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et Chapeau Rouge pour y faire sa pesche et de là s'en aller aux costes d'Espagne y faire son trafficq et negoce apres que visitation aura esté bien et düement faite de son dict navire dans lequel il ne pourra charger aucunes poudres et boulches à canon, chanvres toilles propres å faire voiles cables cordages et aucunes marchandises de contrebande. A la charge que le présent congé ne servira que pour son seul et unique voyage. Et avant son partement enregistre le présent congé et faire son retour au dict lieu de Saint-Malo.

D

» Mandons et ordonnons aux juges et officiers qui exercent la jurisdiction des causes maritimes aux chefs d'escadres cappitaines gardes costes et des vaisseaux du Roy et aux dicts sujets de Sa Majesté qu'il appartiendra de laisser seurement et librement passer aller faire sejournement et retournement par chacun de leurs pouvoirs, gouvernements, jurisdictions et destroits iceluy cappitaine du Clos avec son dict vaisseau, gain, armes et marchandises sans luy faire mettre ou donner ny souffrir estre fait, mis ou donné aucun trouble ny anpeschement quelconque, avisé toute facilité et assistance dont il aura besoing. En tesmoing de quoy nous avons signé ces présentes et a icelles fait mettre le scel de nos armes et contresigner par le secrre général de la marine. Aux Martigues le vingtiesme jour de janvier mil six cent cinquante six. CÉSAR DE VENDOME. - Par Monseigneur, CHAPELAIN. »

FÉLIX DU BOIS SAINT-SEVERIN.

NOTICES ET COMPTES RENDUS

ESSAI SUR L'ESPRIT PUBLIC DANS L'HISTOIRE, par le vicomte Ph. d'Ussel. — Paris, Hachette, 1877. In-8°, 448 p. 5 fr.

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Les sociétés, comme les individus, conçoivent toujours un idéal plus ou moins élevé, plus ou moins puissant, variable avec les époques, auquel elles conforment la direction générale de leur vie, en faisant concevoir à chacun de leurs membres un même type à suivre, ou un but commun à atteindre ; on ý agit, en général, sous l'influence de l'esprit public. C'est ainsi que la société romaine regarda jadis la politique et la guerre comme les deux seuls objets vraiment dignes des efforts de l'homme, et poursuivit avec ardeur et constance ce double idéal, auquel tout semble, dans son histoire, rattaché ou sacrifié. C'est ainsi encore que le moyen âge, qui connut peu la notion abstraite de patrie, autrefois si puissante sur l'esprit public des peuples anciens, subit bien autrement qu'eux l'influence des idées religieuses, qui présidèrent à tous les actes de son existence et à toutes les œuvres de son activité. C'est ainsi enfin que, de nos jours, les démocraties répudient la politique et la guerre, souvent même les idées religieuses, et conçoivent un idéal nouveau qui eût sans doute fort étonné les Romains de la république. Le but de ce livre est de rechercher la nature et les variations de cet idéal aux diverses époques de la vie des peuples, et de constater, au milieu de la mobilité des événements, la fixité de certains caractères et l'évidence de quelques grandes lois auxquelles a obéi, depuis l'origine des temps jusqu'à nos jours, ce que l'on pourrait appeler à juste titre l'âme même de l'humanité; tâche ardue et délicate, qui eût rebuté tout autre qu'un petit-fils de M. de Parieu et un neveu de M. de Laprade, mais qui a précisément séduit son auteur, ingénieur distingué, rompu à toutes les difficultés

de l'analyse mathématique, par son caractère de nette analyse et de puissante synthèse, et par les enseignements nombreux que nos générations peuvent tirer de l'expérience acquise aux dépens de celles qui nous ont précédés.

Nous ne pouvons entrer ici dans un détail circonstancié de cette étude magistrale qui nous entraînerait beaucoup au delà des limites qu'il nous est permis d'assigner à cette notice. Disons seulement que dans un premier chapitre, intitulé de l'esprit public en général, M. d'Ussel étudie la formation originale de cet esprit public, l'influence du nombre et de la répartition des grands hommes sur le caractère des sociétés, la propagation des idées dirigeantes, les divers genres d'idéal social, et arrive à formuler plusieurs lois générales de l'histoire loi de communauté de l'idéal dans une même société, loi de spécialité dans les vocations des peuples, loi des cycles, loi de floraison de l'esprit guerrier et de l'esprit religieux aux époques de prospérité; enfin, loi de survivance de l'intelligence à la perte des autres qualités chez les peuples.

