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Ces syndicats doivent, pour se constituer, comprendre au moins 5.000 ouvriers assurés et 10 chefs d'entreprise adhérents, dont 5 ayant au moins chacun 300 ouvriers (art. 22).

Des statuts approuvés par le Gouvernement, dans les conditions prévues par l'article 23, règlent leur fonctionnement. Le décret d'approbation détermine les moyens de surveillance et de contrôle, les conditions dans lesquelles l'approbation peut être révoquée et les mesures à prendre alors pour le versement des capitaux constitutifs des pensions et indemnités (art. 24). Les contributions pour frais de surveillance sont fixées d'après le montant du cautionnement auquel serait astreinte une société d'assurance pour le même chiffre de salaires assurés (art. 25).

E. Formalités à remplir en cas d'accidents. On peut poser, comme règle générale, que les conditions de forme, édictées par la loi de 1898, sont impératives comme celles qui touchent au fond du droit. Une demande en indemnité serait irrecevable si l'ouvrier protégé n'avait pas suivi les règles de procédure que nous allons indiquer. Dans les 48 heures après un accident, le chef d'entreprise ou l'un de ses préposés doit en faire la déclaration au maire de la commune où s'est produit l'accident. Cette déclaration contient les noms et adresses des témoins de l'accident; on y joint un certificat de médecin indiquant l'état de la victime, les suites probables de l'accident, l'époque à laquelle il sera possible d'en connaître le résultat définitif. Le maire délivre au déclarant un récépissé de ces pièces, et informe de l'accident, suivant la nature des industries, l'inspecteur divisionnaire ou départemental du travail, ou l'ingénieur ordinaire des mines.

Lorsque le certificat médical prévoit la mort ou une incapacité permanente, le maire transmet immédiatement, au juge de paix du canton où l'accident s'est produit, une copie de la déclaration et le certificat médical (art. 11 et 12).

Le juge de paix ouvre alors, dans les 24 heures de la réception de cet avis, une enquête, dont le but est de recueillir les renseignements qui permettront d'apprécier la gravité de l'accident et de fixer les indemnités auxquelles il pourra donner lieu (art. 12). Les articles 35 à 38 du Code de procédure civile devront être suivis quant aux formes de l'enquête. Le juge de paix doit, d'ailleurs, se transporter près de la victime. lorsque celle-ci ne peut venir assister à l'enquête.

Le juge de paix a le droit de faire examiner de nouveau le blessé par un médecin qu'il choisit et de désigner un expert pour l'assister dans l'enquête. Cette expertise technique n'est pas autorisée: 1° pour les entreprises administrativement surveillées (mines, appareils à vapeur); 2o dans celles de l'État placées sous le contrôle d'un service distinct du service de gestion (chemins de fer de l'État); 3° dans les établis sements nationaux, où s'effectuent des travaux que la sécurité publique

oblige à tenir secrets (manufactures d'armes, poudreries, artillerie, etc.) (art. 15). Le juge de paix informe les parties, par lettre recommandée, de la clôture de l'enquête et du dépôt de la minute au greffe de la justice de paix. Pendant cinq jours, elles peuvent en prendre connaissance et en demander une expédition affranchie du timbre et de l'enregistrement. Après ce délai, le juge de paix transmet le dossier au président du tribunal civil de l'arrondissement.

Les chefs d'entreprises, qui omettent de faire la déclaration sommaire dans les termes de l'article 11, s'exposent aux sanctions pénales suivantes: amende de 1 à 15 francs, pouvant s'élever, en cas de récidive, de 16 à 300 francs. L'article 463, relatif aux circonstances atténuantes, s'applique à ces infractions (art. 14).

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F. Compétence et juridiction. a) La compétence appartient au juge de paix, lorsque les contestations sont relatives aux frais funéraires, aux frais de maladie ou aux indemnités temporaires (art. 15). Dérogeant aux règles générales de la compétence personnelle, la loi attribue la connaissance du procès au juge de paix du canton où l'accident s'est produit, et non à celui du domicile du défendeur. En outre, afin de hâter la solution, le juge statue en dernier ressort à quelque chiffre que la demande puisse s'élever; le pourvoi en cassation est seul possible pour excès de pouvoirs, dans les termes de la loi du 25 mai 1838 (Cass., ch. civ., 29 janv. 1901, Rev. de dr. ind., 1901, p. 132).

b) La compétence appartient au tribunal civil pour les difficultés relatives aux rentes dues en cas de mort ou d'incapacité permanente. Un parti nombreux dans la doctrine et dans le parlement aurait désiré une juridiction professionnelle, arbitrale, dont l'institution était de nature à résoudre les conflits que présentait le travail industriel. Mais pourquoi ne pas créer alors des tribunaux professionnels variant suivant la profession des justiciables? Les tribunaux ordinaires pourront s'éclairer, à l'aide d'experts, sur les questions techniques et leur impartialité sera plus certaine que celle de tribunaux industriels. La juridiction de droit commun fut donc maintenue.

c) Procédure en cas d'accidents ayant causé la mort ou une incapacité permanente. Nous avons déjà vu que le dossier de l'enquête est transmis au président du tribunal civil de l'arrondissement, lorsque les cinq jours, pendant lesquels les pièces sont déposées au greffe de la justice de paix, sont expirés.

