BULLETIN DU Bouquiniste PUBLIÉ PAR AUGUSTE AUBRY Avec la collaboration de Bibliophiles et d'Erudits CHEZ AUG. AUBRY, ÉDITEUR LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES BIBLIOPHILES FRANÇOIS 18, Rue Séguier-Saint-André-des-Arts. Et chez les principaux libraires de la France et de l'Etranger. 16 MARS, rue des Bons-Enfants, 28. LIVRES ANCIENS ET MODERNES DE LITTÉRATURE & D'HISTOIRE BROCHURES, DOCUMENTS SUR L'HISTOIRE DE FRANCE, BIOGRAPHIE DE MICHAUD, JOURNAL DES SAVANTS, ETC., ETO. Provenant de la bibliothèque de feu M. A..... M° Cailleux, commissaire-priseur; M. A. Aubry, libraire-expert, chez lesquels se distribue le Catalogue. 17 MARS, rue des Bons-Enfants. LIVRES D'ARCHITECTURE DE LITTÉRATURE ET D'HISTOIRE, GRANDS LIVRES A FIGURES, De la bibliothèque de feu M. D... Commissaires-Priseurs Mes Boussaton, Baubigny, Delestre, assistés de M, A. Aubry, libraire-expert, chez lesquels se distribue le catalogue. 20 MARS, rue des Bons-Enfants. ENVIRON 1200 VOLUMES DE LITTÉRATURE ET D'HISTOIRE, LIVRES ANCIENS, ETC. Composant la bibliothèque de feu M. M***. Le même jour, même salle. Environ 1500 Volumes anciens, Littérature, Histoire, Voyages, ouvrages sur la Normandie. Bachaumont, Annuaire de Lesur, etc., Provenant de la bibliothèque d'un château de Normandie. Me Maurice Delestre, commissaire-priseur, successeur de Me Delbergue-Cormont, assisté de M. A. Aubry, libraire. 21 MARS, rue des Bons-Enfants. LIVRES DE JURISPRUDENCE Dalloz (77 vol. rel.). Demolombe, Carré et Chauveau Adolphe, Anthoine de Saint-Joseph, Pothier etc. Revue de législation. - Histoire du Consulat, par M. Thiers. Histoire de France, par H. Martin, etc. Me Guillaume-Claye, commissaire-priseur, assisté de M. A. Aubry, libraire-expert. LA GUIRLANDE DE JULIE AUGMENTÉE DE DOCUMENTS NOUVEAUX, PUBLIÉE AVEC NOTICE La guirlande de Julie! que d'ombres légères et charmantes ce seul titre évoque dans le souvenir! Nous voici transportés dans la rue Saint-Thomas du Louvre, une rue que l'on chercherait vainement aujourd'hui sur les plans du Paris moderne; car les omnibus parcourent incessamment la partie de la place du Carrousel où s'élevait l'hôtel de Rambouillet. Et pourtant, il nous semble la voir là devant nous, cette demeure princière, avec sa vaste cour carrée, entourée de superbes bâtiments, son grand jardin au fond, un jardin comme nos Rois, s'ils revenaient, n'en trouveraient plus à Paris, surtout en pareil lieu. Un jeune savant, aimable, gracieux, et qui possède admirablement bien les us et coutumes, le langage, la politesse de la société Précieuse, si vivante sous Louis XIV, si morte aujourd'hui, nous introduit dans le temple. M. Octave Uzanne en connaît les détours, comme s'il y avait été nourri. Montant le large escalier, traversant les larges pièces en enfilade, il nous fait saluer au passage toutes les grandes figures d'alors : (1) Paris, chez A. Aubry. Prix: 10 fr. M. l'évêque de Vence, jadis le petit Godeau, qu'on n'ose plus appeler que tout bas le nain de Julie; les trois MM. Habert; Tallemant des Réaux, le malin collecteur des cancans et des anecdotes de ruelles; Scudéri, le Dumas père de ce temps-là, l'épée en verrou, la moustache en croc, drapé du manteau à l'espagnole, qui dissimule son pourpoint brodé, doré sur la poitrine et nihil au dos; le vieux Gombauld, cet Endymion dont la Phœbé s'appelait Marie de Médicis; Guillaume Colletet, tout fier de posséder la maison de Ronsard; le majestueux Chapelain, un peu râpé, un peu graisseux, mais vénérable, car il porte dans son crâne dénudé