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ques-uns en grec on y remarque la belle Bible d'Arias Montanus, qui sortait des célèbres presses de Plantin et qui avait été donnée à la bibliothèque par le magistrat d'Anvers. Il est assez remarquable qu'on n'y trouve aucun livre moderne, soit flamand, soit français : les savants en us de cette époque ont sans doute craint de déroger à leur dignité, en introduisant dans ce sanctuaire de la science, les langues vulgaires, qui, dans d'autres pays, avaient cependant déjà fait des progrès notables et produit des ouvrages pour lesquels on abandonne aujourd'hui les Grecs et les Romains.

Le Mire divise son catalogue méthodique en quatre sections principales; car nous ne parlerons pas de ses subdivisions. Ce sont :

La théologie.

La jurisprudence.
La médecine.

L'histoire.

Cette dernière partie est la plus riche: après elle vient la théologie; quant à la jurisprudence, elle ne compte que quatre ouvrages; la médecine n'en a pas d'avantage.

Cette bibliothèque paraît avoir été fondée plutôt par la générosité des habitants de la ville que par la munificence de l'administration communale, qui ne figure dans les dons que pour la bible d'Arias Montanus, dont il a déjà été fait mention. Aubert Le Mire, qui en fut le donateur le plus généreux, a eu soin d'ajouter après chaque ouvrage le nom de celui qui en avait enrichi la bibliothèque naissante. Si tous les conservateurs de dépôts publics avaient cette attention, leurs collections, il n'y a pas de doute, s'accroîtraient plus rapidement : car s'il est des hommes qui aiment à cacher leurs bienfaits, combien ne s'en rencontre-t-il pas d'autres qui sont flattés de voir leur générosité mise au grand jour. Cette remarque, au reste, trouve

plus rarement son application chez nous que chez d'autres peuples plus méridionaux.

Parmi les autres bienfaiteurs de la bibliothèque d'An

vers,

dont Le Mire nous a conservé le nom, tels que Laurent Beyerlynck, chanoine de la cathédrale de Notre Dame, le doyen Jean Del Rio, Jean Gevaert, chanoine et official, le chevalier Antoine Berchem, le bourgmestre Nic. Roccoxe, l'ami de Rubens; Jacques Marchant, l'auteur de la Description de la Flandre; Jean Hovius; Jean Brant, secrétaire de la ville; Emanuel Ximènes, chevalier de l'ordre de Saint-Etienne; Jean Happaert, trésorier de la ville; Louis Nonius, Antoniotti Sivori, consul de Gènes à Anvers, etc., on remarque surtout François De Sweert ou Sweertius, qui devait lui-même posséder une grande bibliothèque, si l'on en juge par les précautions qu'il impose à ceux qui la visitent, comme l'indique l'inscription qu'il y avait fait placer (1). Cette inscription, écrite en latin du temps d'Ennius, comme si celui du siècle d'Auguste était à dédaigner, accuse le mauvais goût de l'auteur, Prosper Stellart, moine de l'ordre de Saint-Augustin. Nous n'en citerons qu'une partie :

Quisquis es

Hanc legem lege,

Herus et hæres edico tibi :

Musarum Apollinisque sacer hic locus,
Mullis clausus, paucis reclusus;

Si cum paucis vivis, sapis.
Adesto, inesto.

Quoscumque libros, qualeisvecunque

Spectabis inibi, libere

Tangito, legilo.

(1) Swertius, Athena Belgicæ, p. 55, et M. De Reiffenberg, Archives

de Philologie, tome I.

Impressi nei perturbantor:
MSS.nei tanguntor;

Adtentare secus

Capital esto.

Visi, lective, electi, placitive
Nei rogantor, nei efferantor,
Importunus si sies
Exesto, abito.

