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un peloton-modèle. Je sais qu'il existe déjà réglementairement, mais je voudrais que les cavaliers qui en feraient partie, instruits aussi complétement que possible dans la méthode, pussent exécuter avec leurs chevaux toutes les difficultés que M. Baucher nous a fait aborder en si peu de temps: on pourrait ainsi juger du degré d'instruction équestre auquel peut prétendre la troupe. Ce serait un moyen de conserver, de perpétuer les excellentes doctrines que nous venons de recevoir. Chaque cavalier serait jaloux d'en faire partie quand il aurait admiré les succès de ses camarades.

<< Ainsi, abréger singulièrement la route, obtenir des résultats qui étaient interdits aux anciennes écoles, ce serait déjà assez de titres pour recommander la nouvelle méthode. Elle en a d'autres encore; on peut, au moyen de deux mots, résumer le parallèle qu'on serait tenté d'établir entre l'ancienne et la nouvelle équitation: dans les écoles françaises ou allemandes le cheval est assis, dans l'école Baucher il est équilibré.

<< Dans les premières écoles, son éducation, péniblement acquise, a dû ruiner ses jarrets et ses hanches, et paralyser le jeu de ses épaules, condamnées à l'inaction. Il a payé cher une éducation incomplète. Chaque jour encore ces parties, que l'éducation a déjà altérées, doivent achever de s'user par cette répartition inégale; témoin les jarrets si accidentés de nos chevaux de manége, témoin l'usure de leurs boulets, tandis qu'au contraire les épaules, restées vierges, s'engourdissent de jour en jour; chaque pas fait par un cheval dans une position semblable est un acheminement vers une ruine prématurée.

<< Dans l'école de M. Baucher, au contraire, non-seulement on n'altère pas la conformation organique, mais, pour surcroît d'avantages, en exerçant des parties faibles, on donne plus de souplesse et plus de ton à certains muscles, on répar tit différemment les forces, de manière à alléger des parties

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peu puissantes, et à forcer d'autres plus fortes à partager avec les premières le rôle qu'elles leur imposaient tyranniquement. Ce ne serait donc pas assez de dire que le cheval dressé par la méthode nouvelle n'a pas été altéré dans son organisme.

« On a mieux fait, on lui a donné une position et des aplombs que la nature lui a refusés. Oui, j'ose l'avancer, l'art s'est mis à la place de la nature; et ce n'est pas blasphémer que de dire que la nature a été vaincue dans cette lutte.

« Grâce aux bienfaits de la méthode Baucher, l'équitation deviendra désormais dans la cavalerie un plaisir plein de charmes, au lieu d'être considérée comme une ennuyeuse corvée. Les chevaux seront soignés par les cavaliers en raison des services agréables qu'ils leur rendront, la proportion effrayante des pertes diminuera; enfin, tranchons le mot, la plus heureuse des innovations doit amener une bienfaisante révolution dans la cavalerie.

a Cependant, qu'il me soit permis de le dire ici : des études plus prolongées que celles que nous venons de faire pendant six semaines peuvent seules donner des apôtres intelligents de la méthode Baucher.

« C'est avec un sentiment amer que j'ai vu cette limite de temps; d'autres plus heureux que nous viendront sans doute. Pendant longtemps encore la cavalerie est intéressée à réunir sous les leçons de notre professeur un certain nombre d'officiers. Mais alors un local plus vaste, des éléments plus complets qui permettent d'appliquer sur plusieurs chevaux au lieu d'un seul, feront que la tâche, entièrement accomplie, répandra dans la cavalerie des résultats inappréciables. Les esprits les plus rebelles, convaincus, comme nous le sommes aujourd'hui, diront avec nous :

<< A Baucher la cavalerie reconnaissante!

15 juillet 1842.

« A. DESONDES,

« Lieutenant au 9o cuirassiers. »

ÉCOLE ROYALE DE CAVALERIE.

SIXIÈME ET DERNIER RAPPORT sur les exPÉRIENCES DE la nouvelle MÉTHODE D'ÉQUITATION DE M. Baucher.

