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Ce comité, sur l'avis d'un conseil de section, classe les industries, dresse le rôle des cotisations, et fixe les indemnités dues aux victimes d'accidents; son président représente en justice la circonscription, considérée comme personne morale (art. 37 à 42). Le comité directeur n'a pas, d'ailleurs, d'attributions judiciaires; en cas de contestation, l'affaire est déférée au juge de paix ou au tribunal arbitral (Voir page 160).

Les cotisations sont réparties entre chaque entreprise suivant son coefficient de risques et le montant des salaires dus aux ouvriers et employés (art. 54). Elles sont basées sur les accidents survenus et sur les indemnités accordées à la suite de ces accidents. Les sommes à répartir chaque année par circonscription comprennent : 1° les capitaux nécessaires à la constitution des rentes et pensions inscrites dans l'année précédente; 2o les sommes mandatées, pendant la même période, au compte de la circonscription, pour frais funéraires et indemnités temporaires; 3° les frais d'administration, et 4o un capital additionnel pour la constitution d'un fonds de réserve au compte duquel doivent être portées les cotisations irrécouvrables.

Afin de donner aux ouvriers la plus grande sécurité et pour éviter aux patrons les frais d'une administration permanente, le projet convertit la caisse d'assurance contre les accidents, créée par la loi du 11 juillet 1868, en caisse nationale et la charge de diriger et de centraliser le service du paiement des indemnités dues aux victimes d'accidents. Les avances, faites par la caisse, lui seront remboursées par les chefs d'industrie soumis à l'assurance.

Pour faciliter la mise en œuvre de la loi, le projet propose de créer, près du ministre du Commerce, un conseil supérieur des accidents du travail, chargé surtout de dresser une liste générale des industries soumises à l'assurance, de déterminer leurs coefficients de risques, et de donner son avis sur les règlements rendus en vue de l'application de la loi (art. 43-45). La création de ce conseil semble bien inutile, alors qu'il existe déjà, près du ministre du Commerce, un conseil supérieur du travail qui peut s'occuper des questions intéressant la matière des accidents professionnels.

b) Assurance individuelle et syndicale. - Système de garanties. — Le projet laisse aux patrons la faculté de rester leurs propres assureurs soit individuellement, soit en se réunissant en syndicats. On a voulu laisser aux organisations créées par les intéressés leur application et leur utilité. Mais l'assurance individuelle ou syndicale oblige les patrons à fournir un cautionnement afin de garantir le paiement des indemnités allouées à leurs ouvriers.

Cette liberté laissée aux chefs d'industrie est encore trop restreinte, et la commission du Sénat (session de 1894) propose tout un système de garanties au choix du patron; ce n'est qu'à défaut de l'un des moyens indiqués que l'assurance mutuelle obligatoire devrait s'appliquer. Ces

garanties peuvent prendre une des formes suivantes : 1° une première hypothèque sur des immeubles représentant, au denier vingt, un quart en sus du coefficient des risques à la charge du patron; 2° un dépôt à la Banque de France de toutes valeurs admises pour l'emploi de biens de mineurs; 3o la dation d'une caution solidaire solvable; 4° la création de caisses de prévoyance; 5o une assurance contractée à la caisse de l'État ou à une compagnie privée.

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1° Allemagne. · L'assistance obligatoire, à la charge des communes, existe en Allemagne depuis le xvIe siècle. Ce principe devait faciliter l'admission des assurances sociales obligatoires qui allégent d'autant le fardeau de l'assistance légale. Le Reichstag votait, le 6 juillet 1884, la première loi sur l'assurance obligatoire, pour les cas d'accidents du travail, au profit des ouvriers industriels. Mais depuis lors, cette assurance a été étendue aux ouvriers des postes et télégraphes, des chemins de fer, de la guerre et de la marine (L. 28 mai 1885), aux ouvriers agricoles et forestiers (L. 5 mai 1886), aux personnes employées dans les entreprises de construction et de travaux publics (L. 11 juin 1887), et enfin aux gens de mer non compris les pêcheurs (L. 13 juillet 1887). Le Reichstag aura à discuter, dans sa session de 1895, un nouveau projet de loi en 140 articles, dont le but est d'étendre l'assurance à tous ouvriers et employés non compris dans les lois précédentes, pour tout accident, arrivant dans l'exploitation ou en dehors de l'exploitation, pour tous travaux commandés par les patrons. Cette extension était logique et inévitable. La loi de 1884, qui pose le principe général, admet non seulement la théorie du risque professionnel, mais donne encore à l'ouvrier, coupable d'une faute lourde, un droit à l'indemnité.

