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font, à cet effet, un règlement de fabrique, approuvé par la corporation et l'administration supérieure.

Les inspecteurs du travail sont chargés de veiller à l'observation de ces règlements et, sur leur rapport, les autorités de police peuvent ordonner la fermeture des établissements qui violent les prescriptions légales, sauf appel devant les tribunaux administratifs. Les pénalités peuvent consister en une amende de 20 marks et même d'un emprisonnement qui ne peut excéder trois jours.

En Angleterre, la loi du 27 mai 1888 prescrit toutes les mesures concernant l'hygiène et la sécurité et en confie la surveillance aux inspecteurs de fabriques, dont la création date de 1833.

L'Autriche (lois du 17 juin 1883 sur l'inspection des fabriques, et du 8 mars 1885 sur la police des ateliers), le Danemark (loi du 1er avril 1889), la Suède (loi du 10 mars 1889) et la Suisse (loi fédérale du 23 mars 1877), ont également édicté de nombreuses prescriptions relatives à l'hygiène et à la sécurité des travailleurs. La loi de la colonie australienne de Victoria (18 déc. 1885), et celle du Canada (factory Act of Québec, 9 mai 1885) peuvent être considérées comme des modèles de législation en ce qui concerne l'hygiène et les mesures préventives contre les accidents.

Il faut remarquer, en outre, que dans la plupart de ces pays, il existe des institutions générales d'hygiène publique. En Angleterre, le président de ce service (Local government Board) a rang de ministre d'Etat. En Allemagne, le président de chaque province assisté d'un collège médical a, dans son ressort, la direction sanitaire sous l'autorité du ministre des affaires médicales qui n'est autre que le ministre des cultes; un Office central a la mission d'inspirer les mesures à prendre et les réformes à introduire dans la législation. En Russie, à défaut de législation relative à l'hygiène industrielle, on peut, en vertu du Code médical et du Code des constructions, exiger que l'installation des fabriques satisfasse à toutes les conditions de salubrité nécessaires'.

TITRE IV.

Le travail des mines, mesures de police et de protection. Institution des délégués à la sécurité des ouvriers mineurs2.

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A. Notions générales. La nature du travail dans les mines, et les accidents épouvantables dont elles sont trop souvent le théâtre, ont attiré l'attention sur cette industrie et nécessité une législation spéciale. Il ne faut pas, cependant, pour rester dans la vérité, se préoccuper

1 J. offic., 1890, Ch. Doc., p. 1610.

2 Aguillon, Législation des mines. Nibaut, Les délégués mineurs. Riston, l'Institution des délégués.....

uniquement du nombre des ouvriers frappés à la fois dans une même catastrophe et oublier les accidents individuels, fréquents dans d'autres industries, et dont le nombre dépasse en moyenne le chiffre indiqué par la statistique pour les mineurs. Le marin employé à la grande pêche, l'employé du chemin de fer, l'ouvrier de la verrerie, de la scierie mécanique, des usines où l'on travaille les métaux, sont exposés aux risques de la mortalité professionnelle autant et même plus que l'ouvrier mineur.

Il faut ajouter que la vigilance des exploitants, et le progrès de la science et des connaissances techniques diminuent, chaque année, le nombre des sinistres et des accidents. En 1884, la proportion était de un tué sur 659 ouvriers, alors que celle des marins employés à la grande pêche est de un sur cent.

Il importait, toutefois, que le législateur prît toutes les mesures pour garantir l'exploitation et la sécurité de la mine.

Des lois nombreuses1 se sont occupées de la propriété et de la conservation des mines, de la protection de la surface et de la sécurité du personnel. Je ne veux retenir ici que les dispositions concernant les mesures de police et de protection relatives à l'exploitation de la mine. ou aux dangers des travaux souterrains.

B. Admission des ouvriers dans les mines. Les enfants étaient admis dans les mines dès l'âge de dix ans, d'après le décret de 1813 (art. 29), de douze ans d'après la loi de 1874. La loi du 2 novembre 1892 (art. 9), ne les y admet pas avant l'âge de treize ans, et le décret du 3 mai 1893 prévoit les conditions de leur travail.

Les enfants de treize à seize ans ne peuvent travailler que huit heures pour une journée de vingt-quatre heures; le travail effectif des jeunes. ouvriers de seize à dix-huit ans ne peut excéder dix heures par jour et cinquante-quatre heures par semaine. On ne comprend, dans ces délais, ni le repos qui doit être au moins d'une heure, ni le temps de la remonte ou de la descente, ni celui qui est nécessaire pour arriver jusqu'au chantier.