« Les premiers essais sont terminés. Les mouvements principaux de l'école de peloton à cheval, la course des têtes, la charge, ont complété le travail. Ainsi, trente-cinq leçons ont suffi pour parfaire l'instruction des chevaux dociles ou rebelles qui m'ont été confiés. L'ébauche du cheval, c'est-àdire le travail en bridon prescrit par l'ordonnance, réclamait à lui seul un laps de temps plus long, au bout duquel on osait à peine prendre la bride. Sous ce rapport, le nouveau système est d'une immense utilité pour la cavalerie.

<«< Mais la promptitude avec laquelle on peut mettre des chevaux neufs dans les rangs n'est pas le seul avantage que présente la nouvelle méthode; elle garantit, en outre, la conservation du cheval; elle développe ses facultés et ses moyens; ceux-ci grandissent par l'harmonie, par le rapport des forces entre elles, par leur usage rationnel et opportun. Ce n'est pas l'emploi immodéré de la force qui fait triompher d'un cheval rebelle, mais l'emploi bien combiné d'une force ordinaire. Le système Baucher doit être regardé comme éminemment conservateur, puisque le dressage bien gradué,

bien combiné, ne peut avoir de fâcheuses influences sur le physique du cheval, et que, dans son emploi, ses forces étant à la disposition du cavalier, c'est celui-ci, dispensateur absolu de ces mêmes forces, qui devient responsable de la durée ou de la ruine prématurée.

<< La vitesse des allures a été mise en doute et contestée. En effet, si on voulait lancer à la charge le cheval complétement ramené, il perdrait sans doute de son impulsion. Quant aux allures ordinaires, au trot allongé même, le cheval acquiert par le ramener une nouvelle vigueur, et la citation de l'auteur de la méthode, relative à cette allure, se vérifie trés-bien par l'expérience; elle prouve, en outre, que les allures ne pourront que gagner en régularité et en précision, condition première de la rectitude des manoeuvres, des bonnes marches et de leur prolongation avec moins de fatigue.

« La docilité qu'acquiert le cheval soumis à la mobilisation est chose digne de remarque. Dès le premier jour, pas un seul des chevaux qui viennent d'être dressés par la nouvelle méthode n'a été impressionné, ni par le feu, ni par les armes ou autres bruits de guerre; le cheval est tout à son cavalier.

<< Cependant l'application de la nouvelle méthode n'est pas sans difficultés, surtout pour ceux qui sont peu disposés au zèle, à la persévérance qu'elle réclame. Ces qualités sont une condition indispensable pour réussir. Si elles n'existent pas généralement, espérons qu'elles ne manqueront pas de se développer avec le goût que fera renaître l'introduction d'un progrès si utile à la cavalerie. Il ne faut qu'essayer du système pour s'y livrer avec ardeur; il est entraînant, il séduit et absorbe ceux qui le comprennent, qui en ont mûri la théorie si claire, si rationnelle; je dirai plus, grâce à cette théorie, l'équitation, considérée jusqu'à présent comme un art, devient une science exacte.

« Les expériences terminées aujourd'hui et qui font l'objet

de ce rapport ne militent pas seules en faveur du système de M. Baucher: celles que l'on continue sur les autres catégories de chevaux témoignent aussi de ses avantages, et fourniront, sans aucun doute, des preuves plus frappantes encore par les difficultés plus grandes qui seront vaincues.

« Je me résume, en disant que la nouvelle méthode doit être un grand bien, une amélioration incontestable pour la cavalerie. L'instruction élémentaire, applicable aux chevaux de troupe, sera facile et intelligible pour tous les cavaliers. Quant à l'équitation savante, dite haute école, elle sera du domaine des officiers et des sous-officiers hors du rang, et aura, comme partout, pour base l'intelligence, l'aptitude et le raisonnement, qualités indispensables pour en reculer les limites. L'école de cavalerie, terre classique de l'équitation, trouve déjà dans ce progrès un nouvel aliment à son zèle; jalouse des intérêts et de la prospérité de la cavalerie, instituée pour concourir à ses progrès, elle regarde généralement le système Baucher comme un bienfait et une nouvelle source de succès.

« Je fais donc des vœux pour l'adoption de la nouvelle méthode, et je désire ardemment sa prompte introduction dans la cavalerie.

Saumur, le 6 août 1842.

« Le chef d'escadrons commandant le manége

de l'école de cavalerie,

« DE NOTIVAL. »

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