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qu'il y ait des sièges dans toutes les salles où des femmes sont appelées à travailler dans le cours de la journée (Circ. min. du 16 janv. 1902, Bulletin de l'office du travail, 1902, p. 39).

Les chefs d'établissements sont tenus de faire afficher, à des endroits apparents, les dispositions de la loi ainsi que les noms et les adresses des inspecteurs et inspectrices de la circonscription. Une amende de 5 à 15 francs, prononcée par le tribunal de simple police, sanctionne les infractions à la présente loi, et l'amende est prononcée autant de fois qu'il y a de contraventions. Les chefs d'établissements sont responsables des condamnations prononcées contre les gérants. En cas de récidive, lorsque le contrevenant a été déjà condamné, pour un fait identique, dans les 12 mois antérieurs au fait nouveau, l'amende prononcée par le tribunal correctionnel est de 16 à 100 francs (art. 4-5). L'article 463 est, dans ce dernier cas, applicable, sans que l'amende puisse, pour chaque contravention, être inférieure à 5 francs. L'affichage du jugement et l'insertion dans les journaux, peuvent également, en cas de récidive, être ordonnés par le tribunal (art. 6). Ceux qui mettent obstacle aux devoirs de l'inspecteur sont passibles d'une amende de 100 à 500 francs. et, en cas de récidive, de 500 à 1.000 francs; l'article 463 du Code pénal est, dans ce cas, applicable.

Le conseil supérieur du travail a demandé l'assimilation des employés, dans les établissements commerciaux, et des ouvriers des petites industries de l'alimentation, aux ouvriers des établissements industriels proprement dits, en ce qui concerne l'application des lois protectrices des personnes, de l'hygiène et de la sécurité (loi des 9-14 septembre 1848 (adultes), 2 novembre 1892 et 30 mars 1900 (enfants et femmes), 12 juin 1893 (hygiène et sécurité). Un projet de loi, modifiant en ce sens la loi du 12 juin 1893, a été déposé sur le bureau de la Chambre, par le ministre du Commerce; il a été voté par la Chambre le 6 février 1902.

Travail des adultes. Travail dans les mines. Quant à la durée du travail des adultes, nous avons vu comment la loi du 30 mars 1900 l'a réduite dans les établissements mixtes. Elle est toujours, en principe, de douze heures dans les usines et manufactures (décret-loi des 9-14 septembre 1848). C'est surtout pour les ouvriers des mines qu'on demande la réduction du travail à 8 heures par jour. Un projet dans ce sens a été déposé et soumis à la discussion devant la Chambre. Le 5 février 1902, elle a voté le texte proposé par la commission et le Gouvernement; je reproduis les termes de l'article 1er. « Six mois après la promulgation de la présente loi, la journée des ouvriers employés dans les travaux souterrains des mines de combustibles ne pourra excéder une durée de neuf heures, calculée depuis l'entrée dans le puits des derniers ouvriers descendant jusqu'à l'arrivée au jour des premiers ouAu bout de deux ans de la date précitée, la durée

vriers remontant.

de cette journée sera réduite à huit heures et demie, et au bout d'une nouvelle période de deux années, à huit heures. Dans les exploitations, où la journée normale, actuellement déterminée conformément aux dispositions du § 1er, est comprise entre neuf et huit heures, sa durée ne pourra être élevée. » Les autres articles s'occupent du repos, des dérogations apportées à la règle de l'article 1er et des sanctions.

Tribunaux industriels.

Conseils du travail. Conciliation et arbitrage.

A. Réforme des conseils de prud'hommes. - Projets. — Les textes, dont l'ensemble constitue la législation prud'homale, sont épars et compliqués, en même temps qu'insuffisants. Les conseils de prud'hommes ont été frappés d'un certain discrédit, et on les a nommés « des tribunaux de hasard », à raison de l'application inexacte et variable des lois ouvrières et de l'inégale composition des bureaux de jugement 1.

Plusieurs projets ont été déposés devant les Chambres, en vue de relever leur influence et la confiance qu'ils doivent inspirer, pour remplir leur rôle de conciliation et d'apaisement. Le conseil supérieur du travail a consacré sa session de juin 1900 à l'étude de cette question et s'est arrêté à des décisions qui n'ont pas été sans influence sur le vote du projet, admis par la Chambre dans ses séances des 11, 12 et 14 février

1901.

