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LES LIVRES D'ÉTRENNES

LE CIEL, simples notions d'astronomie, par M. A. Guillemin, 5 édition, in-8°, illustré; NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE, tome III, par Elisée Reclus, in-8", avec cartes et gravures; LE TOUR DU MONDE et JOURNAL DE LA JEUNESSE, année 1877; HISTOIRE D'ANGLETERRE, tome II et dernier, par M. Guizot et Mme de Witt, in-8°, illustré ; CENT RÉCITS D'HISTOIRE DE FRANCE, par M. G. Ducoudray, vol. in-4, illustré; A TRAVERS L'AFRIQUE, par Cameron, 1 vol. in-8°, avec cartes et figures ; — L'expédition du Tegetthoff, par Payer, 1 vol. in-8°, avec cartes et figures; LE GLAÇON DU POLARIS, les FÊTES dans l'antiquité et dans les temps modernes, l'IMAGINATION, la POUDRE A CANON et les nouveaux explosifs, l'OR ET L'ARGENT: cinq vol. in-18, illustrés; - LA VIE VÉGÉTALE, par M. H. Emery, 1 vol. in-8°, illustré ; TABLEAUX ET SCÈNES DE LA VIE DES ANIMAUX, par M. Lesbazeilles, vol. in-4, illustré : Hachette et Cie.

LE CIEL. Cet ouvrage compte déjà plusieurs années d'existence et de succès. La cinquième édition, qui vient de paraître, est de beaucoup la plus complète. Profondément remaniée et refondue, corrigée des quelques inexactitudes qui déparaient les précédentes, elle s'est enrichie des découvertes les plus récentes de l'astronomie, relatives notamment aux phénomènes solaires et à la composition chimique des éléments stellaires, dont les secrets commencent à nous être révélés grâce à cet admirable et nouvel instrument d'observation qui s'appelle le spectroscope.

La plus ancienne des sciences, l'astronomie est toujours la plus nouvelle, et il en sera sans doute longtemps ainsi. Depuis ces antiques astronomes pasteurs qui, par les nuits sereines de la Chaldée, regardaient évoluer les constellations, jusqu'à Le Verrier et au P. Secchi, que de progrès accomplis dans la connaissance du ciel, et combien n'en reste-t-il pas à accomplir encore? A mesure que les instruments optiques se perfectionnent, les astronomes, Colombs célestes, découvrent au sein de l'océan sans rivages du firmament des îles nouvelles, des continents inconnus. Dans cette immensité mobile, tout étincelante de feux dont chacun est un monde, où des millions et des millions de soleils se meuvent dans

TOME XLII (II DE LA 5e SÉRIE).

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une muette harmonie sans jamais se heurter, le télescope de J. Herschell n'a pas entrevu moins de quatre mille voies lactées ou nébuleuses stellaires, réductibles ou irréductibles, amas d'étoiles innombrables, poussières de soleils, archipels au milieu de l'infini océan des cieux! Le plus rapproché de ces amas d'étoiles est cette vaste bande blanchâtre, cette voie de lait, qui ceint le ciel comme d'une écharpe d'argent, et qui, dans les belles nuits d'été, nous apparaît toute constellée de feux pressés. Dans la géographie céleste, c'est ici notre patrie, quelque chose comme notre Europe astronomique, incomparablement plus vaste que l'autre, et dont notre système solaire est une des plus humbles provinces, de laquelle à son tour notre terre, grain de sable perdu au milieu de ces mondes, n'est qu'un imperceptible point! De la terre au soleil, du soleil à l'étoile la plus éloignée de la voie lactée, de notre voie lactée à la plus rapprochée des quatre mille autres nébuleuses, et de l'une à l'autre de celles-ci s'enfonçant toujours plus avant dans le désert lumineux du ciel, — quelle série d'infinis! Un seul chiffre donnera une idée des incommensurables distances qui séparent les étoiles entre elles pour parvenir à notre soleil, la lumière de l'étoile la plus voisine ne doit pas mettre moins de trois années en franchissant 75,000 lieues par seconde! Que sont donc les espaces qui s'étendent d'une nébuleuse à l'autre ! Et tout ce prodigieux ensemble d'étoiles prétendues fixes, de voies lactées, de nébuleuses, tourne et évolue, emporté par la mystérieuse force de la gravitation, autour d'un centre inconnu, décrivant l'infini réseau de ses spirales et marquant les lentes évolutions du temps à cette horloge des siècles, pour laquelle nos années sont des minutes!

