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Une plaque identique à la précédente (2653), deux médaillons ovales à quatre bélières (Génie de Bacchus debout, 2654-55), un hexagone perlé (2656), bien qu'entrés dans la collection postérieurement à 1831, ne sauraient être que de provenance russe '.

Les bractées cousues aux vêtements me paraissent se subdiviser en deux classes. Certaines plaques, affectant le dessin géométrique, se juxtaposaient ou s'enchevêtraient de manière à former le limbus (napup) des robes ou du peplum (néпhov, пénλ05) féminin ; certaines autres, artistiquement découpées, pouvaient être disposées en semis, ou déterminer par leur réunion un ensemble décoratif spécial. Dans la sépulture d'une dame grecque (Taman) on a trouvé une série de personnages isolés, (Satyres, Ménades, deux femmes assises sur une panthère et sur un griffon), figurant une scène bachique; le tout en or estampé, chaque objet percé de trous marginaux. M. Stephani reconnaît ici les débris métalliques d'un calathus, peut-être à fond d'étoffe, qui ceignait la tête du cadavre 2; mais les coiffures ne sont pas indéfiniment multipliées. Les Égyptiens, en vertu d'une prescription du rituel funéraire, ornaient leurs morts d'un collier, dit ousekh, qui s'agrafait sur les épaules et cachait entièrement la poitrine. « Ce collier est d'un genre aussi riche qu'inusité; des cordes enroulées, des fleurons cruciformes, des lions et des antilopes courant, des chacals accroupis, des oiseaux, des vipères ailées, des clochettes, le tout en or estampé, constituent la décoration. Chaque détail était cousu aux linges de la momie au moyen de petits anneaux soudés par derrière. » Un ornement analogue fut importé d'Orient en Italie par les Étrusques, et il semble également empreint du caractère religieux. L'une des tombes de Cære (Cervetri) a procuré un immense pectoral d'or repoussé, percé de trous pour le coudre sur la

loc. cit., p. 121, pl. VI, 11. Antiq. du Bosph., t. I, p. 145, pl. XX, 12. Ouvaroff. loc. cit., pl. XXII. Smith, Dict. cit., p. 577.

'Chabouillet, Catal. etc., p. 390 à 395

2 Compte-rendu etc., 1869, p. 14, pl. I, fig. 1 à 10.

3 C. de Linas, L'hist. du travail etc., p. 245.

tunique il est en forme d'ellipsoïde coupé suivant le petit axe; au centre, un écusson de cinq bandeaux rectilignes, hommes nus entre deux lions debout, chiens avec un flambeau horizontalement posé dans la gueule, génies ailés, griffons passant, accolades; à l'entour, une bordure de treize zones parallèles, prolongeant les contours de l'écusson, offre la plupart des motifs précédents auxquels il faut ajouter des cerfs, des phoques, des antilopes à museau de tapir, enfin des triangles allongés. Les habitants grécoasiatiques de la Tauride n'auraient-ils pas, quatre siècles avant notre ère, appliqué à leurs morts l'usage oriental du collier funèbre d'ornements cousus, usage transmis aux vivants chez les Byzantins, puis chez les Russes (v. chap. V, 21)? Sauf meilleur avis, je pense que les figures découpées, dont l'emploi n'a pas été ici strictement établi, sont le reste de pectoralia à fond d'étoffe, imités de ceux de l'Égypte et de l'Étrurie.

Les bijoux d'or enfouis dans la sépulture d'une prêtresse de Déméter, à la Grande Blisnitza (Taman), datent du IV. siècle avant notre ère. La défunte avait sur le front une otλeyyis (bandeau simulant des cheveux ondés, tour), arrêtée par de charmantes figurines de femmes ailées; pour coiffure un calathus (modiolus, v. chap. V, 1) entièrement métallique, formé de plaques ajustées au moyen de rivets. Des bordures d'oves ou de méandres cerclent

1 Mus. Gregor., pl. XXVIII et XXIX. Grifi, Cere ant., I. Canina, Etrus. marm., pl. LV. Daremberg et Saglio, loc. cit., fig. 963 et 964. Les artistes chrétiens des premiers siècles, aussi les Byzantins, se sont inspirés des groupes d'hommes et de lions représentés sur le pectoral de Cære; ces groupes symboliques existaient donc ailleurs: V. Martigny, Dict. des antiq. chrét., DANIEL. A. Gaussen, Portefeuille archéol. de la Champagne, Tissus et broderies, pl. 4, Suaire de S. Victor, à la cathéd. de Sens; in-4o, Bar-sur-Aube, 1861. Mél. d'archéol., t. II, pl. 18, Étoffe conservée à Eichstædt (Bavière). Si les gravures que j'ai sous la main sont exactes, le ruminant cornu, au museau de tapir, pourrait bien être une représentation approximative du saïga, la plus septentrionale des antilopes asiatiques, puisqu'elle habite les déserts de la Caspienne et de l'Aral. Le nez du saïga est démesurément gros et bombé; M. Bouvier, habile naturaliste de Paris, m'a montré chez lui un exemplaire de cet animal admirablement monté, fait assez rare dans les collections.

IIe série, tome VI.