Les dispositions principales votées par la Chambre se réfèrent à l'extension de la juridiction prud'homale qui comprendrait de nouveaux justiciables, parmi lesquels les employés du commerce et de l'industrie; à l'électorat et à l'éligibilité des femmes ; à la fixation du taux en dernier ressort à 500 francs; à la délation de l'appel aux tribunaux civils au lieu des tribunaux de commerce. Le Sénat, qui avait adopté précédemment un projet sur la réforme des conseils de prud'hommes, n'admettait pas l'éligibilité des femmes et avait admis l'égalité du nombre des patrons et des ouvriers dans le bureau dejugement (deux patrons, deux ouvriers); la présidence était déférée au juge de paix en cas de partage. La Chambre a rejeté toute intervention du juge de paix et a maintenu l'ancienne pratique, qui remet la justice, tantôt entre les mains des patrons, tantôt entre les mains des ouvriers, suivant que le président est patron ou ouvrier. Il est à croire et il faut espérer que le Sénat n'acceptera pas le projet, tel qu'il a été voté par la Chambre, dans l'intérêt de la bonne administration de la justice.

1 Lettre adressée au Sénat par MM. Benoit-Germain, Paul Herz et Nouvion-Jacquet, présidents des conseils de prud'hommes de Nîmes, du Mans et de Reims.

2 Consultez Rev. pratique de dr. ind., 1900, p. 185, 323; 1901, p. 55, 90, 114, Questions pratiques de législ. ouvrière, 1900, p. 19, 238; 1901, p. 88, 135,

157.

B. Les conseils du travail. — a) Décret du 17 novembre 1900. — Un décret du 17 novembre 1900 décide que des conseils du travail seront institués, par arrêté du ministère du Commerce et de l'Industrie, dans toute région industrielle où l'utilité en sera constatée.

Ces conseils, composés pour moitié de représentants élus par les patrons et de représentants élus par les ouvriers, ont pour mission de donner leur avis sur les questions du travail, de collaborer aux enquêtes réclamées par le Conseil supérieur du travail et ordonnées par le ministre du Commerce, d'établir dans chaque région un tableau constatant le taux normal et courant des salaires et la durée normale de la journée de travail, dont parlent les décrets du 10 août 1899, à l'occasion des marchés passés au nom de l'État, des départements et des communes, de rechercher et de signaler aux pouvoirs publics les moyens de remédier au chômage des ouvriers de la région, de fournir, en cas de conflit collec tif, des médiateurs compétents, de signaler aux pouvoirs publics les effets produits par la législation protectrice du travail (art. 1, 11).

b) Décret du 2 janvier 1901. Le décret de 1900 s'occupe de la composition de ces conseils élus par les syndicats professionnels. Il donnait un droit égal à des sections syndicales, dont l'expression empruntée à la terminologie anglaise des trades unions ne correspondait pas en France à une idée précise; de plus chaque syndicat ou section ne disposait que d'une voix. Un décret du 2 janvier 1901 a substitué aux mots «< syndicats et sections syndicales », le terme plus général d'associations professionnelles et a donné à ces associations un nombre de voix proportionnel au nombre de leurs adhérents : une voix par deux membres pour les syndicats patronaux, une voix par vingt-cinq membres pour les syndicats. ouvriers (art. 5, 7 modifiés par le décret du 2 janvier 1901)1. Il sera difficile de contrôler le nombre de membres de chaque syndicat et l'on peut craindre des fraudes qu'il sera difficile de déjouer. Les décrets n'ont pas prévu le cas des syndicats mixtes; on pourra, en l'absence de dispositions précises, les considérer comme des syndicats juxtaposés, l'un de patrons, l'autre d'ouvriers.

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c) Circulaire ministérielle du 25 février 1901. Cette circulaire du ministre du Commerce donne aux préfets des indications sur l'application des décrets, dont je viens d'indiquer l'économie générale. Je détache de cette circulaire les passages suivants concernant le rôle d'arbitres que peuvent remplir les conseils du travail. « Ces conseils pourront, dès maintenant, faire fonctions d'arbitres pour l'application de la loi du 27 décembre 1892... Par contre, la procédure instituée par la loi de 1892

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1 Consultez Rev. pratique de dr. ind., 1900, p. 282, 291; 1901, p. 21, 81, 161, 238. Questions pratiques de législ. ouvr., 1900, p. 330, 395; 1901, p. 58, 196, 201, 326. Martin Saint-Léon, Les conseils du travail français et les conseils de l'industrie et du travail belges, Musée social, septembre 1901, p. 331 et suiv.

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ne laisse aucune place à l'intervention des conseils du travail dans la formation des comités de conciliation. Mais, en cas d'échec de ces comités, je ne doute pas que l'autorité des membres du conseil du travail ne leur permette fréquemment d'offrir leurs bons offices pour aider, sous la forme qui leur paraîtra la plus efficace, à la solution du conflit. » d) Protestations contre les décrets relatifs à la création des conseils du travail. Des conseils du travail ont été institués à Paris, à Lille, Lens, Lyon et Marseille par des arrêtés du 17 octobre 1900; le préfet de la Seine fixait au 19 septembre 1901 la date des élections pour les cinq conseils créés à Paris.

