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mais il n'a garde d'avouer qu'en cela il se convertit à mes préceptes. Il déclare, dans une note, que ce n'est pas moi qui ai inventé le système des flexions et des assouplissements, c'est convenu. Seulement, au lieu de l'avoir emprunté, comme M. D'Aure l'avait prétendu précédemment, aux modernes écuyers allemands, il se trouve à présent que je n'ai fait, sur ce point, que plagier l'un de nos plus anciens auteurs équestres. J'aurai bientôt sans doute pris les flexions et les assouplissements à un écuyer contemporain de Noé, qui sera censé les avoir exportés de l'arche, immédiatement après le déluge.

M. D'Aure persiste cependant à penser que l'encolure très-assouplie NUIT à la vitesse des allures, que le cheval devient alors flagellant dans ses mouvements, qu'il perd son brillant, son énergie, etc., etc. Si l'assouplissement complet produit de semblables résultats chez le cheval, il faudra donc en conclure, par une rigoureuse analogie, que le danseur a moins de forces, de grâce et d'agilité dans les jambes, parce qu'il a fallu beaucoup exercer ces parties-là; il en sera de même du bras dont se sert le maître d'armes, des doigts du pianiste, etc., etc. Ainsi encore, on deviendra incapable, idiot, par suite de l'exercice judicieux de son intelligence. Voilà cependant où conduit la logique de M. D'Aure.

La vérité est que, si quelques parties d'un cheval sont exercées isolément, ce sera souvent au détriment des autres; or, comme nous avons besoin de tout l'ensemble du cheval, il faut donc exercer toutes les parties une par une, afin qu'elles se soutiennent toutes avec la même facilité; l'encolure la première, ensuite la croupe, puis les reins. C'est ainsi que l'on parviendra à obtenir l'ensemble qui commence par le ramener et se termine au rassembler.

Voilà ce que j'ai toujours enseigné, bien que M. D’Aure tronque et dénature mes principes sous ce rapport, de même que sous beaucoup d'autres. Heureusement, ces travestisse

ments intéressés ne sauraient avoir les résultats que s'en promettent leurs auteurs. Grâce aux nombreuses éditions et aux traductions en langues étrangères qu'a obtenues la Nouvelle Méthode, mon système peut aujourd'hui être jugé sur pièces, et il est facile ainsi de distinguer la vérité de la mauvaise foi. Puisque je suis sur ce chapitre, je crois devoir ajouter quelques remarques, relativement à la nouvelle édition de l'ouvrage de M. D'Aure. Cet écuyer s'est enseveli dans la poussière des bibliothèques, il a compulsé avec une patience de bénédictin tous les plus vieux auteurs équestres, et pourquoi, pour tâcher de découvrir la preuve que les principes qui constituent la base de ma Nouvelle Méthode ont été connus et pratiqués avant moi. On verra, par les quelques citations suivantes, que tant de laborieux efforts, tant de pénibles recherches, n'ont abouti qu'à des résultats bien minimes, pour ne pas dire nuls.

M. D'Aure dit (Introduction, page XIV):

<<< Je citerai tout à l'heure le texte de Grison, pour expli<< quer l'action des jambes du cavalier, lorsqu'il faisait exé<< cuter les tournants et les voltes; on verra que le principe « de se servir de la jambe gauche pour faciliter le tournant à « droite, et vice versa, n'est pas du tout nouveau, comme le « disent les innovateurs, qui ne comprennent pas, préten<«<dent-ils, comment on est resté jusqu'à ce jour sans faire « connaître cette action. Tout homme sachant monter à che<«< val sait qu'il y a deux manières d'exécuter un tournant : la « première, en faisant marcher l'arrière-main; la seconde, << en faisant marcher les épaules. Quand le cheval est en place << ou très-maintenu dans la main, si on veut le tourner à « droite sans que les épaules se déplacent, la jambe droite du «< cavalier agit pour redresser les hanches du cheval à gau<«< che, ce qui exécute le tournant à droite; quand au con<< traire le cheval marche, et que l'on tourne à droite, la « jambe gauche du cavalier doit agir pour soutenir la han

«che gauche, afin de maintenir l'action transversale des « jambes du cheval; car en agissant autrement, il se désuni«rait. Si l'on pouvait ne pas savoir cela avant Grison, de<< puis nous ne devons pas l'ignorer. »>

A en juger par les réflexions de M. D'Aure, il est facile de voir que cet écuyer ne comprend pas le mécanisme qui oblige à se servir d'abord de la jambe droite pour tourner à gauche, et vice versa. Grison a pu dire qu'il fallait employer la jambe droite afin d'obtenir une volte à gauche; mais il n'a pas défini son effet pour tourner. J'ajouterai que cette définition ne se trouve dans aucun ouvrage, et la preuve, c'est que, M. D'Aure lui-même, recommande le moyen opposé.

Passons à la page xxij.

