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LETTRE DE M. LE LIEUTENANT GÉNÉRAL MARQUIS OUDINOT, A M. BAUCHER.

Paris, le 24 mai 1842.

« M. le Maréchal ministre de la guerre me fait savoir, Monsieur, sous la date du 20 mai, qu'il a lu avec beaucoup d'intérêt le rapport que je lui ai transmis sur les expériences qui ont été faites à Paris, à l'effet de constater si votre méthode d'équitation devait être appliquée avec avantage aux corps des troupes à cheval.

« Le Ministre me charge de vous exprimer tous ses remercîments pour le zèle et le désintéressement dont vous avez fait preuve jusqu'à présent dans l'intérêt de l'art et de l'armée. Toutefois, Son Excellence ne peut et ne doit pas continuer de disposer de votre temps sans vous accorder en retour une juste indemnité. Elle aurait désiré que les crédits mis à sa disposition permissent d'organiser sur une échelle étendue la continuation des expériences de votre méthode; mais les règles qui régissent la spécialité de l'emploi de ces crédits ont apporté des obstacles à la réalisation de ses intentions.

<«< La commission que je préside a été d'avis qu'il y aurait lieu de vous allouer une indemnité de 5 francs par jour pour chaque officier qui monterait à votre manége, et elle a en même temps proposé à M. le Ministre de détacher à Paris, pendant deux mois, le capitaine-instructeur et un officier des régiments placés dans un rayon de vingt-cinq lieues autour de la capitale. Cette disposition s'appliquerait naturellement aux régiments en garnison à Chartres, Beauvais, Provins, Versailles, Melun, Compiègne, Meaux, Saint-Germain et Fontainebleau. Les vingt officiers de ces dix régiments et les

six officiers des trois régiments stationnés à Paris, montant chaque jour à votre manége, auraient occasionné une dépense journalière de 130 francs. La situation du budget et l'absence de tout crédit spécial pour une dépense de cette nature n'ont pas permis d'accueillir cette proposition comme elle était formulée, et M. le Maréchal ministre de la guerre a pensé qu'en se bornant à faire monter ces vingt-six officiers. tous les deux jours, il atteindrait le double but de ne pas compromettre le succès des expériences, et de renfermer la dépense dans des limites étroites et nécessaires. Cette disposition sera de ma part l'objet d'une observation; je préviens le Ministre que j'ai autorisé les officiers à monter tous les jours, sauf à abréger le temps de leur séjour à Paris.

« J'ai demandé également que M. votre fils fût autorisé à se rendre à Lunéville, afin que je puisse, en qualité de commandant du camp, y faire faire sous mes yeux l'application de la méthode. J'ai exprimé en outre le désir que les capitaines-instructeurs et un officier des régiments qui sont en garnison dans un rayon d'une vingtaine de lieues de cette place y fussent appelés pour être initiés à notre système. Ces propositions, qui ont pour but et qui auront pour résultat de mettre le plus grand nombre de régiments possible à même d'appliquer, s'il y a lieu, la méthode en cours d'essai, ont paru à M. le Ministre susceptibles d'être accueillies.

«Bien que je considère l'expérience qui a été faite sous ma direction comme concluante, surtout en ce qui concerne le dressage des jeunes chevaux, et bien que M. le Ministre apprécie aussi ces résultats, S. Exc. pense cependant, d'accord avec la commission, qu'il est nécessaire de continuer les essais. En effet, votre méthode, fût-elle même jugée définitivement par la commission, et dût-elle réaliser tous les avantages que vous en attendez, ne saurait s'imposer à l'opinion publique. Elle aura ses opposants dans l'armée comme dans la classe civile; c'est le sort de toute idée nouvelle. Il faut

donc d'abord qu'elle se fasse connaître, qu'elle se propage, et qu'elle soit généralement adoptée avant que le département de la guerre consacre et légalise cette adoption.

