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« Mais, pourrait-on objecter, cette espèce de captivité à laquelle la nouvelle méthode veut soumettre le cheval ne nuira-t-elle pas à sa conservation, ne sera-t-elle pas la source d'une ruine prématurée? A cela il est facile de répondre par une comparaison qui nous semble concluante: lorsque tous les rouages d'une machine sont bien engrenés, que chacun fournit son contingent d'action, il y a harmonie, partant nécessité d'une force moindre. De même lorsque dans un corps organisé, on est parvenu à obtenir la souplesse, le liant dans toutes les parties, l'équilibre devient facile, il y a souplesse, légèreté et par conséquent diminution de fatigue.

« Loin de ruiner le cheval, la nouvelle méthode n'a-t-elle pas l'avantage d'être un puissant auxiliaire pour le développement des muscles, surtout dans un jeune sujet ?

<«< La vitesse, la franchise des allures, pourrait demander encore la cavalerie, ne souffriront-elles pas de l'emprisonnement dans lequel le nouveau système semble tenir le cheval? Non, car l'animal jouit, même dans le rassembler, de toutes ses facultés locomotrices, il est parfaitement à son aise dans les aides et dans sa position d'équilibre, ce qui oblige tous les muscles à fournir leur quote-part dans l'action.

« Cette question nous amène à parler des bornes que l'auteur du système, toujours exact et rationnel dans ses idées comme dans son dire, prétend donner à l'équitation militaire. Ces bornes ne dépassent pas l'instruction élémentaire à laquelle le cheval de troupe doit être soumis, c'est-à-dire qu'elles ne vont que jusqu'au ramener; car alors le cheval est dans la main, il est en équilibre, conséquemment léger, obéissant; constamment à la disposition de son cavalier: que veut-on de plus, surtout à la guerre ?

« Quant à l'équitation savante, à la haute école, là, il n'y a pas de limites; le plus habile va le plus loin. Le tact, l'intelligence, le raisonnement, assurent le succès. C'est grâce à ces

qualités éminentes, jointes à la persévéran ce et à l'étude, qu'a grandi le talent de l'habile écuyer qui nous occupe et qui a tant de droits à nos sympathies.

<< Faire ici l'analyse complète de la méthode de M. Baucher serait peut-être chose opportune; mieux vaut cependant renvoyer à son ouvrage récemment publié, et que tout officier de cavalerie doit s'empresser de lire pour y puiser de saínes et véritables doctrines sur l'équitation.

<«< Mais, si claire, si logique que soit la théorie de M. Baucher, elle n'en aura pas moins, comme je l'ai dit plus haut, ses détracteurs, ses adversaires; à ceux-là il faudra opposer les faits et l'évidence, qui parlent assez haut pour triompher des plus incrédules.

« Je me résume en disant que, si, comme j'aime à le croire, la nouvelle méthode est adoptée, la cavalerie sera dotée d'une ressource immense, basée sur des moyens prompts et infaillibles pour le dressage des jeunes chevaux et des chevaux difficiles.

<< L'opinion de MM. les capitaines instructeurs des 5o cuirassiers et 3 lanciers se trouve comprise dans ce que je viens d'émettre; comme moi ils concluent à l'adoption de la méthode, et s'unissent à moi dans l'expression d'un sentiment de reconnaissance personnelle pour son auteur.

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« Le chef d'escadron, commandant le manège de a l'école de cavalerio.

« DE NOVITAL. »

RAPPORT AU LIEUTENANT GÉNÉRAL OUDINOT, PAR M. CARRELET, COLONEL DE LA GARDE MUNICIPALE DE PARIS.

Paris, le 6 avril 1842.

<< Mon Général,

<«< Vous avez eu la bonté de permettre à la garde municipale d'assister aux essais faits en votre présence par M. Baucher pour le dressage des jeunes chevaux. C'est un devoir pour moi, mon Général, de vous adresser d'abord mes remerciments pour l'obligeance et la bienveillance que vous avez mises à accueillir ma demande.

