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maitres et même ingénieurs, français ou étrangers, sans condition de réciprocité dans le pays de ces derniers en faveur de nos nationaux. Ceux dont le salaire annuel dépasse 2,000 fr. ne bénéficient de l'application de la loi que jusqu'à concurrence de cette somme.

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§ 3. Accidents donnant lieu à des indemnités. Nature et montant de ces indemnités. La loi ne prévoit bien entendu que les accidents proprement dits et non les maladies professionnelles, conséquences d'une cause à laquelle l'ouvrier est exposé d'une façon continue.

Lorsque l'accident entraîne une incapacité permanente absolue de travail, la victime a droit à une indemnité, fixée d'une manière ferme, et égale aux deux tiers de son salaire annuel (art. 3).

Si l'incapacité permanente n'est que partielle, l'indemnité attribuée à la victime est diminuée en proportion de la capacité de travail conservée (art. 4). Il suffit que l'ouvrier puisse encore travailler dans un métier quelconque, pour qu'il se trouve rangé dans cette dernière. catégorie, alors même qu'il ne pourrait plus travailler dans son ancienne profession.

Au lieu d'une rente viagère unique à laquelle ont droit, en principe, les ouvriers atteints d'une incapacité permanente absolue, ceux-ci peuvent exiger, lors du règlement définitif de l'indemnité, que le quart du capital, nécessaire à la constitution de la rente viagère, leur soit attribué en espèces (art. 5). Ce petit capital leur permettra de fonder un commerce destiné à accroître leurs moyens d'existence. La victime de l'accident peut aussi demander que le capital, nécessaire à l'établissement de sa pension, serve pour moitié au plus, à constituer une rente viagère sur la tête de son conjoint.

Lorsque l'accident est suivi de mort, l'indemnité comprend : 1° les frais funéraires dans la limite de vingt fois le salaire quotidien de la victime, sans pouvoir dépasser 100 fr.; 2o une constitution de rentes au profit du conjoint, des enfants ou des ascendants. Le conjoint a droit à une rente viagère égale à 20 p. 0/0 du salaire annuel de la victime, à la condition que son mariage ait été contracté antérieurement à l'accident, qu'il ne soit pas divorcé, et, en cas de séparation de corps, que cette séparation n'ait pas été prononcée contre lui. Pour les enfants, la rente qui leur est due, lorsqu'ils ont moins de seize ans accomplis, varie de 15 à 40 p. 0/0 du salaire, suivant leur nombre et selon qu'ils ont encore ou qu'ils n'ont plus l'un de leurs ascendants au premier degré. Cette rente, ayant un caractère alimentaire, est due aussi bien aux enfants naturels recounus avant l'accident qu'aux enfants légitimes. Les ascendants n'ont droit à une pension, variable suivant les cas, que s'ils sont à la charge de la victime lors de son décès et ne se trouvent en concours ni avec un conjoint survivant, ni avec des enfants. Les parents étrangers n'ont droit aux pensions pré

vues par la loi, que s'ils résident en France, au moment de l'accident ou justifient que, dans le pays d'origine de la victime, les Français jouissent d'un avantage semblable sans condition de résidence (art. 6, 7).

Certains auteurs, qui craignent que la théorie du risque professionnel n'oblige les patrons à renvoyer les ouvriers âgés ou infirmes, ont également pensé que l'augmentation des pensions, suivant le nombre des enfants, pourrait faire exclure de l'usine les ouvriers chargés de famille. Je ne crois pas à une telle conséquence. Les fabricants, les compagnies font déjà, dans certaines industries, des avantages aux familles nombreuses pour le logement et le chauffage et les secours sont proportionnés au nombre d'enfants. Il ne faut pas croire à une pratique qui diminuerait la natalité de notre pays, et déshonorerait l'industrie française.

S'il s'agit d'une incapacité temporaire de travail, de plus de trois jours, le patron doit supporter les frais médicaux et pharmaceutiques, ainsi qu'une indemnité égale à la moitié du salaire de la victime, sans que cette indemnité puisse dépasser 3 fr. 50 par jour. Le chef d'entreprise ne paye ces frais que pendant trente jours; après ce délai, ils sont à la charge de la circonscription (art. 8). Si le blessé veut choisir luimême son médecin, le patron n'est tenu de supporter les frais médicaux que jusqu'à concurrence d'une somme de 150 fr.

Les chefs d'entreprise seraient déchargés de ces obligations, s'ils avaient créé des caisses particulières de secours donnant aux ouvriers les avantages prévus par la loi (art. 9-10).