Puis, dans une série de chapitres spéciaux, l'auteur passe en revue les grandes personnalités sociales que nous a léguées l'histoire. Dans l'antiquité, il étudie l'esprit public chez les Hébreux, chez les Grecs et les Romains; l'époque de transition le conduit à travers le moyen âge, la féodalité et la réforme, jusqu'au XVIIe siècle, apogée des temps modernes; et l'époque contemporaine lui apporte enfin des éléments d'études palpitants d'actualité, dans l'examen des conséquences de la révolution française, du règne de la bourgeoisie et des aspirations ardentes des démocraties de nos jours. Comme conclusion, M. d'Ussel nous montre l'Europe entière traversée aujourd'hui par deux grands courants d'idées contraires dont la lutte remplit et signale la période contemporaine; d'un côté, le parti de l'histoire, réclamant l'héritage d'un passé riche d'expérience, imposant par l'antiquité de son origine, fécond en gloires et en lumières de toutes sortes; de l'autre, le parti de la démocratie absolue, qui répudie l'expérience du passé, renonce à l'héritage de l'histoire et compte refaire une nouvelle humanité sur des bases nouvelles. Depuis cent ans, les deux principes sont en

lutte au sein des nations de l'Occident, et dans la durée de cette lutte réside une des causes de la prospérité contemporaine. Aucun des deux rivaux n'a encore triomphé de l'autre, et l'on doit espérer que cet équilibre se maintiendra constant, car la ruine absolue de l'un ou de l'autre principe conduirait inévitablement les sociétés à la barbarie ou à la décadence.

On pourra sans doute adresser quelques objections sérieuses à plusieurs des théories analytiques de M. d'Ussel, mais ce ne seront jamais que des objections de détail: le fond de son argumentation restera, et nous devons tenir grand compte à l'auteur du courant de généreuse et patriotique philosophie qui règne dans tout son livre; nous adhérons, en particulier, sans réserve à tout son chapitre sur l'idéal religieux ; il y a là des passages qu'il faudrait citer tout entiers sur les caractères distinctifs qui séparent l'esprit du protestantisme de celui de la communion catholique et qui expliquent comment la vulgarité correcte de l'idéal protestant rend inutile dans cette Église le rôle d'une hiérarchie sacerdotale et d'une institution monastique, chargées de conserver dans son excellence la pureté du type religieux pour l'offrir en exemple aux hommes. L'uniformité apparente dans la composition d'une société, ajoute l'auteur, est un indice certain qui décèle le règne d'un idéal peu élevé.

Le style de M. d'Ussel est net, précis, noble et bien cadencé : celui d'un mathématicien philosophe. Nous conseillons la lecture de son livre à tous ceux qui soupirent après un délassement aux pauvretés de la littérature contemporaine.

RENÉ KERVILER.

DESCRIPTION DE L'ABBAYE DU MONT-SAINT-MICHEL et de ses abords, précédée d'une notice historique, par Édouard Corroyer, architecte du gouvernement. Paris, Dumoulin, 1877. In-8°, xvj-438 p. fig. 9 fr.

Ce magnifique volume, imprimé avec luxe sur papier vergé, et orné de 5 eaux-fortes de Gaucherel, d'un grand plan-carte du MontSaint-Michel en chromolithographie, et de 156 gravures dessinées par l'auteur, doit être le bienvenu aujourd'hui que l'attention géné

rale a été de nouveau rappelée vers l'imposant sanctuaire du MontSaint-Michel, par les fêtes du couronnement. On possédait de nombreuses histoires de l'antique abbaye, mais toutes sans exception contenaient une lacune considérable, celle de l'étude architecturale des édifices qui composent l'ensemble du monastère. Cette étude a pourtant ici une importance essentielle. L'histoire du MontSaint-Michel est écrite sur les murs de son abbaye et de ses remparts. Toutes les grandes époques de son existence sont marquées par des édifices superbes, documents parlants, pour ainsi dire, et qu'il suffit d'interroger pour qu'ils répondent péremptoirement en affirmant leurs origines. Nul mieux que M. Édouard Corroyer, l'habile architecte qui attachera son nom à la restauration complète de ce majestueux monument, n'était capable de procéder à un pareil interrogatoire, et de redresser, chemin faisant, un assez grand nombre d'erreurs historiques contre lesquelles protestent des documents lapidaires incontestables. C'est ainsi que personne jusqu'ici n'avait attribué la construction de la Merveille à son véritable auteur, Jourdain, dix-septième abbé, de 1191 à 1212, dont le nom mérite pourtant de passer à la postérité, non-seulement comme abbé du Mont, mais encore comme architecte, avec tous les honneurs qui sont dus à un si habile constructeur. M. Corroyer a démontré d'une façon irréfutable qu'on attribue généralement à Robert de Torigny les travaux faits par Roger II et à celui-ci les ouvrages de Jourdain. Au milieu de la plus grande confusion, il a produit la lumière, et, ce qui est capital, comme question de principe, il a montré que, tout en consultant avec le respect qu'ils méritent des documents historiques qui pourraient être indiscutables si les édifices qu'ils concernent n'existaient plus, il faut chercher dans l'étude approfondie de l'architecture et de la construction les arguments les plus décisifs et les preuves les plus positives pour déterminer sûrement les origines des divers édifices élevés au MontSaint-Michel, du XVe au XVIe siècle. Un grand luxe de plans anciens et modernes, de dessins, de coupes et de croquis, saisissants par leur relief et leur netteté, accompagnent ces dissertations érudites et présentées sous une forme toujours intéressante, avec des détails

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