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Que de mystères écrasants pour l'imagination la plus téméraire! Insondables abîmes où sombre la plus ferme raison, le génie le plus audacieux!

Et, pour ne parler que de notre petit système particulier, que d'étonnantes merveilles ! Tout d'abord, ce centre vivificateur et illuminateur de notre archipel planétaire, le soleil, sa constitution et ses phénomènes, dont la nature et l'origine sont encore des thèmes à controverses; son noyau, obscur ou non, suivant les hypothèses; sa photosphère ou enveloppe lumineuse, et ses étranges amas grumeleux; ses brillantes et vastes facules; ses taches, déjà connues des anciens Chinois, quelques-unes épaisses

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de milliers de kilomètres et larges de milliers de lieues, faisant le tour de l'astre en vingt-quatre à vingt-huit jours, suivant la latitude, et paraissant affecter une période d'intensité d'environ onze années, analogue à celle de nos phénomènes électro-magnétiques terrestres, notamment de nos aurores boréales; cette chromosphère, ou enveloppe extérieure, qui tient en suspension, à l'état de vapeurs, la plupart de nos métaux et métalloïdes terrestres, et qui lance, sous l'action d'on ne sait quelle force, cet éblouissant feu d'artifice de protubérances rosées, mobiles et colossales fusées d'hydrogène enflammé jaillissant parfois jusqu'à une hauteur verticale de quatrevingt mille lieues, avec la vertigineuse vitesse de trois cent mille mètres à la seconde ! enfin, cette prodigieuse fournaise, dont on ignore le mode de nutrition, dont le P. Secchi évalue la température à quatre et peut-être dix millions de degrés (chiffre contesté, il est vrai), et dont la radiation, par chaque mètre carré de son immense surface, suffirait pour faire mouvoir continuellement une machine de soixante-dix-sept mille chevaux-vapeur, représentant la puissance motrice de la France tout entière, il y a vingt-cinq ans à peine !

Et ces huit planètes, faisant cortège à l'astre roi: Mercure, la plus voisine du soleil et la plus petite; Neptune, la plus éloignée, et Jupiter, la plus grosse; Mars, si semblable à la terre par ses saisons, ses glaces et ses neiges polaires, et ses deux satellites, tout récemment découverts par un astronome américain 2; Saturne, son triple anneau et ses huit lunes, qui doivent composer pour les habitants de la planète, s'il en existe, le plus fantastique des spectacles, et viennent appuyer d'un argument si fort la grande théorie de Laplace sur la genèse des mondes; etc. Puis, ce sont les aséroïdes, débris peut-être d'un astre détruit, évoluant entre Mars et Jupiter, et dont on compte actuellement jusqu'à cent soixante-neuf; les comètes, ces irrégulières du ciel, s'égarant à travers des orbites tellement excentriques que la périodicité de neuf d'entre elles

↑ On annonce qu'avant de mourir, M. Le Verrier aurait découvert par la puissance de ses calculs, comme il lui était déjà arrivé pour Neptune il y a trente et un ans, une neuvième grande planète, qui, se trouvant la plus rapprochée du soleil, n'aurait pu être encore aperçue à cause de la trop vive radiation de cet astre.

2 Cette découverte est postérieure à la publication du livre de M. A. Guillemin, si vite marche la science, laissant en arrière les ouvrages destinés à enregistrer ses progrés.

seulement a pu être constatée; ces autres comètes et astéroïdes, les étoiles filantes, projectiles lumineux qui éclatent soudain comme des obus et tombent en véritables averses à certaines époques de l'année. Puis, c'est notre lune, astre mort, påle fantôme des nuits errant autour de la terre: image de ce que sera celle-ci, ainsi que les autres astres, quand, arrivés à la période de refroidissement, ils seront à leur tour glacés par la vieillesse, à ce point, qu'on a pu comparer les étoiles aux arbres d'une forêt, avec leurs divers degrés d'âge, de croissance et de décrépitude.