§ 4. Calcul des rentes et indemnités. Le mode de calcul varie suivant qu'il s'agit des pensions dues en cas d'incapacités permanentes, ou d'indemnités résultant d'une incapacité temporaire.

Dans le premier cas, on prend pour base le salaire annuel de la victime, en l'évaluant d'une façon effective ou par des moyennes, suivant que l'ouvrier a été occupé dans l'entreprise pendant les douze mois antérieurs à l'accident ou pendant une période plus courte.

Dans le second cas, on prend pour base le salaire quotidien réel touché par la victime au moment de l'accident (art. 11).

§ 5. Constatation des accidents. Le chef de l'entreprise ou son préposé, la victime ou ses représentants, doivent déclarer les accidents qui se produisent dans les usines ou sur les chantiers, dans les quarante-huit heures, au maire de la commune qui en dresse procès-verbal. Un certificat médical indiquant l'état du blessé doit accompagner la déclaration (art. 12). Une amende sanctionne cette prescription de la loi, en ce qui concerne les chefs d'entreprise (art. 16).

Lorsque la blessure parait devoir entraîner la mort ou une incapacité permanente de travail, le maire transmet la copie de la déclaration et le certificat médical au juge de paix du canton, qui doit, dans les vingtquatre heures, procéder à une enquête sur les causes, la nature et les

circonstances de l'accident, et sur les bases d'évaluation propres à déterminer le droit à une indemnité (art. 13). Un expert peut assister le juge de paix dans l'enquête, sauf dans les entreprises privées administrativement surveillées. Dans ces établissements, l'expert ne peut entrer librement et il doit s'en rapporter aux renseignements fournis par le service.

Cinq jours après l'enquête, les parties étant dùment informées de la clôture, le dossier est transmis au président du tribunal civil de l'arrondissement (art. 14-15).

§ 6. Juridictions chargées de régler les indemnités. Le juge de paix du canton où l'accident se produit, est compétent pour les contestations, entre les victimes d'accidents et les chefs d'entreprise de la circonscription, en ce qui concerne les indemnités temporaires, les frais de maladie et les frais funéraires. L'assistance judiciaire peut être immédiatement accordée par le juge de paix (art. 17-29).

Pour les rentes dues à la suite d'accidents ayant entraîné la mort ou une incapacité permanente de travail, le projet de loi organise une juridiction professionnelle et une procédure spéciale. Le président du tribunal civil est tout d'abord investi de la mission de concilier les parties. Si les parties ne s'entendent pas, les contestations sont jugées, au cheflieu de l'arrondissement où s'est produit l'accident, par un tribunal arbitral, composé de trois chefs d'entreprise et de trois ouvriers, sous la présidence du président du tribunal civil ou, en cas d'empêchement, du juge titulaire par lui désigné (art. 18). Ce tribunal juge sans appel, ses décisions ne peuvent être attaquées que par la voie du recours en cassation et seulement pour excès de pouvoir ou violation de la loi (art. 19-27).

On a critiqué avec raison la création de cette juridiction nouvelle. On s'est demandé si ce tribunal, composé d'ouvriers et de patrons, n'appartenant pas au même groupe d'industries que la victime de l'accident, serait bien compétent et si l'opposition, qui peut exister entre le groupe d'ouvriers et le groupe de patrons, n'arrive pas à investir le juge unique, statuant sans appel, de la solution du litige. Aussi, la commission du Sénat veut rendre compétent le tribunal civil, sauf à consacrer un préliminaire de conciliation devant le juge de paix assisté de deux maitres patrons et de deux ouvriers du canton.

§ 7. Du droit à l'indemnité, exercice de l'action. L'ouvrier, victime de l'accident, ou sa famille n'ont qu'à prouver, pour obtenir les pensions ou indemnités prévues par la loi, la réalité de l'accident. L'ouvrier visé par l'article 1er court un risque professionnel, inhérent au travail; il a toujours droit à une indemnité. Ce droit disparaît entièrement, si l'accident a été volontaire de la part de l'ouvrier. En cas de faute lourde, il peut demander une indemnité si l'incapacité de travail, causée par l'accident, est temporaire. Si cette incapacité est permanente, le tri

bunal arbitral peut diminuer ou même refuser toute pension à la victime ou à ses représentants (art. 31). La commission du Sénat propose de supprimer toute responsabilité du chef de l'entreprise, dans le cas de faute lourde de la victime. Mais les fautes légères, les imprudences sont assimilées au cas fortuit.

