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Sundgau, votre oncle le burgrave de Kestenberg, et d'autres encore, qui partent ensemble pour se rendre cette nuit en pèlerinage à Jérusalem. Et je vous demande la permission de les rejoindre, car il faut que j'aille avec eux : Dieu nous a imposé cette pénitence. Très-bien, reprit le chevalier, mais à quoi bon ce second cheval que tu as en main?

- Il est à votre service, Monseigneur, s'il vous plaît de faire avec nous le voyage de Terre-Sainte.

Et comme le chevalier semblait réfléchir : Oh! croyez-bien, Monseigneur, qu'il n'y a nul danger pour vous; je le jure par mon baptême. Vos gens n'ont qu'à être ici demain à pareille heure, ils vous trouveront de retour sain et sauf.

Soit, dit le chevalier: j'ai cherché en ma vie bien des aventures, celle-ci ne me fera pas reculer.

Pendant que ses hommes s'efforcent de le dissuader, il saute de son cheval sur celui qu'Otto tenait en bride, et tous deux disparaissent au galop.

Le lendemain, à la même heure, au même lieu, les serviteurs du chevalier attendaient.

Bientôt les deux cavaliers parurent.

-

Prenez soin de Monseigneur, dit Otto, il est un peu fatigué. Le chevalier semblait dormir, sa tête retombait sur sa poitrine et ses paupières sur ses yeux, on l'entendait à peine respirer. On le plaça sur son cheval qu'on avait amené; Otto reprit celui qu'il avait en main la veille, et disparut.

Le chevalier tenait la bride automatiquement, mais son destrier savait de vieille date le chemin de son château et l'y ramena sans broncher.

On débarrassa le seigneur de ses armes et de son heaume: sa barbe et ses cheveux avaient blanchi. La nuit était froide, on fit un grand feu dans l'âtre. A cette chaleur, il rouvrit les yeux, se réveilla el raconta son voyage.

M. le chapelain parut avoir quelques doutes et insinua - trèsrespectueusement que tout cela pouvait bien n'être qu'un

songe.

Le chevalier, sans lui répondre, montra deux objets qu'il rappor tait de son pèlerinage: d'abord, une nappe d'un tissu étrange et qui avait la propriété de la salamandre; jetée dans le feu, elle ne brula pas, elle en sortit plus nette et plus blanche; puis un poignard effilé d'un curieux travail :

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N'y touchez pas, dit le seigneur, cette arme est empoisonnée et tue tout ce qu'elle blesse.

Un louveteau, qu'on avait pris vivant depuis quelques jours, reçut de cette lame une égratignure, et tomba mort.

Ces deux objets, de fabrique orientale, absolument inconnue dans la chrétienté, sont conservés encore aujourd'hui par le fils da chevalier, comme preuves et témoins irréfragables de cet étrange voyage.

Traduit par JEAN Kermalo.

LES PETITES ÉCOLES AVANT LA RÉVOLUTION

DANS LA PROVINCE DE BRETAGNE*

Faits et renseignements divers.

L'attention de nos bénédictins bretons ne semble point avoir été attirée sur la question des petites écoles. Voici seulement un fait que nous trouvons parmi les pièces justificatives de dom Lobineau.

Vers 1113, Brice, archidiacre de Vannes, fut nommé évêque de Nantes. Or, la première année de son épiscopat, les moines de SaintSerge étant venus s'établir à Pornic, un conflit s'éleva entre eux et le clergé de la paroisse au sujet de l'étendue de leur mutuelle juridiction. L'évêque fut chargé d'arranger les questions en litige, parmi lesquelles se trouvait celle de l'école paroissiale. Le clergé séculier en demeura chargé : « Schola, dit le texte, est clericorum ». Ce simple mot ne donnerait-il pas à penser qu'il y avait, dans ce (emps-là, au moins quelques petites écoles tenues par le clergé des paroisses? Le concile de Latran, que nous avons cité, ne viendrait-il pas corroborer ce sentiment?

Nous avons à notre disposition le témoignage d'un seul des hommes appelés, lors du procès de la canonisation de saint Vincent

* Voir la livraison de septembre, pp. 215-224.