Dans les cinq jours au plus tard après la réception de ce dossier, le président convoque la victime ou ses ayants droit, et le chef d'industrie qui peut se faire représenter. La loi a préféré confier ce rôle de conciliateur au président du tribunal, qui a été jusqu'ici en dehors de l'affaire, n'a pas dirigé l'enquête et peut avoir plus d'influence sur les parties intéressées.

S'il peut arriver à concilier les parties, une ordonnance constate l'accord et fixe définitivement le montant de l'indemnité.

S'il n'y a pas eu conciliation, l'affaire est renvoyée au tribunal qui statue comme en matière sommaire (titre 24, livre 2, Code de proc. civ.).

Si l'affaire n'est pas suffisamment instruite, le tribunal surseoit à statuer, mais il peut condamner le chef d'entreprise à payer à la victime. une provision qui lui permettra d'attendre le jugement. Quant à l'indemnité temporaire, nous avons déjà vu qu'elle est maintenue tant que la blessure n'est pas consolidée. La pension obtenue remonte, en effet, même en cours d'instance, au jour où le travail peut être repris, en cas d'incapacité permanente partielle, ou au jour où l'on a pu constater l'incapacité permanente absolue (art. 16). Les tribunaux peuvent, suivant les circonstances, lorsqu'ils prescrivent une mesure d'instruction, accorder une provision qui ne se confond pas avec l'indemnité journalière à laquelle elle peut être ajoutée (Paris, 5 janvier 1901, Rev. de dr. ind., 1901, p. 139).

Une fois la déclaration d'accident faite par le patron, l'ouvrier ne saurait être rendu responsable de l'inaction des autorités chargées soit d'aviser le juge de paix, soit de procéder aux enquêtes, soit de provoquer la conciliation. Malgré l'absence de ces formalités, la demande sera toujours recevable (Cour d'Aix, février 1902).

Les jugements rendus en vertu de la présente loi, dit l'article 17, sont susceptibles d'appel selon les règles du droit commun; toutefois, l'appel devra être interjeté dans les quinze jours de la date du jugement, s'il est contradictoire et, s'il est par défaut, dans la quinzaine à partir du jour où l'opposition ne sera plus recevable. Elle ne l'est plus, dit l'article 17, 2e alinéa, en cas de jugement par défaut contre partie, lorsque le jugement a été signifié à personne, passé le délai de quinze jours à partir de cette signification. L'appel ne peut pas être interjeté dans les 8 jours du jugement (art. 449, C. proc. civ.). La cour statue d'urgence dans le mois de l'acte d'appel. Les parties peuvent se pourvoir en cassation.

L'assistance judiciaire est accordée de plein droit, sur le visa du procureur de la République, à la victime de l'accident, ou à ses ayants droit devant le tribunal. Ce bénéfice s'étend à toutes les instances devant le juge de paix, aux contestations incidentes, à l'exécution des décisions judiciaires, aux actes d'exécutions mobilières et immobilières (art. 22).

d) Prescription.

L'action en indemnité se prescrit par un an à dater du jour de l'accident. - Ce bref délai est la conséquence de la nature alimentaire de ces indemnités, de l'intérêt à ne pas retarder la connaissance des difficultés que peut faire naître un accident, dont les preuves disparaissent facilement. Cette prescription s'applique à l'action de l'ouvrier contre le patron, à raison du risque professionnel, mais non

aux actions que l'ouvrier peut avoir contre les tiers en vertu du droit

commun.

Elle n'est pas interrompue par le paiement de l'indemnité journalière du demi-salaire, qui n'implique pas, de la part du patron, la reconnaissance du droit à une rente viagère (Trib. civ. Lille, 7 mars 1901, Rev. de dr. ind., 1901, p. 244).

Cette prescription court contre les mineurs, aussi bien que contre les majeurs. La nature même de l'action, l'utilité de procéder sans retard à la constatation des accidents, de leurs causes comme de leurs conséquences, l'intérêt qu'il y a dans la prompte solution des difficultés naissant des accidents au point de vue de la paix sociale, et l'utilité pour les chefs d'industrie à ne pas être exposés trop longtemps à cette présomption de culpabilité, commandent cette solution. Les travaux préparatoires l'imposent; un amendement, dont le but était d'étendre à deux ans le délai de l'action en faveur des mineurs, a été repoussé. L'article 2252 du Code civil ne peut être un obstacle dans ce cas; les règles de la suspension s'effacent lorsque l'intérêt général et la nature de l'action l'exigent. Il y a, dans ce cas, plutôt un délai préfixe dont l'expiration entraîne une déchéance qu'une véritable prescription (arrêt de la cour d'Aix, 2 novembre 1901, Le Petit Marseillais du 10 décembre 1901).

