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V.

DE L'EMPLOI DES FORCES DU CHEVAL

PAR LE CAVALIER.

Le langage sans à-propos est un bavardage en pure perte.

(Passe-Temps équestres.)

Lorsque les assouplissements auront assujetti les forces instinctives du cheval au point de nous les livrer complétement, l'animal ne sera plus entre nos mains qu'une machine passive, attendant, pour fonctionner, l'impulsion qu'il nous plaira de lui communiquer. Ce sera donc à nous, dispensateurs souverains de tous ses ressorts, à combiner leur emploi dans les justes proportions des mouvements que nous voudrons exécuter.

Le jeune cheval, roide d'abord et maladroit dans l'usage de ses membres, aura besoin, pour les développer, de certains ménagements. Ici, comme toujours, nous suivrons cette progression rationnelle qui veut que l'on commence par le simple avant de passer au composé. Nous avons, par le travail qui précède, assuré nos moyens d'action sur le cheval; il faut nous occuper maintenant de faciliter ses moyens d'exécution, en exerçant l'ensemble de ses ressorts. Si l'animal répond aux aides du cavalier par la mâchoire, l'encolure et les hanches, s'il cède par la disposition générale de son corps aux impulsions qui lui sont communiquées, c'est par le jeu de ses extrémités qu'il exécute le mouvement. Le mécanisme de ces parties doit donc être facile, prompt, régulier; leur application, bien dirigée aux différentes allures, pourra seule leur donner ces qualités indispensables à toute bonne éducation (1).

(1) Il ne faut pas oublier que la main et les jambes ont aussi leur vocabulaire, dont la concision est admirable. Ce langage muet et laconique se réduit à ce peu de mots : Tu fais mal; voilà ce qu'il faut faire; tu fais bien. Il suffit donc que le cavalier parvienne à traduire, par son mécanisme, le sens de ces trois observations différentes, pour posséder toute l'érudition équestre et faire partager son intelligence au cheval.

DU PAS.

Le calme est indispensable pour la médiation.

(Passe-Temps équestres )

L'allure du pas est la mère de toutes les allures; c'est par elle qu'on obtiendra la cadence, la régularité, l'extension des autres; mais le cavalier, pour arriver à ces brillants résultats, devra déployer autant de savoir que de tact. Les exercices précédents ont conduit le cheval à supporter des effets d'ensemble qui eussent été impossibles avant l'anéantissement de ses résistances instinctives; nous n'avons plus à agir aujourd'hui que sur les résistances inertes qui tiennent au poids de l'animal: sur les forces qui ne se meuvent qu'à l'aide d'une impulsion communiquée.

Avant de porter le cheval en avant, on devra s'assurer d'abord s'il est léger, c'est-à-dire si sa tête est perpendiculaire, son encolure liante, sa croupe droite et d'aplomb. On fermera ensuite légèrement les jambes pour donner au corps l'impulsion nécessaire à son mouvement; mais on ne devra pas en même temps, suivant les préceptes des anciennes méthodes, rendre la main de la bride, car alors l'encolure, libre de tout frein, perdrait de sa légè

reté, se contracterait et rendrait impuissants les effets de la main. Le cavalier se souviendra toujours que sa main doit être pour le cheval une barrière infranchissable chaque fois que celui-ci voudra sortir de la position du ramener. L'animal ne l'essaiera jamais sans douleur, et ce n'est qu'en dedans de cette limite qu'il trouvera aisance et bienêtre. L'application bien entendue de ma méthode amène ainsi le cavalier à conduire constamment son cheval avec les rênes demi-tendues, excepté lorsqu'il veut rectifier un faux mouvement ou en déterminer un nouveau.

Le pas, ai-je dit, doit précéder les autres allures, parce que le cheval ayant trois points d'appui sur le sol, son action est moins considérable que pour le trot ou le galop, et plus facile par conséquent à régler et à harmoniser. Les premiers exercices des assouplissements seront suivis de quelques tours de manége au pas, mais seulement comme délassement, le cavalier s'appliquant moins à rechercher son cheval qu'à maintenir sa tête, pendant la marche, dans la position du ramener. Peu à peu, il compliquera son travail de manière à joindre à la légèreté du cheval la justesse et la cadence indispensables au brillant de toutes les allures.

Il commencera alors de légères oppositions de mains et de jambes pour mettre en rapport les forces de l'avant et de l'arrière-main. Cet exercice, en habituant le cheval à livrer toujours l'emploi de ses

forces à la direction du cavalier, sera aussi utile pour former son intelligence que pour développer ses ressorts. Que de jouissances l'écuyer, s'il est habile, n'éprouvera-t-il pas dans l'application progressive de son art! Son élève, rebelle d'abord, se pliera insensiblement à toutes ses volontés, s'imprégnera de son caractère, et finira par en devenir la personnification vivante. Prenez donc garde, cavalier! Si votre cheval est capricieux, violent, fantasque, nous serons en droit de dire que vous ne brillez pas vous-même par l'aménité du caractère et la justesse de vos procédés.

Pour que la cadence et la vitesse du pas se maintiennent égales et régulières, il est indispensable que les forces impulsives et modératrices, émanant du cavalier, soient elles-mêmes parfaitement harmonisées. Je suppose, par exemple, que le cavalier, pour porter son cheval en avant au pas et le maintenir léger à cette allure, doit dépenser une force égale à vingt kilogrammes, dont quinze pour l'impulsion et cinq pour le ramener. Si les jambes dépassent leur effet sans que les mains augmentent leleur dans les mêmes proportions, il est évident que le surcroît de force communiquée pourra se rejeter sur l'encolure, la contracter, et dès lors plus de légèreté. Si, au contraire, c'est la main qui agit avec trop de violence, ce ne pourra être qu'aux dépens de la force d'impulsion nécessaire à la marche; celleci, parcela même, setrouvera contrariée, ralentie,

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