C'est enfin notre terre elle-même, à la fois si petite et si grande, qui, si elle a perdu à jamais le titre qu'elle usurpa si longtemps, de centre du monde astronomique, mérite peut-être de conserver celui de centre du monde intellectuel et religieux.

N'est-ce pas de cet atome cosmique, molécule astrale perdue au sein de l'immensité, qu'un autre atome, infiniment plus imperceptible encore, l'homme, a entrepris de s'élever jusqu'à la connaissance de l'univers et de son auteur, de compter et de peser les soleils et de mesurer l'incommensurable espace (il y a en partie réussi)? C'est que, par son corps l'un des plus infimes des êtres vivants, son intelligence, son âme, le fait grand comme le monde, plus grand, puisqu'elle lui fait atteindre par delà le monde physique, jusqu'au monde divin.

L'auteur du livre dont nous venons d'analyser la substance, en nous laissant entraîner par l'incomparable beauté du sujet, M. Amédée Guillemin, peut compter à bon droit parmi les plus intelligents de ces atomes pensants, sinon comme observateur direct et comme découvreur, du moins comme vulgarisateur des découvertes et des observations d'autrui. Il nous en trace le résumé dans un style clair, élégant, parfois chaleureux et coloré, avec la compétence d'un savant, en même temps qu'avec un rare talent d'exposition.

Dans ce brillant tableau des merveilles de la création, il ne manque guère qu'une chose, la mention du Créateur, dont le nom n'est pas même prononcé n'est-il pas convenu depuis quelque temps que « le mot Dieu n'est pas scientifique»? Nous voilà loin de Newton qui, chaque fois que ce nom auguste était prononcé devant lui, le saluait en se découvrant; du grand Kepler, qui terminait l'exposé de ses immortelles Lois astronomiques par la sublime prière que l'on sait. Kepler et.Newton ne seraient-ils pour la science

contemporaine que de petits et faibles esprits, arriérés et obscurantistes », pour parler le jargon à la mode?

A part cette réserve, le livre de M. A. Guillemin mérite d'être lu et relu. Sous sa nouvelle forme, rajeunie et complétée, qui le classe parmi les plus belles publications de la librairie Hachette, il ne peut manquer d'obtenir un regain de succès, auquel ne contribueront pas peu les vingt-deux belles lithochromies, les quarante grandes planches et les 361 vignettes qui ornent le texte, en l'expliquant aux yeux et, par les yeux, à l'esprit.

NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERselle. Dans nos précédents comptes rendus nous avons déjà annoncé et loué comme elle le mérite cette belle publication, qui est en voie de doter la France d'un pendant au célèbre Erdkunde de Karl Ritter. Élève du savant professeur allemand, M. Élisée Reclus a la vaste science de son maître et son talent synthétique, avec une pointe de rêve et d'utopie. Comme lui, il se propose d'étudier la nature et l'homme dans leurs rapports mutuels, dans leur réciproque influence (exagérée par certains), et les trois volumes déjà publiés témoignent de la façon à la fois large et méthodique dont il sait exposer ce difficile sujet. Les deux premiers traitaient de l'Europe méridionale et de la France; le troisième nous offre les tableaux successifs de la Suisse, de l'Empire d'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie, au multiple point de vue de la géographie physique et politique, de l'orographie, de l'hydrographie, de la météorologie, de l'ethnologie, de la linguistique, etc., c'est-à-dire sous ces aspects si variés dont s'est enrichie la géographie contemporaine, bien différente des sèches nomenclatures d'autrefois. Le tout est présenté sous une forme ample et soutenue, empreinte de force et de grandeur, s'élevant jusqu'à une austère poésie, lorsqu'il s'agit de peindre les grandes scènes de la nature, les sublimes paysages alpestres. Forme et fond, c'est là une œuvre qui fait honneur à notre époque et à notre pays. Nous devons savoir gré à l'auteur de ne l'avoir pas gâtée par l'intempestive immixtion d'opinions politiques, sociales et religieuses, dont un reflet atténué se trahit toutefois çà et là.

Un tel livre appelait le concours du burin et de la pointe. Ses intelligents et prodigues éditeurs ne lui ont pas ménagé cet utile complément: huit cartes principales tirées à part et en couleur, plus

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