Les chefs d'industrie, qui supportent seuls les charges de l'assurance, sont réunis en corporations professionnelles, et payent, chaque année, des cotisations qui représentent les sommes nécessaires à la constitution des rentes dues aux victimes d'accidents et dont le taux varie suivant la nature des incapacités de travail. En cas de mort, on accorde une allocation pour les funérailles de la victime, et une rente à sa veuve, à ses enfants ou aux ascendants malheureux et infirmes. Tout ouvrier, dont le salaire ne dépasse pas 2,460 francs est, de plein droit, garanti par l'assurance. Les corporations n'ont pas à leur charge les frais de maladie et les allocations payées pendant les treize premières semaines à dater du jour de l'accident; ces dépenses sont acquittées en partie par les caisses d'assurances contre les maladies, et en partie par les chefs d'entreprises.

La corporation est administrée par un comité central, chargé de

prendre toutes les mesures pour prévenir les accidents, de faire les règlements nécessaires à la discipline intérieure des industries, de nommer des inspecteurs, de fixer, sauf le droit d'appel réservé aux parties intéressées, l'indemnité due à la victime d'un accident, et de répartir les charges annuelles entre les membres de la corporation, suivant le nombre des ouvriers, le montant de leurs salaires et le coefficient des risques de chaque industrie.

Un tribunal exceptionnel arbitral, composé de deux patrons et de deux ouvriers, et présidé par un fonctionnaire que l'empereur désigne, statue sur toutes les difficultés et juge, en appel, les décisions rendues par le comité central ou conseil d'administration. Au sommet de cette hiérarchie nouvelle, plane l'Office impérial des assurances qui joue le rôle d'un tribunal d'appel supérieur et qui exerce, en même temps, un contrôle administratif et financier sur toutes les corporations.

Les frais d'administration et de justice de ce mécanisme corporatif sont considérables. On a calculé qu'en une seule année ils s'étaient élevés à 135 p. 0/0 des secours effectivement donnés. Au congrès de Berne, en 1891, on a cité la corporation de la fumisterie qui a supporté 29,995 marks de frais d'administration pour 5,036 marks d'indemnités.

Le paiement des indemnités, sous forme de rentes et non d'un capital une fois payé (système de répartition), accumule chaque année les charges de la corporation, et l'on peut craindre que les impositions additionnelles qui, pendant les onze premières années, doivent servir à constituer le fonds de réserve, soient elles-mêmes un jour insuffisantes pour couvrir des charges constantes et progressives. Mais l'État doit prendre, en vertu de la loi, la suite des engagements que les corporations ne pourraient pas remplir. Leur situation était, d'ailleurs, prospère en 1891, puisqu'on accusait un excédent de recettes d'environ 10 millions de marks et que le fonds de réserve était, à la même époque, de plus de 70 millions de marks.

On peut craindre que la certitude, pour l'ouvrier, d'obtenir une indemnité ne le rende moins vigilant. La statistique des dernières années nous donne, en effet, cette proportion croissante en 1886, le chiffre total des accidents pour les corporations industrielles, était de 82,596, il s'élevait, en 1890, à 149,188, et, en 1891, à 162,664; il était, pour les corporations agricoles, de 808 en 1888, et s'élevait, en 1890, à 12,573, et en 1891, à 19,359'.

2° Autriche. La loi autrichienne du 28 décembre 1887 s'applique spécialement aux fabriques, ports, chantiers, à toutes exploitations agricoles et industrielles faisant emploi de moteurs mécaniques. Les mines et les compagnies de chemins de fer étaient déjà régies par une législation spéciale (Loi du 25 mai 1854; loi du 5 mars 1869).

1 Grüner, Congr. intern. des acc. du trav., Bulletin, 1893, no 1.

Je me borne à relever les traits saillants par lesquels la loi autrichienne de 1887 se distingue de la loi allemande, et l'on verra que c'est la première loi qui a inspiré le projet soumis actuellement aux Chambres françaises. 1o L'assurance est basée, en Autriche, sur des corporations mutuelles territoriales. 2o Les indemnités sont fixées sur les mêmes bases qu'en Allemagne, mais en cas de blessure, l'allocation, accordée pendant la durée de l'incapacité de travail, est servie à partir de la cinquième semaine. 3° Les ouvriers, qui touchent un salaire en argent, excédant un florin, supportent 10 p. 0/0 de la cotisation applicable à leur industrie. 4° Les sommes, réparties chaque année entre les patrons, sont calculées de manière à former des capitaux nécessaires pour le service des pensions dans l'avenir (système de capitaux de couverture); en Allemagne, ce sont les rentes payées annuellement qui sont ainsi réparties (système de répartition). 5° Les conseils d'administration sont composés pour un tiers des représentants des ouvriers; en Allemagne, les corporations sont exclusivement dirigées par les patrons. 6° L'appel des décisions du tribunal arbitral a lieu devant le tribunal civil de la région et non, comme en Allemagne, devant un Office impérial des assurances.