« Le résumé de l'emploi du pilier, d'après Pluvinel, est de a plier, d'assouplir l'encolure du cheval et d'assouplir les << hanches. »>

Ici M. D'Aure veut prouver que Pluvinel avait pratiqué mon travail à pied, et, pour cela, il rapporte le discours que cet écuyer adresse au roi Louis XIII, dans lequel se trouve un passage où Pluvinel dit : « Sachant donc que le plus diffi<< cile est de tourner (le cheval), je le mets autour d'un pi<< lier, afin que, le faisant cheminer quelques jours, il nous « montre sa gentillesse, et tout ce qui peut être lui, afin de « juger à quoi il sera propre, en laquelle sorte il faut le con-<< duire. >

De bonne foi, quelle analogie existe-t-il entre ce travail, d'abord d'un pilier, puis de deux, pour commencer l'éducation du cheval et mes flexions avec la manière de les pratiquer surtout? Il y a longtemps que j'ai protesté contre l'usage des piliers, je ne reviendrai pas sur ce sujet ; seulement j'engage M. D'Aure à voir pratiquer ma méthode, qu'il juge sans en avoir, à ce qu'il paraît, la première notion.

Page xxv. M. D'Aure continue ses-citations. Pluvinel

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explique à son royal élève ce que l'on entend par pincer de l'éperon.

« Sire, pincer son cheval, lorsqu'il manie, est presser tout <«<< doucement les deux éperons, ou l'un d'iceux, contre son << ventre, non de coup, mais serrant délicatement, ou plus « fort, selon le besoin, à tous les temps, ou lorsque la né<< cessité le requiert, etc., etc. >>>

Pour éviter des discussions en pure perte, je renvoie le lecteur à l'article Attaques: il jugera par lui-même ce que j'entends par le toucher de l'éperon, dans quel moment il faut s'en servir, quelle est son utililité par rapport à l'équilibre du cheval, etc., etc. Puis, je lui demanderai où est la ressemblance entre les deux théories, car il ne suffit pas de dire le mot, il faut définir tout ce qu'il comporte; voilà ce que n'a pas fait Pluvinel, et, sur ce point, M. D'Aure est encore moins explicite. M. D'Aure pousse même la discrétion jusqu'à cacher complétement son opinion relativement à ce fameux pincer de l'éperon; est-il pour? est-il contre? Impossible de le savoir. Si le moyen de Pluvinel est bon, pourquoi ne le pratique-t-il pas et ne l'adopte-t-il pas dans ses propres écrits? S'il est mauvais, pourquoi n'en fait-il pas connaître les abus? L'auteur qui n'a pas d'opinion peut-il discuter la divergence ou les rapports qui existent entre tel ou tel principe? Qu'en pense le lecteur?

Plus loin, M. D'Aure ajoute : « Il en est de même de ce « qu'on appelle aujourd'hui le rassembler. Qu'est-ce que rasa sembler un cheval, si ce n'est le posséder dans la main et <<< dans les jambes? >>

Ainsi, tout cavalier qui tiendra son cheval dans la main et dans les jambes, le tiendra au rassembler, bien que l'animal soit hors la main, qu'il ait, par conséquent, l'encolure contractée ! J'ai défini le rassembler tout autrement que ne le fait Pluvinel, M. D'Aure est forcé d'en convenir; reste à savoir

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maintenant lequel, de M. D'Aure ou de moi, ne comprend pas le rassembler dans toute son acception.

Page xxxv. M. D'Aure, passant tous les auteurs en revue, arrive à Newcastle, et aux moyens qu'emploie cet écuyer pour pratiquer les flexions, qui ressemblent bien, ajoute-t-il, à ce qu'on APPELle aujourd'hui les flexions de machoire. Or, écoutons la citation de Newcastle :

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<< Après cet assouplissement sur le caveçon, je voudrais <«< que vous prissiez de fausses rênes et que vous les attachassiez, à ma mode, au banquet de la bride! mais donnez la « liberté à la gourmette, en sorte qu'il a moins d'appréhen<«<sion de la bride; et son appui se fortifie tellement, que quand on travaille de la bride, et par conséquent de la « gourmette, la bride le rend léger. Ceci est bon autant pour << tous ceux qui ont trop d'appui, que pour ceux qui en ont << trop peu, et lui donne le pli de la même sorte que le cave<«<çon, sinon que le caveçon le travaille sur le nez, et les « fausses rênes sur les barres; ce qui le rend très-sensible, « comme il doit être, et du même côté des barres, comme la «< bride doit faire; ce qui l'accoutume tellement, que, quand <<< on le met avec la bride seulement et qu'il a l'aide de la gour«mette, il va à merveille. >>

Eh bien ! ma méthode ne prescrit-elle pas un moyen diamétralement opposé? En vérité, il est impossible d'avoir un adversaire plus commode que M. D'Aure, puisqu'il pousse l'obligeance jusqu'à se faire battre avec ses propres armes.

Page xl. Voici quelque chose de plus curieux encore : tout en essayant de me confondre, M. d'Aure se confond luimême. En effet, après avoir semblé approuver les flexions hypothétiques de Pluvinel, les flexions forcées de Newcastle, toutes les flexions à pied, excepté les miennes, il paraît maintenant se ranger à l'opinion de Gaspard Saulnier, qui ne veut pas de flexions du tout. Ainsi, il cite le passage suivant emprunté à cet auteur :

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