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de gérer les grandes entreprises n'ait aucune importance sociale. Le travail et le capital doivent s'unir, l'entrepreneur et l'ouvrier doivent s'entendre pour sauvegarder leurs intérêts communs; il n'y a pas en présence des adversaires, mais des collaborateurs ayant des droits « différemment semblables.

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A. Utilité et origine de l'apprentissage. La connaissance d'un métier ou d'une industrie exige une pratique, qu'on ne peut acquérir qu'avec le temps et sous la direction d'un maître habile dans son art. L'engagement, qui lie le patron à l'élève qui lui est confié, prend le nom de contrat d'apprentissage. Cette éducation technique est utile à l'individu qui peut donner, grâce aux connaissances acquises, une plus grande puissance à son travail et s'assurer pour l'avenir un salaire plus élevé. Elle intéresse l'industrie nationale qui se trouve menacée par la concurrence étrangère inondant nos marchés de produits perfectionnés. L'apprentissage et l'enseignement technique remontent au berceau même de l'humanité, et les premiers artisans transmettent à leurs enfants les procédés qu'ils ont découverts pour façonner une poterie, tisser une natte, pour fabriquer tous les objets résultant de l'industrie primitive. Au moyen âge, les corporations perpétuent les traditions et l'enseignement technique par un apprentissage sévèrement réglé. Le contrat. était passé devant notaire et enregistré au bureau de la communauté, et lorsque le temps d'apprentissage était fini, un brevet délivré à l'ouvrier certifiait « qu'il avait fait son temps fort assidûment et fidèlement et qu'il pouvait travailler où bon lui semblera3. »

1 Cauwès, Cours d'économie politique, 3o édition, deuxième partie, Économie industrielle et sociale, II, p. 358 à 432; III. Dufourmantelle, Code manuel de droit ind., 1, Législation ouvrière. Paul Pic, Tr. élémentaire de législation industrielle, 1re partie, Législ. du travail ind. Walbroek, Cours de dr. ind. Rendu, Traité pratique de dr. industriel.

2 Hayem et Perin, Tr. du contr. d'apprent. Constant, Code manuel de l'appr. Million, Le contr. d'appr.

3 Sageret, Almanachs et Annuaires des bâtiments. Chaptal, De l'industrie française, II, p. 302, 303.

Aucune loi ne vint, au début du XIXe siècle, s'occuper spécialement du contrat d'apprentissage. La loi du 22 germinal an XI, qui se réfère à plusieurs points du régime industriel, ne parle qu'incidemment des apprentis. A défaut de loi organique, la tradition maintint le contrat avec les règles générales des anciens statuts, mais sans limiter, comme autrefois, le nombre des apprentis et sans prolonger outre mesure la durée de l'apprentissage.

La loi, qui vint s'occuper spécialement de l'apprentissage, est due à l'Assemblée législative et porte la date du 22 février 1851.

B. Le contrat d'apprentissage. Loi du 22 février 1851. a) Nature et objet. On donne le nom de contrat d'apprentissage à la convention par laquelle un fabricant ou un ouvrier s'engage à enseigner la pratique de sa profession à une autre personne qui, en retour, s'oblige à travailler pour son patron, suivant certaines conditions et pendant un temps convenu (art. 1, 2). Le maître peut, d'ailleurs, être un ancien ouvrier, et la rémunération peut consister non seulement dans le travail de l'apprenti, mais encore dans un prix en argent que la famille de l'enfant donne au patron. L'objet de ce contrat synallagmatique est donc l'instruction professionnelle et technique de l'enfant, suivant les conditions laissées en général à l'initiative des parties contractantes.

b) Formation du contrat. 1° Formalités. Le contrat peut être rédigé par écrit, ou en un acte sous seing privé, passé en double original, ou en un acte authentique, devant un notaire, ou les secrétaires du conseil de prud'hommes, ou les greffiers de justice de paix (art. 2). Il est signé par le maître et les représentants de l'apprenti. L'acte écrit doit contenir les mentions suivantes : 1° les nom, prénoms, âge, profession et domicile du maître; 2° les nom, prénoms, âge et domicile de l'apprenti; 3o les nom, prénoms, profession et domicile de ses père et mère ou autres représentants; 4° la date et la durée du contrat; 5° les conditions de logement, de prix, de nourriture ou autres, arrêtées entre les parties (art. 3). L'absence de l'une des mentions indiquées n'entraînerait pas la nullité de l'acte, mais rendrait la preuve plus difficile.

La preuve testimoniale peut, en effet, être admise si le contrat est passé verbalement, mais dans les termes du droit commun, c'est-à-dire, si l'intérêt en cause est inférieur à 150 francs. Dans cette limite, de simples présomptions seraient admissibles; les circonstances de fait, les livres du maître pourraient servir de preuves du contrat.

20 Par qui peut être fait le contrat d'apprentissage? Deux personnes ont un intérêt engagé dans ce contrat, ce sont : 1° le maître, 2o l'apprenti.

Le maitre. Il contracte librement, en principe, s'il est majeur; la femme mariée, autorisée par son mari à faire le commerce, est dès

lors apte à recevoir des apprentis pour les besoins de son industrie. Le mineur émancipé, autorisé à se livrer au commerce, a un droit semblable, mais la loi impose au droit de recevoir des apprentis une limite qui rend illusoire la faculté qu'a le mineur émancipé de signer un contrat d'apprentissage. «< Nul ne peut recevoir des apprentis mineurs, s'il n'est âgé de vingt et un ans au moins. » Le législateur n'a pas voulu que l'éducation professionnelle et morale d'un enfant fût confiée à un mineur, qui ne présente pas encore assez de garanties et de responsabilité. Un patron mineur ne peut donc recevoir comme apprentis que des majeurs; or, ce ne sont pas ces derniers qui, d'habitude, demandent à faire un apprentissage.

