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Les recherches de ce savant lui avaient fait connaître quatre espèces de monnoies, savoir 1° en or, les agnelets, les écus et les florins de Rhin, 2o en argent, les blancs. Il ignorait si toutes avaient été frappées par un ou par plusieurs seigneurs de Wesemael.

Un autre doute que Heylen ne put éclaircir, fut celui du lieu précis de la fabrication de ces espèces. Il avait cru que certains barons du Brabant et, entre autres, ceux de Wesemael, y avaient joui du privilége de battre monnoie nonobstant un article très-formel de la constitution de cette province, qui s'y opposait et dont nous parlerons plus tard. Cependant il paraît qu'il conserva quelques doutes à cet égard, même pendant l'impression de son mémoire; car dans la table raisonnée des matières à la fin du volume, il s'exprime ainsi à l'article Wesemael: monnoies frappées à Wesemael, ou ailleurs, par les seigneurs de ce lieu.

M. Lelewel, dans son savant ouvrage sur la numismatique du moyen-âge, a, d'après Heylen, placé le village de Wesemael, parmi les endroits des Pays-Bas qui avaient anciennement un hôtel de monnoies (1). La présente notice prouvera que cette localité y figure à tort et nous aurons peut-être ailleurs l'occasion de démontrer que telle autre ville, telle autre seigneurie devrait également, pour différents motifs, être rayée de la liste dressée par M. Lelewel (2).

(1) Vol. II, 296.

(2) Il est évident, par exemple, que jamais on n'a frappé monnoie à Wastines, village du Brabant wallon. M. Lelewel assigne à cette localité les petites pièces représentées sous les Nos 35 et 36, pl. XX de son atlas. Elles portent B AST OU BATI. L'explication de ces lettres reste encore une véritable énigme pour nous, et si nous n'étions embarrassés par celles qui portent BATI, nous aurions aussi une conjecture à émettre. Nous prendrions les quatre lettres BA S T pour les initiales des quatre villes du Brabant, Bruxella, Antwerpia, Sylva-Ducis, Thenæ, qui auraient pu frapper une monnoie commune, tandis que Louvain, la capitale du duché, en frappait une pour elle seule. Ces lettres désignent peut-être un nom d'homme ?

Heylen (1) parait n'avoir jamais vu des monnoies du seigneur de Wesemael; par là il n'a pas été à même de nous donner des renseignements exacts ni sur le lieu, ni sur la date de leur fabrication. M. Lelewel lui-même (2) n'avait rencontré qu'une pièce de billon, qui apparemment était assez fruste, puisqu'il y avait lu moneta de kunrns. Plus heureux que ces auteurs, nous avons trouvé, lors de la vente du cabinet de feu M. le comte De Renesse, l'occasion de nous procurer à peu près toutes celles qu'il possédait, et par conséquent il nous est devenu possible de dire quelque chose de positif à leur égard.

Commençons par rechercher l'endroit où elles ont été fabriquées. Nous avons vu que l'opinion commune admettait que c'était à Wesemael.

Ce village situé à mi-chemin entre Louvain et Aerschot, était autrefois une des baronnies les plus célèbres du Brabant, parce que la dignité de maréchal héréditaire de ce duché s'y trouvait attachée. Cette seigneurie avait donné son nom à une famille qui figure dans notre histoire, dès l'année 1144, et qui, depuis lors, jusqu'à son extinction au XV° siècle, augmenta toujours en richesse et en puissance.

A l'aide des ouvrages de De Vaddere et de Butkens (3), nous aurions pu donner la liste à peu près complète des seigneurs de Wesemael; mais comme ce n'est pas en leur qualité de barons du Brabant, qu'ils exercèrent le droit de battre monnoie, et que d'ailleurs, il n'y a apparemment qu'un seul membre de cette famille qui ait joui de cette prérogative, cela devenait complètement inutile pour la question que nous traitons.

(1) Du moins avant la publication de son ouvrage.

(2) Voir les Notes supplémentaires, pag. 7, de ses Observations sur le type, au moyen-âge, de la monnoie des Pays-Bas.

(3) De Vaddere, Traité de l'origine des Ducs de Brabant, II. Butkens, Trophées du Brabant, II, 125 et 127.

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Malgré la haute importance de la terre de Wesemael et le rang élevé de ceux qui la possédaient, ce serait une erreur de croire que quelqu'un, autre que le duc ou les villes franches, en vertu de sa concession, ait jamais pu exercer, en Brabant, du moins depuis le XIII° siècle, le droit de battre monnoie. Là, comme au comté de Flandre, les souverains avaient su de bonne heure enlever la plupart des droits régaliens au petit nombre de leurs grands vassaux qui s'en trouvaient en possession (1). Plus tard, les villes franches obtinrent le privilége de faire fabriquer la monnoie dans leurs murs. Dès lors nous voyons, en Brabant, les villes tellement jalouses de cette prérogative, qu'elles firent stipuler au prince que jamais il n'aurait permis à qui que ce fut de frapper mounoie dans toute l'étendue du duché, si ce n'est dans les villes et cela sur leur avis. Cette disposition se trouve énoncée de la manière la plus expresse dans la charte solennelle accordée au Brabant, en 1313, à l'avènement de Jean III. L'article 2 de ce pacte est ainsi conçu: on ne frappera, ni fabriquera aucune monnoie, si ce n'est dans les villes franches, et cela après avoir pris l'avis desdittes villes, ainsi que celui du pays, etc. (2).