Lors de la destruction des couvents, à la fin du XVIIIe siècle, elle fut considérablement augmentée par les bibliothèques de ces établissements : jusqu'à cette époque, elle ne s'était accrue que par des présents, parmi lesquels ceux de Plantin et de ses successeurs occupent la première partie. En 1803, quelque temps après l'abandon qui en fut fait par le gouvernement français, la bibliothèque centrale, composée en grande partie des dépouilles des couvents, fut transférée à l'hôtel-de-ville, et augmenta encore l'ancienne collection qui fut ouverte au public le 1er frimaire an XIV (21 novembre 1805). Dès lors, la ville alloua de temps en temps de petites sommes pour les acquisitions: ensuite le crédit alloué devint régulier, et jusqu'en 1836 fut porté à 1200 francs par an. Celui de 1837 fut de 2000 francs, et en 1838 il fut de 3600 francs. Tous les hommes instruits espèrent que le conseil communal sentira la nécessité de maintenir au moins ce dernier crédit, afin de mettre la bibliothèque d'Anvers à méme de satisfaire aux besoins du public, surtout sous le rapport des beaux-arts, des voyages, du commerce et de l'histoire, et de la littérature des Pays-Bas.

y

Ce dépôt littéraire possède beaucoup d'ouvrages de théologie: cependant comme les acquisitions ont toujours été faites pour la faculté d'histoire, cette partie est maintenant la plus riche et forme en général le tiers de la collection.

La bibliothèque d'Anvers compte actuellement 14,000

volumes imprimés, et seulement 26 manuscrits. Si les renseignements que nous avons recueillis ne sont pas erronés, elle ne possédait plus en 1809 que 1500 volumes, ce qui ferait croire qu'elle avait éprouvé de grandes pertes: en 1826, ce nombre s'était déjà élevé à 6000.

L'école flamande, dont l'Académie d'Anvers est la pépinière, brille en ce moment d'un nouvel éclat. Les magistrats de cette ville qui, à diverses époques ont accordé de si nobles encouragements aux artistes et aux hommes de lettres, rendraient, nous en sommes certains, un immense service aux peintres de cette école et à leurs nombreux élèves, en leur fournissant, pour leurs études historiques et de costumes, des ressources bibliographiques que ceux-ci cherchent envain dans le dépôt d'Anvers et qu'ils ne trouvent parfois qu'à Bruxelles ou à Gand.

M. Mertens, conservateur actuel de cette Bibliothèque, en a rédigé avec soin un bon catalogue qui facilite les recherches et empêchera le retour des dilapidations que cet établissement a éprouvées autrefois et sans lesquelles il devrait compter 25 à 30,000 volumes, comme plusieurs autres villes, même de second ordre dans notre pays. Car par sa population la ville d'Anvers occupe le troisième rang en Belgique, tandis que par sa bibliothèque elle tient à peine le sixième rang.

A. VOISIN.

Le Fils bourreau de son père.

Discite justitiam moniti, et non temnere Divos.

Jusqu'à ce jour la Belgique a dû regretter de ne posséder aucun recueil des récits populaires, qui se sont conservés par la tradition, ou qui se trouvent consignés dans divers écrits. Ces récits auxquels les Allemands donnent le nom de sagen (1), pour les distinguer des légendes, reposent assez généralement sur des fictions merveilleuses; souvent elles peignent avec des traits fort caractéristiques l'époque à laquelle on les rapporte : elles sont de l'histoire pour le peuple; espérons que le moment n'est pas loin où une main habile les réunira en faisceau; espérons que sous ce rapport la Belgique n'aura plus à envier un Grimm à nos savants voisins, les Allemands.

En attendant, voici le fruit de nos recherches au sujet d'une saga nationale, d'autant plus remarquable qu'elle a donnée naisssance à des monuments d'art, dont un encore nous est resté.

Voici comment quelques-uns racontent la chose. En 1371, deux gentilshommes de la Flandre s'étaient révoltés contre leur prince, Louis de Male. Ils furent condamnés à mort; mais le prince promit la vie à celui des deux qui pourrait

(1) En flamand sage, zage (zegging) signifie récit populaire, traditionnel.

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