Il est inutile d'ajouter que les interdits, les personnes placées dans une maison d'aliénés, tous les incapables de contracter, en un mot, ne peuvent signer une convention relative à l'apprentissage.

Mais l'article 6 de notre loi ajoute que les individus condamnés pour crime, pour attentat aux mœurs, ou pour certains délits entraînant plus de trois mois d'emprisonnement et prévus par les articles 388, 401, 405, 406, 407, 408, 423 du Code pénal ne peuvent recevoir aucun apprenti; on ne veut pas confier l'éducation d'un enfant à celui que la justice humaine a flétri. Le condamné peut avoir subi sa peine, expié sa faute, il pourra travailler, mais non recevoir des apprentis sous son toit que sa présence frappe encore de suspicion. L'indignité légale ne disparaîtra que sur une décision du préfet après avis du maire et lorsque le condamné, après l'expiration de sa peine, aura résidé pendant trois ans. dans la même commune (art. 6, 7).

Une disposition spéciale empêche qu'un maître, veuf ou célibataire, puisse loger, comme apprenties, des jeunes filles mineures (art. 5); mais rien ne lui défend d'en recevoir, à ce titre, pendant le jour, c'est ce qui avait amené certains membres de l'Assemblée législative à distinguer plaisamment la morale de jour et la morale de nuit.

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L'apprenti. La seconde partie intéressée dans le contrat d'apprentissage est l'apprenti. Mais, le plus souvent, il ne pourra s'engager par sa propre volonté; car il est rare qu'il soit majeur. Le mineur non émancipé ou émancipé doit être représenté par son père, son tuteur ou son curateur, par celui de ses père et mère qui l'a reconnu et qui en a eu la garde, s'il s'agit d'un enfant naturel.

Les pères ou tuteurs peuvent déléguer leurs pouvoirs aux sociétés de bienfaisance ou de sauvetage des enfants moralement abandonnés (art. 17, loi du 24 juillet 1889). Le juge de paix jouit d'un droit semblable, à défaut de parents et tuteurs ou de personnes chargées de les représenter, et sans qu'il ait besoin de réunir le conseil de famille. Le contrat d'apprentissage signé par toute autre personne serait nul à l'égard de l'apprenti, sans préjudice du recours que pourrait exercer le patron contre le tiers qui agirait sans mandat.

c) Obligations du maître et de l'apprenti. - Le maître doit, avant tout, enseigner à l'apprenti, progressivement et complètement l'art, le métier ou la profession spéciale qui fait l'objet du contrat, même ses secrets de fabrication, les procédés pour lesquels il a pris un brevet, suivant l'étendue de la convention expresse ou tacite; le prix stipulé pour l'apprentissage sera un élément d'appréciation dont les juges auront à tenir compte. Le maître ne peut employer l'apprenti, sauf conventions contraires, qu'aux travaux et services se rattachant à l'exercice du métier et, dans cette limite même, il ne peut jamais lui imposer des travaux insalubres ou au-dessus de ses forces (art. 12, 8).

L'enseignement technique ne lui est pas seul confié et, afin de bien marquer le rôle qui lui est momentanément dévolu à la place des père et mère, la loi dit que le maître doit se conduire envers l'apprenti en bon père de famille, surveiller sa conduite et ses mœurs, soit dans la maison, soit au dehors, et avertir ses parents ou ses représentants des fautes graves qu'il pourrait commettre ou des penchants vicieux qu'il pourrait manifester. Il doit aussi les prévenir, sans retard, en cas de maladie, d'absence, ou de tout autre fait de nature à motiver leur intervention. Le patron, bien qu'exerçant l'autorité du père, n'a pas cependant le droit de correction.

Le maître doit, en outre, se conformer à toutes les clauses que le contrat peut contenir relativement à la nourriture, au logement, à l'entretien et au salaire de l'apprenti. Ce salaire qui est donné souvent à l'apprenti, pour l'encourager au travail, sera privilégié comme l'est celui des gens de service (pour trois mois de salaires, en cas de faillite du maître, art. 549, C. comm.); il sera insaisissable, dans la même limite que celle qu'on accorde à l'ouvrier; et l'action en paiement se prescrira par six mois.

Quant à l'apprenti, il doit au maître, fidélité, obéissan ce et respect, et doit l'aider, par son travail, dans la mesure de son aptitude et de ses forces. Ce travail est souvent, à défaut d'un prix en argent, la rémunération due au maître en échange de l'enseignement professionnel qu'il donne, et l'apprenti doit remplacer, à la fin de l'apprentissage, le temps qu'il n'a pu employer par suite de maladie et d'absence ayant duré plus de quinze jours (art. 11).

Le prix en argent peut être réclamé pendant un an après l'expiration du contrat d'apprentissage (art. 2272, C. civ.). Le patron n'a droit à aucune indemnité en cas de malfaçon ou de détérioration d'outils et de marchandises. Dans le cas où il serait condamné civilement à raison d'un délit ou quasi-délit commis par l'apprenti, il aurait bien contre ce dernier une action en recours, mais il ne pourrait agir contre les parents de l'enfant, dont il a la garde en vertu du contrat.

d) Fixation du temps consacré au travail. L'article 9 de la loi de 1851 fixait un maximum d'heures que le travail ne pouvait dépasser chaque

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