Heylen avait connu cette clause si remarquable, et elle l'avait embarrassé. Il l'explique, en disant qu'elle paraissait ne pas s'appliquer aux barons du Brabant. Cette interprétation est tout-à-fait inexacte, et le savant académicien avait sans doute hésité lui-même à la donner.

(1) Il en fut tout autrement dans certaines parties de Belgique, telles que le pays de Liége, le comté de Gueldre, etc., etc.

(2) Voici l'article en entier : Item, dat men noch slaen, noch maecken en sal, eenigh penninck in Brabandt, ten sy in vry steden, ende by rade van onse voorz. steden, ende ons landts, en desen penninck sal men werderen, ende houden in goeden poincten by rade des voorsz. steden, en des landts voorsz. Voir le traité dans Loovens, Praclyke van procedeeren, I, 32.

Depuis l'année 1313, la même défense fut souvent répétée, et il serait impossible de citer un seul seigneur qui jamais ait fait exception à la règle générale.

C'est donc hors du Brabant qu'il faut chercher une terre appartenant à la famille de Wesemael et à laquelle a été attaché le droit régalien qui nous occupe. Heureusement les monnoies que nous avons conservées, nous indiquent clairement le lieu de leur fabrication. Elles nous apprennent que c'est à Rummen, village de l'ancien pays de Liége.

Rummen, Rumigny, Ruminis, situé à trois quarts de lieue de S'-Trond et à une lieue et demie de Léau, faisait partie du comté de Loos, et formait anciennement une seigneurie qui comprenait une étendue de quatre lieues. Au dix-septième siècle, cette terre était encore connue sous le nom de ville et hauteur de Ruminis.

Le jurisconsulte Robyns, qui a publié le recueil des édits de ce comté (1), avait déjà fait la remarque que Rummen avait eu, au XV° siècle, un hôtel de monnoies. Un passage d'un recueil de priviléges de la ville de S1-Trond, lui avait appris cette particularité. Voici la traduction de cette citation curieuse: le lundi avant la chandeleur de l'année 1419, il a été arrêté entre les magistrats de la ville et ceux du pays que personne, soit homme ou femme, ne pourra introduire dans la ville ou la franchise la monnoie que l'on frappe actuellement à Maestricht, sous peine de deux réaux et en outre la confiscation des espèces ; la mème défense s'étend à la monnoie tant d'or que d'argent que l'on fabrique à Rummen; ceux qui l'introduiraient ou la mettraient en circulation dans la ville ou la franchise, encourront la même peine (2).

(1) Statuta Lossensia, p. 170, à la suite de Mantelii historia Lossensis libri decem.

(2) Op maendach voor onsser vrouwen licht-dach anno 1419, is verdragen met heeren ende staet dat niemant, wye hy sy, wyff oft

Voilà un témoignage bien formel en faveur de l'existence d'un hôtel de monnoies à Rummen, au XVe siècle, qui viendrait dissiper tous les doutes, si quelqu'un pouvait en conserver, après l'inspection des pièces gravées sur la planche qui accompagne cette notice.

Nous faisons observer ici en passant que les monnoies de Maestricht, dont il est également question dans le passage cité plus haut, sont celles frappées par les ducs de Brabant, dans la seigneurie de Vroenhoven, enclavée dans la ville prédite. Nous aurons apparemment l'occasion de nous en occuper plus tard (1).

Mais revenons à Rummen. Nous avons dit plus haut que cette terre était comprise dans l'ancien comté de Loos; cependant ce ne sont pas les comtes de Loos, comme l'a cru Robyns, mais des dynastes particuliers qui y avaient leur hôtel de monnoies.

Louis IV, comte de Loos, donna, en 1331, à Jeanne sa sœur, dame de Quaetbeeck, et à Arnoul fils de cette dernière la terre de Rummen (2). Cet Arnoul était fils de Guillaume d'Oreille ou de Hurle. C'est donc probablement à dater de cette époque que Rummen a dû avoir un hôtel de monnoies.

man, die moente oft gelt, dat men nu te Triecht sleet, in de stadt oft vryheyt bringen en sal, op die pene van twee realen ende 't gelt verloeren ende desgelycx van den gelde, gouwe en silvere dat men te Rummen sleet, en sal oeck niemant bieden, noch bringen in de stadt oft tryeheyt op die selve pene.

(1) Nous avons consigné dans le Messager des Arts, vol. VI p. 107, une erreur de M. Hermand, relativement à une monnoie de Maestricht. Cet article a été reproduit dans la Revue Numismatique, année 1838, p. 457. (2) L'acte de donation se trouve dans Mantelius. Il parait que déjà

à une époque antérieure à l'année 1331, Rummen avait des seigneurs particuliers. Dans un ancien manuscrit appartenant à M. De Roovere de Roosemersch, de Bruxelles, à qui je dois ces renseignements, il est dit que, Guillaume de Montferrand, seigneur d'Oreille, qui mourut sans postérité, releva la dime de Rummen, en 1313, et que cette seigneurie appartenait, en 1329, à Jean de Montferrand.

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