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autres. Et combien que toutes extorsions, forces, violences, griefs et exactions, nous avons patiament souffertes, cuidans par ce convaincre, il a enfin pleu à notre dit très-redoubté seigneur et prince, pour nous totalement détruire, faire publier ses mandemens de guerre, assembler son peuple... mettre garnison en plusieurs de ses villes en son dit pays de Flandres et clore les passages par eaue, par lesquels nous sont accoutumés estre ménés bleds et aultres vivres, et ainsi sommes en plaine guerre et nostre dit très-redoubté seigneur et prince, nous par lesdits malvaix gouverneurs et leurs adhérans, laquelle guerre jaçoit ce quelle nous est moult dure griefve et desplaisant, plus que quelconque aultres que pourviesmet avoir comme raison est. Car tous vrays naturelz sujets doivens sur toutes choses bien comprendre et doloir la rigueur et indignation de leur naturel prince, nous avons entention, par l'aide et grace de Dieu, soutenir, puisque par nécessité et les raisons dessus touchées, le nous convient faire à la conservation de notre dit souverain seigneur, estes gardien et conservateur au mieux que pour vous, et nous à ce appliquer de corps, chevance et de tout notre pouvoir, en vous suppliant, trèsexcellent, très-hault et puissant prince, notre très-cher sire et souverain seigneur en toute humilité, que de votre trèsnoble et benigne grace vous plaise en ceste matière signiffions, ainsy que naturellement tenus et obligez y sommes, et laquelle vous eussions despiecha signiffiée, se n'eussions épareigné de faire complainte de notre dit très-redoubté seigneur et prince, et espère qu'il se deust avoir ravist de nous conduire en justice et recevoir en sa grace remédier gardant votre haulteur et souveraineté, ainsi que à vous et votre trèsnoble conseil semblera pertinent et expédient, et nous par ce porteur sur ce signifier votre très-noble responsce, et icelui porteur brief expédier, veu que le cas requiert célérité, afin que nous sceu par icelle votre réponce ce qu'il vous en plaira faire, nous puissions conduire et ordonner selon que besoin nous sera. Au surplus, très-excellent, très-hault, très-puissant prince, nostre très-cher sire et souverain seigneur, vous rendrons très-humblement de la bonne, franche amour à nous remonstrée par ceux de votre cité de Tournay en editz par

que vous

eulx publiez à notre proufit, contenant défence que nul de votre dit cité, né du Tournesis, ne nous fasse griefs ni guerre en aulcune manière, pareillement de leurs très-amiables lettres depuis à nous envoyées, et se chose vous plaist nous commander, nous nous offrons prêts et appeiller de l'accomplir de bon loyal cuer à notre pouvoir, ainsy que vrays sujets doivent et sont tenus de faire. Ce le Saint-Esprit qui votre très-excellente, très-haute et très-noble personne ait en sa sainte garde, et vous doint bonne, victorieuse vie et longue, et accomplissement de tous vos bons et très-nobles désirs. Écript en la ville de Gand, le 24me jour du moys de may, l'an 52. Soussigné vos très-humbles et obéissans sujets les chevetaines, échevins des deux bans, deux doyens-conseillers et toute la communauté de la ville de Gand..

Nous avons voulu donner dans cet article la mesure du régime arbitraire d'un prince qui, étranger à nos mœurs, à notre esprit d'indépendance, à tout ce qui nous était cher, inspira aux Flamands une si juste et profonde aversion pour cette domination des ducs de Bourgogne, qui détruisit chez nous priviléges, libertés publiques et langage, qui faussa le caractère national, et nous rendit bâtards au milieu d'un pays où les populations avaient toujours conservé leur cachet d'originalité.

Les élections communales de Gand, de 1449 sont, pour ainsi dire, le premier acte de ce drame sanglant qui ne finit qu'à la mort d'Hugonet et d'Humbercourt, personnification véritable du régime du bon plaisir des ducs de Bourgogne.

PH. BLOMMAERT.

Notice biographique

SUR LE PEINTRE VERHAGHEN.

Une négligence, qu'on pourrait peut-être qualifier d'impardonnable, a fait oublier un peintre, dont notre patrie peut s'enorgueillir à juste titre; mais cela s'explique facilement Verhaghen florissait malheureusement à une époque où tout ce qui était national était reprouvé; et notre vieille École flamande, au coloris brillant et suave, fut oubliée pour la couleur pâle de l'école française de David; nos grâcieuses compositions durent alors céder le pas aux dessins roides et froids du protégé de l'Empereur. Tout ce qui n'était pas de David, tout ce qui n'était pas grec ou romain, paraissait à peine digne d'attention.

