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Tableau par Memling.

HAUTEUR, 00m 25et; largeur, 00m 16ct.

Tous les tableaux de Memling ne sont pas connus comme ceux de Raphaël, qui sont annotés, comptés et même dénomés jusqu'au dernier : quand le hasard en fait encore découvrir, échappés qu'ils sont comme par merveille aux dégoûtantes et vindicatives saturnales de nos dissentions religieuses du seizième siècle, ils ne nous apparaissent presque toujours que ternis, endommagés et qui pis est, souvent alors on les confie à des mains inhabiles, qui donnent à Van Eyck, ce qui revient à Memling et les travestissent d'une manière méconnaissable. Toutefois M. Warnkœnig vient de nous faire parvenir un petit tableau de l'un ceux que l'on peut nommer, à juste titre, les chefs de toutes les écoles de peinture : à part son mérite d'exécution, il est d'une conservation parfaite.

Ce tableau n'était pas isolé, mais il faisait le pendant d'un autre de la même grandeur, qui représentait la SainteVierge, tandis que celui-ci nous offre Ste-Barbe. M. de Issel, de Fribourg, qui fut possesseur de ce tableau, pense qu'ils formaient les deux battants d'un petit autel. L'autre tableau était tout-à-fait gâté, soit par le temps, soit par la main inhabile de celui qui avait voulu le restaurer.

Ste-Barbe est en méditation, les mains jointes; son esprit s'est laissé entraîner à une profonde contemplation: les traits de sa figure sont empreints d'une austère gravité, et au mouvement de son manteau, on pourrait croire que primitivement elle était agenouillée.

Ce petit tableau porte tous les caractères du faire, du coloris, du dessin et de la manière de draper du maître : la tête et les mains sont traitées avec toute la candeur et la finesse si familières à Memling; les formes du nez et surtout de la bouche, sont de la pureté la plus exquise : la couleur des chairs est veloûtée, c'est le type du coloris de ce maître. La chevelure, d'une teinte dorée, tombe en tresses légères sur ses épaules. L'arrangement des plis, qui ne laissent point ignorer de grâcieux contours, n'accusent point cette raideur si souvent reprochée aux maîtres des premiers siècles de la peinture à l'huile : la draperie surtout qui couvre le bras droit est d'une grâce accomplie. La conservation de ce tableau est rare ; à peine y a-t-il à relever une marque presqu'imperceptible sur la lèvre supérieure, mais le temps a fait disparaître l'azur du manteau qui pousse maintenant au noir. Le fond du tableau est orné d'un riche site montueux, qu'anime un pâtre jouant de la cornemuse : le ton et le feuillé de ce paysage est identique avec ceux que nous connaissons de ce maître; le petit temple qui s'élève au troisième plan, semble une répétition de celui qui se voit sur le tableau de l'Apocalypse de Van Eyck, à l'église de S'-Bavon, à Gand. En somme, ce charmant tableau, tel qu'il est, ne déparerait point la plus belle galerie: maintenant il fait partie de la collection de M. Baer, conseiller à la cour d'appel à Fribourg. Avant lui, il appartenait à M. de Issel, de la même ville, qui l'avait acheté d'un ancien moine de l'abbaye de Salem (Salmansweiler), sécularisée en 1803, et dont les possessions forment aujourd'hui la propriété de S. A. le marcgrave, Guillaume de Bade, qui y réside en été. Cette abbaye possédait une riche collection de tableaux, et jusqu'à ce jour il en est resté quatre de l'école flamande du XVe siècle qui ornent les appartements du marcgrave.

LA

Confédération de Termonde,

OU

LE 4 OCTOBRE 1566.

D'inboorlingh is in zijne wiegh gehouden
En bakermat; hoe kan ik die voorby?
Al wort de melck der moeder niet vergouden
Van 't kint, dit streek ten allerminsten dy
Een klein bewijs van mijn genegentheden,
En groote zucht tot mijn geboorteplaets.
VONDELS Maeghden.

C'était en 1566: une lettre écrite à la gouvernante Marguerite, par d'Alava, ambassadeur d'Espagne à Paris, sous la date du 26 août 1566, ayant été interceptée, les intéressés purent s'assurer, par leurs propres yeux, qu'on engageait cette princesse à dissimuler avec le prince d'Orange, ainsi qu'avec les comtes d'Egmont et de Horne; le roi Philippe ayant pris la résolution de les punir en temps et lieu, et cela, d'après les termes mêmes de la missive qui a été imprimée, de manière à faire tinter les oreilles de la chrétienté, dût-il mettre en danger tout le reste de ses états.

On annonçait en même temps dans cette lettre, ou du moins le bruit courait, qu'ivre du désir de vengeance, le roi s'apprêtait à venir châtier la Flandre, et marcherait à la tête d'une armée formidable.

Dans ces circonstances périlleuses, le prince d'Orange

ne perdit pas courage; il chercha un lieu sûr, dévoué à sa cause, où son parti pourrait s'assembler. Aucune ville ne lui parut plus propre à cette fin que Termonde. Une convocation en ces murs fut donc arrêtée, pour y délibérer sur les mesures à prendre; on choisit, pour s'y réunir, la maison de Jean van Royen, que nous croyons avoir été capitaine de la garde bourgeoise à cette époque. Chose remarquable! c'était dans cette même maison où Philippe avait logé quelques années auparavant, que maintenant on allait se coaliser contre son fanatique despotisme!

Voilà qu'en effet le prince d'Orange, ainsi que les comtes Louis de Nassau, d'Egmont, de Horne et de Hoogstraten, chevaliers de la Toison d'or (1), volent à Termonde; ils étaient suivis de quelques autres seigneurs, indiqués sous le nom de partisans et conseillers d'Orange (2). Outre la lettre écrite par d'Alava, le prince d'Orange leur en communiqua une de l'infortuné Montigny, alors envoyé à Madrid, dans laquelle ce dernier leur faisait connaître la colère mal cachée de Philippe.

On balança trois partis dans cette assemblée : le premier tendait à quitter le pays; le second à demeurer sur les lieux, puisque les secours de leurs compatriotes ne leur manqueraient pas au besoin pour repousser la force par la force. Le troisième parti qu'on proposa, fut de se confier à la clémence et à la justice du roi, qui en tout cas, ne s'oublierait jamais au point de porter aux seigneurs des Pays-Bas, une haine telle qu'il oserait méconnaître ses devoirs envers eux; car, comme lui, ils étaient chevaliers de la Toison d'or, et ils avaient plusieurs fois, au

(1) Consultez à cet égard: Strada, de la Guerre de Flandre (Paris, 1765); t. 1, p. 384 et 415.

(2) Oranjes aenhangers en mederaedsheeren. Voyez Chronyke van Vlaenderen, door Blootacker en Vernimmen (Brugge, 1727); in-fol. D. III, bl. 308.

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