accoutumée, et elle est d'autant plus marquée que les malades semblent se complaire à la provoquer. L'épiderme des diverses parties du

« PreviousContinue »