G. Revision des indemnités. Pendant trois ans à dater de l'accord intervenu entre les parties ou de la décision définitive, il peut y avoir une demande en revision de l'indemnité fondée sur une aggravation ou une attenuation de l'infirmité de la victime ou sur son décès. Ce droit appartient à chacune des parties intéressées et le délai, pendant lequel on peut l'exercer, est suffisant et ne prolonge pas trop longtemps l'incertitude sur une situation durable et définitive. S'il y a aggravation, l'ouvrier demande l'augmentation de l'indemnité; s'il y a diminution, le chef d'entreprise demande une réduction dans le montant de la pension. Le titre de rente n'est remis à la victime qu'après l'expiration de ce délai de trois ans ; c'est une conséquence du principe de revision posé par l'article 19.

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Disposition générale. Les articles 29 à 33 de la loi s'occupent de la délivrance gratuite1, du visa pour timbre et de l'enregistrement gratis des actes faits en vue de l'exécution de la présente loi, du principe interdisant toute convention contraire aux dispositions qu'elle renferme, de l'affichage, du délai après lequel la loi doit devenir applicable. L'article 34 décide qu'un règlement d'administration publique déterminera les conditions dans lesquelles la présente loi pourra être appliquée à l'Algérie et aux colonies.

1 La gratuité ne peut être imposée qu'au Trésor; il ne faut donc pas l'étendre au médecin appelé à délivrer des certificats, pas plus qu'aux greffiers dont la loi prévoie les émoluments, qu'un décret du 5 mars 1899 a déterminés.

Institutions de prévoyance. Assurances sociales.

A. Assurances sociales. Retraites ouvrières. En étudiant la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail, nous avons vu que le législateur français n'a pas consacré le système de l'assurance obligatoire, le groupement des patrons en mutualités régionales et professionnelles en vue de la répartition des risques. Ce système admis, depuis déjà plusieurs années par l'Allemagne et l'Autriche, a été suivi par la Norvège, l'Italie et la Suisse.

Toutefois, d'après la loi du 21 avril 1898 qui a créé, au profit des marins français, une caisse de prévoyance contre les accidents de leur profession, tous les inscrits maritimes sont assurés d'une façon obligatoire depuis l'âge de dix ans. Cette assurance obligatoire a été considérée, d'après l'exposé des motifs, comme le seul moyen efficace de leur venir en aide. Cette caisse de prévoyance est annexée, tout en gardant son indépendance, à la Caisse des invalides de la marine, qui assure obligatoirement tous les inscrits maritimes contre le risque d'invalidité et de vieillesse. Cette dernière Caisse remonte au temps de Louis XIV.

Nous avons vu, au cours de notre étude de la loi sur les accidents du travail, que la Caisse de prévoyance créée au profit des marins français donne la pension viagère (demi-solde d'infirmité), aux inscrits maritimes atteints de maladies, comme à ceux qui sont atteints de blessures.

La loi du 29 juin 1894 consacre également le principe de l'assurance obligatoire contre les maladies, l'invalidité et la vieillesse au profit des ouvriers mineurs (voir p. 187). Mais il n'y a pas, en France, d'organisation générale de l'assurance obligatoire contre les maladies, comme en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Dans ces pays, il y a un ensemble d'organisation générale de l'assurance obligatoire qui a procuré aux ouvriers des avantages pécuniaires considérables, tout en donnant aux patrons une garantie pour supporter les conséquences des risques qui leur sont imposés.

De nombreuses propositions de loi ont été faites, en France, en faveur des retraites ouvrières. La Chambre des députés consacra plusieurs séances, pendant le mois de juin 1901, à l'examen du projet proposé par le Gouvernement. D'après ce projet, le principe de l'obligation était consacré.

A 65 ans, tout ouvrier a droit à une pension de vieillesse en proportion des versements effectués. Ces versements sont doublés par une cotisation égale du patron. Avant 65 ans, l'ouvrier atteint d'invalidité a droit à une pension minima de 50 francs, en justifiant d'un versement effectué pendant un certain nombre d'années. Pour les ouvriers, qui auront 65 ans au jour de la promulgation de la loi, il se partageront une somme qui sera inscrite au budget en leur faveur. Les ouvriers âgés de plus de 35 ans ou de moins de 65 ans, au jour de la promulgation de la

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