« Je vous annonce donc, Monsieur, que, d'après ces considérations, M. le Maréchal ministre de la guerre a arrêté les dispositions ci-après :

a 1o Les jeunes chevaux de l'école de cavalerie seront dressés d'après la méthode Baucher, sous la direction de M: le chef d'escadron commandant le manége, qui recevra en temps opportun l'ordre de revenir à Paris, pour se familiariser de plus en plus avec ce système de dressage;

«< 2o L'application de la méthode sera continuée dans le 5o de cuirassiers, dans le 3e de lanciers, dans le 3o d'artillerie et dans la garde municipale. Elle sera introduite dans le 5o de dragons, nouvellement arrivé à Paris.

« 3o Les régiments de cavalerie et d'artillerie stationnés dans un rayon de vingt-cinq lieues autour de Paris détacheront pour deux mois le capitaine-instructeur et un lieutenant, qui viendront étudier la méthode Baucher. Le lieutenant sera, autant que possible, choisi parmi ceux qui ont suivi le cours de l'école de cavalerie, soit comme officiers d'instruction, soit comme officiers-élèves.

« Ces officiers seront placés sous les ordres et la direction de M. Grenier, chef d'escadrons au 9e cuirassiers.

«< 4° M. Baucher fils se rendra au camp de Lunéville, il y séjournera pendant les mois de juin, juillet et août. Les capitaines-instructeurs et un lieutenant des corps de troupes à cheval stationnés à Toul, Nancy, Haguenau, Épinal, Strasbourg, Schelestadt, Sarguemines, Commercy, Colmar, SaintMihiel et Verdun, seront appelés à Lunéville pendant les mêmes mois pour y étudier le système Baucher. Ces officiers seront placés sous les ordres et la direction de M. Mermet, chef d'escadrons au 2o de cuirassiers;

« 5o M. Baucher fils recevra une indemnité de 500 francs par mois, payables sur les frais de la remonte générale ;

« 6° Chacun des corps de troupes à cheval et des établissements de remonte recevra deux exemplaires de votre ouvrage intitulé: Méthode d'équitation basée sur de nouveaux principes;

« Vous recevrez une indemniné de 5 francs par jour pour chaque officier qui montera dans votre manége.

Les dispositions que je viens de vous communiquer prouvent, Monsieur, que M. le Ministre de la guerre veut que l'armée mette à profit les progrès que vous avez fait faire à l'équitation. Je m'applaudis d'être appelé à seconder les intentions de M. le Maréchal, et vous me trouverez en toutes circonstances disposé à rendre justice à un talent que chaque jour j'apprécie davantage.

« Recevez, je vous prie, Monsieur, l'assurance de ma considération particulièré et de mes sentiments distingués. <«< Le lieutenant général,

<< Marquis OUDinot. »

ÉQUITATION BAUCHER.

RAPPORT DU Chef d'escadrons GRENIER, CHARGÉ DU COMMANDEMENT DES OFFICIERS DÉTACHÉS A PARIS, PAR DÉCISION MINISTÉRIELLE DU 20 MAI 1842, POUR ÉTUDIER LA MÉTHODE D'ÉQUITATION DE

M. BAUCHER.

Versailles, le 25 juillet 1842.

« Les officiers détachés à Paris, par décision ministérielle, en date du 20 mai 1842, pour étudier la méthode d'équitation de M. Baucher, étaient au nombre de vingt-deux, le capitaine-instructeur et un lieutenant par régiment. Ils ont travaillé tous les jours, depuis le 1er juin jusqu'au 15 juillet, en deux reprises, l'une de dix heures et demie à midi, l'autre de trois heures et demie à cinq heures. Il y a eu trente-neuf jours de travail.

«M. Baucher donnait toujours la leçon lui-même, et en ma présence. Il a établi dans le travail une progression à l'aide de laquelle il a démontré sa méthode d'équitation, en expliquant successivement, d'une manière claire et précise, les principes sur lesquels elle est basée.

<< Les explications orales étaient presque toujours données à chacun en particulier, et l'application sur le cheval immédiatement exigée. M. Baucher ne quittait l'officier auquel il s'adressait qu'après s'être assuré par des questions que son

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