« Conformément à votre autorisation, un lieutenant et un sous-officier de chacun de mes escadrons, sous les ordres d'un capitaine adjudant-major, ont assisté aux leçons don- ́ nées chaque matin au quartier de l'hôtel de Sens; moi-même j'y suis allé souvent pour étudier les nouveaux procédés mis en usage par M. Baucher.

<< Permettez, mon Général, que je vous fasse connaître le résultat des impressions que mes officiers et moi avons éprouvées en écoutant le développement des théories de M. Baucher, et en les voyant appliquer immédiatement.

« Le système général de M. Baucher pour le dressage des jeunes chevaux consiste :

"

« 1o Dans la domination des forces de l'encolure;

2o Dans l'annulation de ses résistances.

« Ces idées-là existent de temps immémorial, et à cet égard tous les cavaliers sont d'accord; mais les moyens employés par M. Baucher sont tout à fait différents de ceux mis

en usage jusqu'à ce jour, et les anciens principes sur l'équitation sont presque complétement changés par les adeptes de M. Baucher. C'est presque une révolution dans l'équitation; mais, à mon avis, il faut toujours se rendre à l'évidence des faits; toute opposition systématique n'aboutit qu'à retarder le moment de la vérité.

«En effet, suivant les anciens principes, on procédait au dressage des chevaux par des moyens successifs et très-longs. Par les procédés de M. Baucher, on amène tout à la fois, scellés et bridés, les chevaux sur le terrain où ils reçoivent simultanément la leçon avec le filet, la leçon avec la bride.

<< Son système pour se rendre maître du cheval consiste d'abord à assouplir l'encolure, parce qu'elle est la base de toutes les défenses qui peuvent se présenter.

<< Raconter ce dont nous avons été témoins depuis quinze jours serait d'un détail peu important pour vous, mon général, qui avez tout vu en artiste; le raconter pour les autres n'est pas mon affaire. D'ailleurs, les écuyers auxquels on parlera des leçons de M. Baucher et de leurs résultats seront probablement, comme nous, un peu incrédules avant d'avoir vu; mais quand le résultat est évident, il n'y a plus moyen de ne pas croire, il faut se rendre, quelque peine qu'on éprouve à sacrifier des habitudes de trente ans, habitudes invétérées et auxquelles on a cru comme à l'Evangile.

<< Pour abréger cette narration dont vous n'avez certes pas besoin (car je ne connais pas de plus juste appréciateur des hommes et des choses que vous, mon Général, qui vous occupez toujours si utilement des intérêts de l'armée), je vous dirai qu'officiers et sous-officiers de la garde municipale sont unanimes pour approuver les procédés de M. Baucher, appliqués au dressage des jeunes chevaux.

« Nous avons assisté à l'éducation de quarante chevaux de troupe, tous plus ou moins difficiles, et nous sommes convaincus que, par le système Baucher, ils ont été plus

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avancés en quinze jours qu'ils ne l'auraient été en six mois par les procédés que nous suivons habituellement.

« Je suis tellement convaincu de l'efficacité des moyens professés par M. Baucher, que je vais soumettre à ces principes tous les chevaux de mes cinq escadrons.

« Cinq chevaux de la garde municipale, plus ou moins difficiles, ont été assouplis en huit ou dix leçons, et ramenés à la position normale, ils sont devenus calmes et obéis

sants.

« Je suis avec respect,

« Mon Général,

<«< Votre très-humble et très-obéissant serviteur, « Le Colonel de la garde municipale,

« CARRELET. »

RAPPORT DE M. LE LIEUTENANT GENERAL MARQUIS OUDINOT,

A S. EX. M. LE MARECHAL MINISTRE De la guerre.

« Monsieur le Maréchal,

Paris, le 7 avril 1842.

« Conformément aux instructions contenues dans votre lettre du 11 mars dernier, il a été fait à Paris, sur la demande de M. Baucher, une série d'expériences destinées à constater si la méthode de cet écuyer, relative au dressage des chevaux, pouvait être appliquée avec avantage aux corps de troupes à cheval.

« Ces expériences ont commencé le 21 du mois dernier; j'ai l'honneur de vous transmettre, monsieur le Maréchal, les rapports auxquels elles ont donné lieu de la part des capi

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