Plusieurs sénateurs avaient, dès le 29 mars 1901, déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi portant création de conseils du travail. Ils contestaient, dans leur exposé des motifs, le droit du ministre d'organiser ces conseils par simples décrets. Le 18 juin suivant, le Sénat prenait en considération la proposition qui lui était soumise.

D'autre part, à la veille des élections dont je viens d'indiquer la date, M. Bérenger, sénateur, protestait contre la mise à exécution des décrets dont il contestait la légalité, et plusieurs présidents et un grand nombre de représentants des chambres syndicales patronales s'associaient à cette protestation en déclarant s'abstenir de prendre part aux élections. Les principaux griefs articulés contre les décrets du 17 septembre 1900 sont les suivants :

Au point de vue de l'organisation, incapacité dont sont frappés les non syndiqués, patrons ou ouvriers.

Au point de vue des attributions, celles qui concernent le droit d'émettre des avis sur les questions du travail sont déjà dévolues aux chambres de commerce, aux chambres consultatives des arts et manufactures, aux chambres syndicales.

Celles qui concernent l'appréciation des conflits sont réglées en vertu des lois sur les conseils de prud'hommes, sur l'arbitrage entre patrons et ouvriers.

En outre, le droit reconnu à ces nouveaux conseils de fixer le taux des salaires normaux, visés par les décrets du 10 août 1899, relatifs aux marchés passés au nom de l'État, des départements et des communes, est contraire au texte de ces décrets (règlements d'administration publique, le Conseil d'État entendu) qui, à défaut d'accord entre syndicats patronaux et ouvriers, enjoignent à l'administration de provoquer l'avis de commissions mixtes nommées et convoquées à cet effet.

On a fait, toutefois, remarquer qu'aucune disposition du décret du 17 novembre 1900 n'empiète sur les attributions des conseils de prud'hommes et que, si les conseils du travail peuvent accepter les fonctions d'arbitres à la demande des parties, ils n'interviennent aucunement dans la formation des comités de conciliation. Et quant à la fixation du taux des salaires courants, l'administration pourra utiliser les tableaux

dressés par les conseils du travail, comme elle pourra s'adresser aux commissions mixtes visées par les décrets du 10 août 1899.

Sur 462 syndicats patronaux 92 ont voté; sur 477 syndicats ouvriers 92 ont voté.

e) Projet de loi sur le règlement amiable des différends relatifs aux conditions du travail, déposé le 15 novembre 1900, par le président du Conseil et par le ministre du Commerce.

Ce projet n'a en vue que les conflits collectifs qui peuvent s'élever, dans la grande industrie, dans les établissements employant au moins cinquante ouvriers, entre un chef d'industrie et son personnel. La loi du 27 décembre 1892 s'appliquerait seule aux conflits qui pourraient surgir dans des établissements de moindre importance ou qui s'étendraient, en sens inverse, à tout un ensemble d'établissements similaires.

L'économie générale du projet se résume dans les mesures suivantes1: 1° Tout chef d'industrie, employant cinquante ouvriers au moins, doit, au moment où il conclut le contrat de travail, déclarer s'il entend ou non se soumettre à l'arbitrage organisé par la loi en cas de conflit existant entre son personnel et lui: c'est désormais la loi contractuelle qui oblige les parties à se soumettre à l'arbitrage.

2o Pour régler les conflits qui peuvent surgir, il sera institué un conseil d'usine composé des représentants des patrons et des ouvriers, et dans lequel se discutent les questions de nature à entraîner un différend. Si le conseil ne peut empêcher le conflit, les parties doivent désigner des arbitres, et si le patron s'y refusait, les ouvriers auraient le droit de décréter la grève à la majorité; cette grève s'imposerait pendant un délai de sept jours. La section compétente du conseil du travail de la circonscription se réunit alors d'office et, pendant six mois, la sentence rendue par les arbitres ou l'arbitre départiteur choisi d'un commun accord, ou par la section du conseil du travail, a un caractère obligatoire. Ceux qui ont accepté l'engagement, au moment du contrat du travail, et qui s'y dérobent par la suite, encourent des déchéances civiques.

Ce projet, qu'on a désigné parfois sous le nom de projet d'arbitrage et de grève obligatoires, a été soumis à beaucoup de chambres de commerce, de syndicats patronaux et ouvriers.

1 Ch., Doc. parlem., J. officiel, no 1937, p. 58.

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