Verhaghen, dont le pinceau original et fécond, s'était acquis une réputation méritée sous le gouvernement autrichien, fut entièrement négligé après l'invasion française. Celui qui aurait admiré Verhaghen, lui, si partisan de l'École flamande, aurait été digne de figurer parmi les Pékins et les têtes gothiques; car son genre facile et léger ne pouvait imiter la raideur exigée par la mode, et son pinceau gothique rappelait trop notre vieille École. Verhaghen était tellement négligé, que sa mort même passa inaper

çue. Je tâcherai de relever la mémoire de cet artiste distingué; peut-être lui assignera-t-on une place honorable dans la galerie de nos peintres.

Pierre-Joseph Verhaghen naquit à Aerschot, le 19 mars 1728. Son père Guillaume, qui était receveur de cette ville, lui donna une éducation, assez soignée pour cette époque. Après avoir appris les premiers éléments de la langue latine, il quitta son école à l'âge de 12 ans, et s'adonna à la peinture par un hasard singulier. Un peintre, nommé Van den Kerkhoven, ayant été appelé à Aerschot pour y nettoyer les tableaux de l'église de Notre-Dame, remarqua le jeune Verhaghen, qui suivait constamment ses travaux avec une attention toute particulière. Après avoir examiné quelques-uns des dessins que Verhaghen avait exécutés sans guide ni conseil, Van den Kerkhoven crut qu'il pourrait en faire un excellent artiste, propre à nettoyer les tableaux. Il lui donna d'abord quelques dessins à copier, et se l'attacha ensuite comme élève ou plutôt comme apprenti. Verhaghen suivit son maître à l'hôpital d'Aerschot, où il nettoya quelques tableaux; de là il se rendit au couvent de Parc-les-Dames, ensuite à Thestel et à Everbode, pour y peindre une maison, appartenant à l'abbaye. Revenu à Aerschot, toujours en compagnie de son maître, il le quitta finalement, parce que les affaires de Van den Kerkhoven le conduisaient trop loin.

Les progrès de Verhaghen, firent songer ses parents à l'envoyer à l'Académie d'Anvers, alors dirigée par Beschey. Il s'y rendit effectivement le 21 octobre, 1741.

Après avoir quitté cette école, il se fixa à Louvain, où il épousa, le 28 janvier 1753, une demoiselle de cette ville, nommée Jeanne Hensmans, qui le rendit père de sept enfants, dont quatre garçons.

Travailleur infatigable, Verhaghen produisit une masse de tableaux, qui se distinguaient par un coloris particulier.

Sa réputation parvint enfin jusqu'au prince Charles de Lorraine, qui le décora du titre de son peintre ordinaire, le 13 mai 1771. Dès lors sa fortune parut assurée. L'impératrice Marie-Thérèse, qui savait si bien encourager et protéger les arts, résolut de le faire voyager aux frais du gouvernement.

Il partit donc pour l'Italie, avec son fils aîné, le 16 mai 1771; il visita la France, la Sardaigne, toute l'Italie et les pays soumis à la domination de l'impératrice. Verhaghen avait laissé de son voyage une description exacte et intéressante, rédigée par son fils; mais malheureusement elle est perdue. Tout ce que j'en connais m'a été communiqué par son petit-fils, M. Quirini, de Louvain, d'après les renseignements tirés des lettres que notre peintre écrivit à son épouse

Arrivé à Paris, il y vit les principaux artistes de cette capitale, entr'autres Pierre, premier peintre du roi; Well, son premier graveur, et Chocin, son premier dessinateur et architecte. Ces artistes l'engagèrent avec instance à peindre l'un ou l'autre sujet; mais Verhaghen s'y refusa, alléguant que l'impératrice ne l'avait pas fait voyager pour rester en France. Il se rendit donc directement à Lyon, et le 15 juin il écrivait à sa femme : « Qu'il avait vu sur la route de très beaux paysages; qu'il n'en avait jamais rencontré de semblables, ni sur les tableaux, sur les estampes; qu'il avait trouvé dans la voiture un monsieur du Canada, resté sauvage jusqu'à l'âge de quatorze ans, et devenu maintenant l'homme le plus poli du monde. » Il se vantait surtout des politesses et des prévenances dont il avait été l'objet pendant toute la

route.

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ni

Ayant quitté Lyon le 18 juin, il commença deux jours après, à parcourir les Alpes, dont il donne une description simple et naïve. Enfin, il arriva à Rome le 1er août et y reçut

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