les vingt-quatre chants de sa Pucelle et dessus la fameuse perruque si malmenée par Despréaux; et suivi de son frère, M. de Corneille l'aîné, le bonhomme Corneille, comme on disait de son temps, le grand Corneille, comme on dit dunôtre. Sur les pas de M. Uzanne, nous coudoyons cette foule illustre qui remplit le grand salon. Enfin nous pénétrons dans ce fameux boudoir bleu créé par la maîtresse du logis; nous sommes présentés à M. de Rambouillet, à la marquise, qui n'a pas cessé d'être la divine Arthénice, puis à la Reine du jour, l'incomparable Julie-Lucine-d'Angennes. Cette adorable personne daigne à la fin sourire au marquis de Montausier, et il peut espérer d'obtenir un jour la récompense d'une fidélité de quatorze ans ; car il vient de rendre à son adorable divinité un hommage inouï de galanterie, qui a terriblement défriché le cœur de son inhumaine et provoque encore, après plus de deux siècles, l'admiration des amants et..... des bibliophiles. Car c'est un livre; car ce sont des fleurs peintes sur vélin, des vers écrits par la main de Jarry, des vers de tous les poëtes que nous venons de croiser en passant, des madrigaux de M. le marquis de Montausier lui-même, préludant par le rôle d'Oronte à celui d'Alceste. Hélas! n'ouvre point qui veut l'in-quarto relié de maroquin rouge semé de J. L entrecroisés, ne feuillette point qui veut le vélin du manuscrit original, aujourd'hui précieusement et pieusement conservé par M. le duc d'Uzès! Mais, en parcourant les pages si élégamment typographiées par mon ami Jouaust, la notice si bien écrite, si profondément étudiée de M. Uzanne, les notes dont il a enrichi son travail, les gracieuses planches dont il est illustré, on se prend à moins regretter de n'avoir pas vu l'original. Regardez ! C'est Julie elle-même qui nous fait admirer les fleurs de sa guirlande. La tête fleurie, au milieu d'un ovale composé de fleurs, apparaît, gravée d'après un portrait authentique, gracieusement prêté par M. Paul Lacroix, cette damoiselle de Rambouillet jadis tant admirée. Est-ce bien ainsi qu'on se la figure? et, pour ma part, ne m'a-t-elle pas enlevé un peu de mon illusion? Le front est petit et bien fait, les yeux doux; mais le nez, la bouche (bien que gracieusement arquée), le menton, les joues, sont trop forts et trop massifs en proportion du haut du visage. On ne peut juger de la forme du buste, emprisonné dans une gaîne aussi ridicule que le paraîtront dans deux siècles les corsages d'aujourd'hui. Je ne vois là qu'une fille déjà mûre et qui tourne furieusement à la précieuse véritable. Il faudrait à cette bouche la parole et le sourire, à ces yeux l'enjouement, le feu, l'expression. Sans doute ils devaient posséder tout cela et, à la regarder longtemps, on finirait peut-être par l'aimer, en pensant à tant de fleurs, tant de vers, tant d'hommages, à tant de talents, d'esprits, de génies même, prosternés devant cette femme. M. Uzanne nous a rendu l'idole, l'autel et le sacrifice. A lui de nous rendre maintenant les sacrificateurs qui venaient y porter leurs hommages, ces poëtes de ruelles, comme il les appelle si bien: Benserade, que nous tenons déjà de sa main, Sarrasin, Voiture, Colletet, Charleval, Montreuil, qu'il nous promet, et Gombauld, et Malleville, et Marigny, et Boisrobert, et d'Aceilly, et la Sablière, enfin tous ces littérateurs trop vantés à l'hôtel de Rambouillet, trop dénigrés par Despréaux, et qui ont droit à une place étroite, mais choisie, sur les rayons de toute bibliothèque littéraire. PROSPER BLANCHEMAIN, |