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assez incompréhensible est un commis de bureau, encore moins fort en équitation qu'en style, et qui n'a jamais monté à cheval. Que signifie, en effet, cette découverte d'un système de dressage chez un écuyer, inséparable de sa méthode d'équitation? Est-ce que par hasard on aurait la prétention de vouloir dresser un cheval à l'aide de certains procédés, pour le monter et le conduire ensuite en employant des procédés contraires? Comment peut-on dire que la nouvelle méthode si simple, si clairement définie, serait au-dessus de l'intelligence des cavaliers, lorsque les expériences ont démontré que non-seulement le commun des soldats comprenaient promptement les nouveaux principes, mais qu'avec leur aide, ils obtenaient de leurs chevaux, en vingt ou trente jours, ce qui exigeait antérieurement six mois de travail ?

« Quant à cette assertion que l'emploi du nouveau système rend les chevaux trop fins, où donc la puisez-vous? Tous les rapports vous disent au contraire que cette méthode amène rapidement ces animaux à un calme, à une obéissance tels qu'ils supportent sans s'émouvoir et le choc des armes, et les détonations de la mousqueterie. On n'a jamais prétendu, d'ailleurs, qu'il fallût, dans tous les cas, pousser l'application des nouveaux principes jusqu'à leurs dernières conséquences et faire de chaque cheval d'escadron un cheval fini pour le manége. Vouloir faire de la haute école dans le rang serait évidemment absurde et dangereux; et c'est pour cela qu'on a fixé les différents degrés d'instruction auxquels devaient être poussés les chevaux de troupe et les chevaux d'officiers, chacun suivant les exigences du service qu'ils sont appelés à rendre. Voilà cependant les merveilleuses considérations sur lesquelles prétend s'appuyer le Comité supérieur, ou, pour mieux dire, M. le duc de Nemours, pour se mettre en opposition avec l'immense majorité des officiers de cavalerie !

« Résumons les faits:

<< Il surgit un nouveau système d'équitation appliquable à l'armée, et le ministre prend des mesures pour l'apprécier. Un lieutenant général très-capable (1), désigné le premier pour l'étudier, voit, interroge, pratique. Il approuve.

« Une commission compétente, chargée de faire une expérience sur un certain nombre de chevaux, suit attentivement cette épreuve, l'étudie, la discute. Elle approuve.

<< Vingt-six officiers-instructeurs sont appelés à Paris pour être initiés au nouveau système. Après six semaines d'expériences, ils l'approuvent.

« Quarante autres officiers-instructeurs, plus les états-majors de quatre régiments de dragons se livrent, à Lunéville, aux mêmes investigations. Ils approuvent.

<< Soixante-et-douze officiers, également instructeurs, travaillent pendant deux mois à Saumur avec le propagateur de la nouvelle méthode. Ils l'approuvent.

« Enfin, elle est appliquée dans les régiments, et, après deux ans d'essais, quatre-vingt-trois colonels ou capitaines, sur cent deux, approuvent.

« D'autre part, qui voyons-nous d'un avis contraire? Une vingtaine de colonels ou capitaines plus ou moins éclairés sur la question.

«Quatre officiers généraux, dans le Comité supérieur, dont trois n'ont pas étudié ce qu'ils condamnent, et dont le quatrième veut arrêter le progrès des sciences militaires au point où elles étaient il y a trente ans.

<< Puis, en dernier lieu, S. A. R. M. le duc de Nemours.

(1) Le général Oudinot.

« C'est cependant cette dernière opinion qui a prévalu dans le Comité de cavalerie, à la majorité d'une voix sur sept votants. Le public appréciera une pareille détermination.

<< Nous avons traité longuement cette question parce qu'elle touche, selon nous, à deux considérations de la plus haute importance: à l'intérêt général d'abord, puis à la justice, à la morale publique.

« L'intérêt général a été sacrifié à une influence qui devrait être sans autorité dans un gouvernement représentatif. Quant à la justice, on l'a méconnue à l'égard d'un homme qui, après avoir consacré sa vie à la recherche d'un progrès utile, avait démontré à tous les esprits impartiaux la réalité, l'efficacité de ses découvertes. S'il eût été placé dans une condition élévée, la renommée n'aurait pas eu assez de voix pour célébrer son mérite: mais son rang était obscur, et on l'a dédaigné. Ses envieux le croyant à terre ont voulu le présenter comme un imposteur: ils ont eu l'audace de dire et d'imprimer que son système, condamné déjà par tous les juges compétents, venait enfin d'être rejeté de l'armée comme absurde et mensonger. C'est pour cela que nous avons pris sa défense. Il ne sera pas dit que, dans un pays d'égalité, de libre discussion comme la France, le talent, quel qu'il soit, ne devra se produire que patroné par le crédit et la fortune, ou que l'envie pourra impunément chercher à l'étouffer.

« On a manqué aussi aux convenances, dont ne devrait jamais s'écarter une administration éclairée, en donnant à presque tous les officiers de cavalerie, et particulièrement à ceux que l'on avait consultés, un démenti blessant pour leur juste susceptibilité. >>

I.

NOUVEAUX MOYENS D'OBTENIR UNE BONNE POSITION DU CAVALIER (1).

La nature a ses lois, les principes leurs règles, et l'homme ses préjugés.

(Passe-Temps équestres.)

On trouvera sans doute étonnant que, dans les premières éditions promptement épuisées de cet ouvrage ayant pour objet l'éducation du cheval, je n'aie pas commencé par parler de la position du cavalier. En effet, cette partie si importante de l'équitation a toujours été la base des écrits classiques.

(1) Ces préceptes sont consacrés plus spécialement aux cavaliers militaires, mais avec quelques légères modifications, faciles à saisir, ils peuvent également s'appliquer à l'équitation civile.

Ce n'est pas sans motifs cependant que j'ai différé jusqu'à présent de traiter cette question. Si je n'avais rien eu de nouveau à dire, j'aurais pu, ainsi que cela se pratique, consulter les vieux auteurs, et à l'aide de quelques transpositions de phrases, de quelques changements de mots, lancer dans le monde équestre une inutilité de plus. Mais j'avais d'autres idées je voulais une refonte à neuf. Mon système pour arriver à donner une bonne position au cavalier étant aussi une innovation, j'ai craint que tant de choses nouvelles à la fois effrayassent les amateurs, mêmes les mieux intentionnés, et qu'elles donnassent prise à mes adversaires. On n'aurait pas manqué de proclamer que mes moyens d'influence sur le cheval étaient impraticables, ou qu'ils ne pouvaient être appliqués qu'avec le secours d'une position plus impraticable encore. Or, j'ai prouvé le contraire : d'après mon système, des chevaux ont été dressés par la troupe, quelle que fût la position des hommes à cheval. Pour donner plus de force à cette méthode, pour la rendre plus facilement compréhensible, j'ai dû l'isoler d'abord de tous autres accessoires, et garder le silence sur les nouveaux principes qui ont rapport à la position du cavalier. Je me réservais de ne mettre ces derniers au jour qu'après la réussite incontestable des essais officiels. Au moyen de ces principes, ajoutés à ceux que j'ai publiés sur l'art de dresser les chevaux, j'abrége également le travail de

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