Les enfants ne peuvent être employés qu'à des travaux accessoires : triage et chargement du minerai, roulage des wagonnets, manoeuvre des portes d'aérage; ils ne peuvent être occupés à la manœuvre des ventilateurs à bras que pendant une demi-journée coupée par un repos d'une demi-heure au moins. Quant aux travaux du mineur proprement dit (abatage, boisage ou forage), les jeunes ouvriers de plus de seize ans peuvent seuls y être employés, et seulement à titre d'aides ou d'apprentis et pour une durée de cinq heures au plus par jour.

1 Lois 21 avr. 1810, 27 avr. 1838, 1er juin 1840, 9 mai 1866, 27 juill. 1880, 2 nov. 1892 (art. 9); décrets ou ordonnances: 18 nov. 1810, 3 janv. 1813, 23 mai 1841, 26 mars 1843, 25 sept. 1882, 3 mai 1893.

Pour les mines qui exigent, à raison de leurs conditions naturelles, une exception aux règles interdisant le travail de nuit, les règlements peuvent autoriser le travail des garçons de treize à dix-huit ans, à partir de quatre heures du matin et jusqu'à minuit, sous la condition que la durée effective du travail ne dépasse pas huit heures, et que la présence dans la mine soit de dix heures au plus par vingt-quatre heures.

Les filles et les femmes de tout âge ne peuvent être employées aux travaux souterrains des mines et minières.

Le décret du 3 janvier 1813 édicte certaines règles relatives à tous ouvriers admis dans les mines. L'ouvrier n'est plus assuje tti aujourd'hu à la possession d'un livret, mais chaque exploitation doit tenir un contrôle exact et journalier des ouvriers qui travaillent à l'intérieur ou à l'extérieur des mines; ces contrôles sont inscrits sur un registre coté par le maire et parafé par lui tous les mois, et le registre est visé par les ingénieurs à l'époque de leurs tournées, et au moment de la vérification des contrôles.

On ne peut employer, comme maîtres mineurs ou chefs particuliers de travaux, que des individus ayant travaillé comme mineurs, charpentiers, boiseurs ou mécaniciens, depuis au moins trois années consécutives.

Afin d'éviter tout accident, nul ouvrier, ivre ou malade, n'est admis dans les travaux et aucun étranger ne peut visiter la mine sans l'autorisation du directeur et sans être accompagné d'un maître mineur.

Tout ouvrier peut être traduit devant le tribunal correctionnel et puni selon la gravité des circonstances, lorsque, par désobéissance envers le chef des travaux, il compromet la sûreté des personnes et des choses (art. 25 à 30 du décret de 1813; art. 319 et 320 C. p.).

L'État exerce,

C. Mesures destinées à prévenir les accidents. sur les mines, une mission de surveillance par l'intermédiaire des préfets placés sous l'autorité du ministre des travaux publics, et avec l'aide des ingénieurs et des contrôleurs des mines. Les ingénieurs doivent, s'ils reconnaissent une cause de danger imminent, en visitant une exploitation, prendre les mesures urgentes et adresser aux autorités locales les réquisitions nécessaires en vue des moyens de sécurité. Qu'il s'agisse de travaux de recherche ou d'exploitation, de mode d'extraction ou de la direction générale des chantiers, le préfet doit intervenir, sur les rapports des ingénieurs, pour ordonner l'interdiction d'exploiter, ou prescrire des modifications ou des mesures de prudence dans la direction et la conduite des travaux. Les exploitants, qui n'obéiraient pas aux injonctions reçues, pourraient être déchus de leurs concessions (art. 50, loi de 1810 modifiée par la loi du 27 juill. 1880; et décret du 3 janv. 1813, art. 3 à 10). Des circulaires ministé

rielles (15 nov. 1888, 28 janv. 1890) ont déterminé les moyens propres à prévenir les explosions de grisou dans les mines de houille.

Il faut remarquer, en outre, qu'à côté de cette surveillance officielle, les entrepreneurs des mines ont un nombreux personnel chargé d'assurer tous les moyens de sécurité générale. Ce personnel comprend un directeur et un conseil d'administration, des ingénieurs principaux, divisionnaires et ordinaires, des chefs porions, des porions, des surveillants, des chefs de poste, etc.

En cas d'accidents survenus

D. Mesures en cas d'accidents. dans les mines, minières, usines et ateliers qui en dépendent, soit par éboulement ou inondation, soit par le feu ou asphyxie, soit par toute autre cause, entraînant la mort ou des blessures graves, l'exploitant doit en donner connaissance au maire de la commune et à l'ingénieur qui se rendent sur le lieu du sinistre, pour prendre toutes les mesures nécessaires. Un rapport adressé au préfet indique les causes de l'accident, et les autorités peuvent requérir, comme dans le cas de péril imminent, les outils, les chevaux et les hommes, afin d'arriver à faire cesser le danger, et à en prévenir les suites. L'avertissement donné au maire ou à l'ingénieur doit être immédiat, et il ne faut pas attendre l'àvis du médecin de la mine1.