La loi a prévu spécialement encore la faute lourde du patron ou de ses préposés, en permettant au tribunal arbitral de majorer, dans ce cas, les indemnités et de condamner les chefs d'entreprise à la réparation de tout le préjudice causé à la victime ou à ses représentants, sans que les rentes viagères allouées puissent, en aucun cas, dépasser le montant du salaire annuel et sauf aux demandeurs à faire la preuve de cette faute lourde.

Cette action en responsabilité et l'action en indemnité, résultant du risque professionnel, sont exclusives de toute poursuite basée sur les articles 1382 et suivants du Code civil. Il n'y a que les ouvriers ou employés, dont le salaire est supérieur à 2,000 francs, qui peuvent porter leur demande, soit devant le tribunal arbitral, sans prouver la faute du patron et en se bornant à une indemnité calculée sur un salaire de 2,000 francs, soit devant la juridiction ordinaire dans les termes du droit commun, à la charge de prouver la faute de l'entrepreneur (art. 35).

Les patrons, la victime de l'accident ou ses ayants-droit, et la circonscription peuvent se pourvoir auprès du tribunal arbitral, pendant une période de trois ans, à dater de la décision définitive, pour obtenir, en cas d'amélioration ou d'aggravation de l'état du blessé, une modification de l'indemnité primitivement allouée.

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§ 8. Principe de l'assurance obligatoire. La première partie du projet de loi, dont je viens de résumer l'économie, pose le principe du risque professionnel, le droit à l'indemnité pour l'ouvrier victime d'un accident dans certaines industries et les règles relatives à leur obtention. La deuxième partie fixe la façon dont les indemnités doivent être réparties et définitivement supportées. Elle pose le principe de l'assurance obligatoire et l'organise au moyen de syndicats mutuels et suivant certaines circonscriptions territoriales.

L'assurance est le dernier mot d'une théorie sur le risque professionnel, car il faut des institutions qui allègent les obligations imposées et aident à les supporter. Avant d'examiner le projet de loi sur l'assurance obligatoire, il est logique de connaître la législation et la pratique actuelles et de voir comment l'assurance est organisée par les compagnies privées, par l'État, et par les mutualités formées entre les chefs d'in

dustrie.

G BRY.

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CHAPITRE II.

CONTRATS D'ASSURANCES', INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE,
DE MUTUALITÉ ET D'ÉPARGNE.

TITRE I.

Notions préliminaires sur les assurances.

A. Caractères généraux et définition. L'homme prévoyant prend toutes les précautions nécessaires pour prévenir les maux et les accidents qui le menacent c'est l'assurance préventive; il cherche à se garantir contre leurs effets dommageables, s'ils se produisent c'est l'assurance réparatrice, la véritable assurance qui ne fait pas disparaître l'événement fortuit et la perte, mais sert à indemniser l'assuré, en répartissant le dommage sur un grand nombre d'associés. C'est la prévoyance et l'épargne persévérante qui l'engendrent dans le but de conserver, soit la fortune acquise, soit les moyens d'existence ou le revenu fondé sur le travail.

Le contrat qui intervient est celui par lequel une personne s'engage à indemniser une autre personne, moyennant une somme appelée prime, des dommages résultant de certains risques déterminés. L'assureur ne peut fixer le montant des primes, sans connaître la valeur des risques, variables et multiples comme les événements qui les engendrent, sans tenir compte des probabilités que la statistique et l'observation déterminent.

Le premier élément nécessaire à l'organisation de l'assurance est la détermination des lois statistiques du hasard, la réunion d'un grand nombre de faits homogènes pour en déduire une moyenne des événements fortuits qui ont un certain caractère de constance et de régularité.

Le second élément consiste dans l'association d'un certain nombre d'intéressés, soumis aux mêmes risques, payant des primes proportionnelles au risque garanti et dont le total est affecté à la réparation du sinistre.

1 Chaufton, Les assurances. Alauzet, Tr. des assur. L. Martin, Assur. contre les accid. Villetard de Prunières, L'assur. contre les accid. Tarbouriech, Assur. contre les accid. Gibon, Les accidents du trav. Sauzet (Rev. crit., 1883, 1886). Auzière (Rev. crit., 1887). De Courcy, Le droit et les ouvriers, L'assur. par l'État. Cl. Jannet, L'assur. oblig. Jay, Etudes sur la quest. ouer. en Suisse. Bellom, Les lois d'assur. ouvr. en Allem. Cheysson (Réforme sociale, 1892, 2, 778). Gigot, (Réforme sociale (1894, 1, 341); Publication de l'Office du travail (Assur, oblig. en Allem. et en Autr.).

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