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la couronne; son champ comporte le sujet local d'une lutte acharnée entre des Amazones et des griffons, toutes les figures maintenues par de petits clous. Les ornements accrochés sur les tempes,

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les boucles d'oreilles, les deux colliers, ont pour caractéristique un luxe de chaînettes à glands, marquées au coin oriental' bien que leur style et leur exécution soient purement helléniques. Nous donnons ici comme type général de la parure l'une des grandes phalères temporales dont les elenchi battaient la joue; sur le disque figure Thétis chargée des armes d'Achille; le médaillon correspondant offre le même sujet avec une légère variante. Les bracelets, sans charnières, consistent en une grosse torsade terminée par des lions rampants hermaphrodites du plus beau travail 2.

Quatre anneaux, passés au doigt de la prêtresse, ont été décrits par M. L. Stephani avec l'immense érudition et la critique habituelles à ce savant; ils sont tout en or, le chaton profondément gravé au burin. N° 1, jonc torsade chaton mobile portant du côté convexe un lion couché en haut relief; sur le côté plan, la figure en pied d'Artémis; poids, 10 gr. 50 cent. No 2, jonc analogue au précédent : la saillie du chaton offre le spécimen, peut-être unique, d'un scarabée de métal ciselé en ronde-bosse et fouillé avec un soin merveilleux jusque dans ses plus minimes détails; l'insecte repose sur une élégante base ovale ornée de denticules et de filets tordus ou granulés; gravure, l'Amour agenouillé aux pieds de Vénus; poids, 21 gr. 25 cent. No 3, anneau massif pesant un peu moins de 21 grammes, il n'avait jamais été porté avant qu'on le déposât dans la tombe; chaton, Eros debout près d'Aphrodite assise. N° 4, curieux chaton représentant un monstre, femme par le haut, sauterelle par le

1 V. chap. II, § 9, le frontale découvert en Troade par M. Schliemann; Illustration, 27 janvier 1877, p. 56-57, les bijoux trouvés à Mycènes par le même; comte Giancarlo Conestabile, Sovra due dischi in bronzo antico-italici del museo di Perugia etc., pl. IX, fig. 2, pectoral de bronze, très-archaïque, provenant des fouilles exécutées sur le territoire de Pérouse, in-4o, Turin, 1874. Il règne entre l'orfévrerie protohellénique de Mycènes et la parure khivienne, exposée au Congrès international de géographie tenu à Paris en 1875, d'étroites analogies toutes à l'avantage du Turkestan; v. Mag. pittor., t. XLV, p. 144.

2 Compte-rendu, 1865, p. 21 à 48, pl. I et pl. II, fig. 1 à 6.

bas; il joue de la lyre et sa queue recourbée finit en tête de griffon poids, 10 gr. 66 cent. Je soupçonnerais volontiers sur ce petit monument une caricature dirigée contre quelque poëte en jupons, célèbre au IV siècle. Je terminerai ma nomenclature abrégée des bagues intailles en simple métal par la mention d'un anneau trouvé dans une autre sépulture de la Grande Blisnitza. De la même époque que les précédents, il est massif et il pèse 6 gr. 39 cent.; son chaton montre une nymphe debout, le sein découvert, la main gauche appuyée sur une vasque '.

Cette dernière tombe renfermait de nombreux objets de parure en or.-Un bracelet hélicoïde du genre nommé οφεις et δράκοντες; seulement son extrémité, au lieu de se terminer en tête de serpent, figure un lion couché issant d'une palmette: poids, à peu près 47 grammes. Des boucles d'oreilles à pendeloques, dont le motif principal est analogue à celui que l'on a rencontré chez la prêtresse de Déméter; un croissant abaissé sous un disque : poids, environ 5 gr. L'association du disque avec le croissant symbolise ici les personnalités d'Apollon et de Diane, personnalités rendues évidentes par un bijou semblable, trouvé à Bolsena (Vulsinium), en 1861, et sur lequel le disque est remplacé par le char du Soleil. La variante opposée du même sujet existe à l'Ermitage; une paires de boucles d'oreilles provenant de Theudosia montre Artémis, un flambeau allumé en main, assise sur un cerf et sommée d'un disque radié3. - Une otheyyis très-particulière: les cheveux ne sont pas ondés, mais frisés à la mode assyrienne

1 lbid., p. 77 à 79, 93, pl. III, fig. 23 à 26, 39.

2 Pollux, V, 99; Lucien, Amor., 41; Clément d'Alex., Pædag., II, 12. — V. au musée de Naples les serpents d'or trouvés à Pompéi : Mus. Borb., VII, pl. 46; XII, pl. 44: Niccolini, Case di Pompéi, Descr. gen., pl. 36. V. encore : Ant. du Bosph. Cimm., pl. 12, 14; Arneth, Gold und Silbermon. G. IX, 116; etc. etc. La dame avait aux doigts deux bagues du même modèle que son bracelet, pesant chacune environ 8 gr. 50: C. R., 1869, pl. I, fig. 19 et 20.

3 C. R., 1869, pl. I, fig. 16 et 12. Gaz. des Beaux-arts, 1863, p. 162; Cat. des bijoux du Mus. Napoléon III, no 112; Daremberg et Saglio, loc. cit., fig. 968. C. R., 1868, pl. I, fig. 2 et 3.

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