Les maires et autres officiers de police doivent se faire représenter les corps des ouvriers qui auraient péri par accident et ne permettre leur inhumation qu'après en avoir fait dresser le procès-verbal. S'il est impossible d'arriver jusqu'au lieu où se trouvent les corps des ouvriers qui ont péri dans les travaux, le maire en dressera un procèsverbal qu'il transmettra au procureur de la République pour être annexé au registre de l'état civil.

Les exploitants qui seraient responsables des accidents ayant occasionné la mort ou la mutilation d'ouvriers, pour ne pas avoir obéi aux règlements, seraient poursuivis et punis, par le tribunal correctionnel, de l'amende ou de l'emprisonnement (art. 319, 320 C. p.).

Un chirurgien peut être attaché au service des exploitations importantes, aux frais des propriétaires qui supportent aussi les dépenses nécessitées par les secours donnés aux victimes des accidents (art. 11 à 22, décr. 3 janv. 1813).

E. Institution des délégués à la sécurité des ouvriers mineurs (Loi du 8 juillet 1890). — a) Origine de cette institution. - La chambre syndicale des mineurs de Saint-Étienne rédigea, à la suite d'accidents survenus dans les houillères de la Loire, un « Cahier de doléances »> signalant l'insuffisance des moyens de protection, et demandant que

Trib. corr. Saint-Etienne, 20 avr. 1893, Rev. de dr. ind., 1893, p. 386.

des ouvriers mineurs, choisis par leurs camarades, eussent désormais la mission de surveiller la mine, de constater les accidents et d'en rechercher les causes. La gravité des accidents, l'insuffisance du personnel, la nécessité d'inspirer confiance aux ouvriers, telles étaient les trois causes qui justifiaient la création de cette garantie nouvelle, pratiquée en Angleterre depuis 1872 (Act du 10 août, maintenu par celui du 16 sept. 1887). Cette loi anglaise ne crée qu'une faculté sans sanction et est, en fait, peu pratiquée.

En 1848, les mineurs de la région de Saint-Étienne avaient désigné, parmi eux, des présidents de puits chargés de la surveillance de la mine et qui, ne servant qu'à entraver la marche du travail, ne purent pas exercer leur mission plus de quatre mois.

Ce souvenir suscita bien des adversaires au projet de loi relatif à la création des délégués mineurs, et ce projet, déposé en 1882, ne put aboutir qu'après sept années de discussion. On se demandait, non sans raison, quelle compétence auraient ces ouvriers, pour s'occuper, comme les ingénieurs, de la méthode d'exploitation, de l'aérage, de la conduite générale des travaux. Le délégué mineur, tenant ses droits de l'élection, aura un rôle autoritaire, voudra se soustraire aux règlements et donnera l'exemple de l'indiscipline. La résistance, opposée au projet, suscita de nombreux amendements qui eurent surtout pour but de maintenir l'autorité de l'État, afin de pouvoir prévenir et résoudre les conflits.

b) Caractère de l'institution. La nomination des délégués est obligatoire pour toutes les exploitations de mines, minières et carrières où les travaux d'avancement ont lieu par galeries ou tranchées souterraines. Il faut qu'il y ait eu déjà concession de la mine; les simples travaux de recherche ne sont pas soumis à l'inspection des délégués. Il en est de même de toute concession qui emploierait moins de vingt-cinq ouvriers travaillant au fond, si un arrêté du préfet, rendu sur le rapport des ingénieurs, a décidé que la nomination de délégués était, dans ce cas, inutile ou difficile à réaliser. Le peu d'importance de la mine et le petit nombre des ouvriers expliquent cette dérogation au principe de la loi. On doit tenir compte, pour appliquer cette exception, des ouvriers travaillant au fond, c'est-à-dire de ceux qui sont chargés de l'extraction proprement dite, employés dans l'intérieur des galeries; on doit négliger les chefs mineurs, contre-maîtres ou chefs de poste. L'arrêté du préfet est, d'ailleurs, toujours révocable, et soumis aux circonstances; l'état dangereux de la mine pourrait faire rentrer la concession dans le droit commun, quel que soit le nombre des ouvriers (art. 1er).

c) But de l'institution, droits et obligations des délégués. Les fonctions des délégués peuvent se résumer ainsi : 1° surveiller leur circonscription; 2o constater les accidents; 3° accompagner, quand ils en sont

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