Ferrier, au XVe siècle. Or, le témoin raconte que, vers 1417, il avait suivi maître Vincent dans les villes de la Chèze, la Trinité et Josselin, et que, pendant qu'il disait la messe, un jeune prêtre de sa compagnie apprenait aux enfants et aux écoliers les éléments de la religion.Et habebat in comitativá sud quemdam juvenem clericum secularem qui, durante misså Magistri Vincentii, instruebat juvenes, pueros et scholares ad dicendum Pater noster, Ave Maria, Credo, et ad se signandum signo sanctæ crucis. » On le voit, cette instruction est la première de toutes, celle qu'on donne aux petits enfants, aux jeunes écoliers. D'autre part, il n'y eut jamais de collége à la Chèze et à la Trinité. Celui de Josselin est l'œuvre de notre siècle. Nous retombons donc dans les petites écoles.

Arrivons au dix-septième siècle, qui, après les nombreuses misères du seizième, vit un bon nombre d'âmes généreuses s'éprendre de l'amour de Dieu et des hommes, sans oublier l'enfance, dont l'instruction, dirigée d'une manière chrétienne, pouvait produire un grand bien.

Le grand missionnaire breton, Michel Le Nobletz, travailla à établir des écoles dans les paroisses. Vers 1615, il en avait fondé une à Douarnenez. Peu de temps avant de mourir, il écrivit aux notables de cette ville: « N'épargnez, leur disait-il, aucune dépense, quand il s'agit de l'éducation de vos enfants. Choisissez pour les instruire des maîtres vertueux et capables de leur apprendre les bonnes lettres. »

Les deux sœurs du saint missionnaire, Marguerite et Anne Le Nobletz, passèrent une partie de leur vie à instruire les enfants pauvres et délaissés, surtout les petites filles. C'était pour elles une manière d'exercer l'apostolat.

M. de Kerlivio, vicaire général du diocèse de Vannes, né en 1621 et mort en 1685, recommandait souvent à tous, surtout au clergé, l'instruction de l'enfance.

Mile Bouffard, née à Nantes en 1611, entreprit, dit son biographe, et cela uniquement par charité, de tenir une petite école de filles, et fit des merveilles.

Mile Anne-Toussainte de Volvire, se fit aussi maîtresse d'école pendant plusieurs années 1.

Ces grands et bons exemples avaient des échos nombreux partout, dans les villages comme dans les châteaux. Cependant, des besoins toujours renaissants et toujours nouveaux devaient finir par engendrer des pensées plus fécondes et plus larges. C'est ce qui arriva.

M. Jean Leuduger, né à Plérin en 1649, après son initiation au sacerdoce, se fit maître d'école dans son pays natal. L'œuvre des missions l'ayant bientôt emporté loin de ses chers enfants, il leur trouva des mères et des institutrices en fondant la congrégation des Filles du Saint-Esprit, aujourd'hui connue de tous et répandue dans nos paroisses.

Le Père Montfort, né en 1673, fut toujours épris d'un grand zèle pour le soulagement et la guérison des misères humaines. Il se préoccupa souvent de l'éducation de l'enfance. « Depuis longtemps, dit son historien, Montfort était vivement frappé de cette vérité que la bonne éducation de la jeunesse est le remède le plus sûr contre le libertinage et l'irréligion. Il avait toujours aimé les enfants. Luimême se plaisait à les instruire, et l'un de ses principaux soins, dans les missions qu'il donnait, était de pourvoir les paroisses de maîtres et de maîtresses d'école. »

Ses idées s'étaient mûries peu à peu. Avant de mourir, il s'épancha dans le cœur de la première fille de son choix : « C'est vous, ma fille, lui dit-il, que j'ai choisie pour mettre à la tête de cette petite communauté qui ne fait que de naître. Voyez la poule, qui ramasse sous ses ailes ses petits poussins. Avec quelle attention elle en prend soin! avec quelle bonté elle les affectionne! Vous ferez ainsi... » La congrégation des Filles de la Sagesse était fondée.

Saint Vincent de Paul, tout le monde le sait, n'oublia pas plus les besoins de l'enfance que le soulagement des autres souffrances de l'humanité. Aussi, dès 1629, Mlle le Gras, à son instigation, com

1 M. de Volvire était un des membres des Filles de la Sainte-Vierge de Rennes, fondées par M. de Budes en 1674, et dont le but fut primitivement de s'occuper ⚫ des petites écoles à la ville et à la campagne ». (Sem. relig. de Rennes, 1876).

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