Le système financier de l'Autriche, avec son capital de couverture, tend bien à accumuler les capitaux, mais le jeu de l'intérêt composé le rendra moins lourd pour les intéressés, que le système de répartition, lorsque l'assurance aura fonctionné quelque temps. L'organisation régionale donne lieu à moins de dépenses. Mais l'organisation corporative de l'Allemagne est plus efficace pour la surveillance des usines et l'application des mesures préventives. Les deux systèmes ont donc leurs avantages et leurs inconvénients.

3° Suisse. Les lois des 25 juin 1881 et 26 avril 1887 ont proclamé le principe de la responsabilité du patron pour un certain nombre d'industries fabriques, industries produisant ou employant des matières explosibles; entreprises de bâtiments, de transport, de pose ou de réparations de fils télégraphiques et téléphoniques, de montage de machines, de constructions de chemins de fer, ponts, routes, tunnels; exploitations de carrières et de mines, lorsque les patrons occupent pendant le temps du travail plus de cinq ouvriers.

Le patron doit, pour dégager sa responsabilité, prouver la force majeure, la faute de la victime ou le délit commis par un tiers.

Mais ces lois, aggravant la responsabilité du patron, sans donner la sécurité aux ouvriers, ont paru insuffisantes. Aussi l'Assemblée fédérale a été amenée à proposer l'assurance obligatoire, et a voté, dans ce but, un article tendant à modifier la constitution. Soumis au referendum, le 11 novembre 1890, cet article a été ratifié par le peuple; en voici les termes « la Confédération introduira, par voie législative, l'assurance en cas d'accident et de maladie, en tenant compte des caisses de se

cours existantes. Elle peut déclarer la participation à ces assurances obligatoire en général, ou pour certaines catégories de citoyens1.

4o Dans les autres pays étrangers, le droit commun règle encore, en général, les questions de responsabilité en cas d'accidents. Quelques-uns ont présenté des projets de loi sur le risque professionnel et l'assurance obligatoire; la plupart se sont préoccupés seulement de modifier leur législation sur la responsabilité des patrons. En Angleterre, un nouveau projet aggravant cette responsabilité telle qu'elle était fixée par l'Act du 7 septembre 1880, a été présenté en 1893, mais la Chambre des Lords refuse de modifier la législation antérieure. En Belgique, où la question des accidents est encore soumise au droit commun, la jurisprudence admet la théorie de la faute contractuelle, qui a pour conséquence de mettre la preuve de la faute à la charge du patron 2.

A part l'Allemagne et l'Autriche, aucun pays n'a consacré entièrement un droit nouveau. L'indécision règne encore dans les Parlements, comme chez les auteurs et les membres des congrès internationaux. La majorité de ces derniers admet bien la théorie du risque professionnel; mais l'assurance obligatoire trouve plus de contradicteurs et, parmi ceux qui l'acceptent, en principe, la plupart veulent laisser aux patrons, comme le font les projets de loi en Suisse et en Italie, la faculté de choisir leurs assureurs.

TITRE III.

Assurances contre les maladies.

Nous ne trouvons de lois spéciales relativement à ce genre d'assurances qu'en Allemagne et en Autriche. En France et dans les autres pays, les contrats individuels ou collectifs seraient soumis aux principes généraux de l'assurance. Certaines compagnies garantissent contre les maladies ordinaires sur la demande de celui qui souscrit l'assurance contre les accidents. Mais l'assurance contre les maladies est distincte de l'autre assurance et vient s'ajouter à elle. Les sociétés de secours mutuels, certaines institutions patronales donnent, d'ailleurs, des allocations aux ouvriers en cas de maladie.

En Allemagne, la loi du 13 juin 1883 organise l'assurance obligatoire, pour le cas de maladie, au profit des ouvriers employés dans un établissement d'une façon suivie. Différentes caisses locales d'assurance, fonctionnant d'après le principe de la mutualité et soumises à la surveillance administrative, assurent le service des secours consistant dans les soins médicaux et pharmaceutiques, ainsi que dans des allocations en argent égales au moins à la moitié des salaires Il y a, d'ailleurs, des caisses

1 Raoul Jay, Études sur la question ouvr. en Suisse, p. 141 et suiv. 2 Cass. belge, 8 janv. 1886, S. 86, 4, 31.

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