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volonté, le dévouement et l'esprit d'association. Tous les confrères présents ont plaint sincèrement les absents: ils les adjurent de ne pas se priver, aux prochaines assises de l'Association bretonne, de l'attrait puissant de ces réunions fraternelles et cordiales.

II. Par décret du président de la République, M. l'abbé Catteau, vicaire général d'Arras, a été nommé évêque de Luçon.

- A l'heure même où paraîtra cette livraison, notre nouvel évêque, Mer Le Coq, fera dans Nantes son entrée solennelle. Nous sommes, à notre grand regret, forcés d'en remettre la relation au mois prochain.

-Nous avons donné, dans notre dernière livraison, un compte rendu de l'importante cérémonie de la consécration de la basilique de Sainte-Anne d'Auray. Le défaut de place nous avait forcé d'ajourner la publication du beau discours prononcé à cette occasion par Mgr l'évêque de Vannes. Nous sommes heureux de pouvoir le reproduire aujourd'hui :

Gaudeamus omnes in Domino diem festum celebrantes sub honore Beate Anne, de cujus solemnitate gaudent Angeli et collaudant Filium Dei!

(Introit de la messe de la fête de sainte Aune.)

ÉMINENCE, MESSEIGNEURS, MES FRÈRES,

D'où nous vient cette invitation? Oh! qu'elle est bien en harmonie avec les pienses ardeurs qui transportent nos âmes! Ne nous en étonnons pas. C'est la voix d'une mère. Écoutons-la. Obéissons-lui. Elle ne saurait toutefois condamner votre déception, qui n'égale pas mes regrets.

Un illustre évêque devait occuper cette chaire, où j'apparais, confus de mon insuffisance. Il me tardait, comme à vous, d'entendre une de ces homélies pleines de doctrine et d'à propos, où la foi chrétienne et le bon goût littéraire, trouvent un aliment substantiel et délicat. Et nous voici réduits à recommander à sainte Anne la précieuse santé du vénéré pontife. D'autres absences imprévues nous imposent autant de sacrifices. Hélas! il en est une qui demeurera sans retour. Le diocèse de Nantes avait grand besoin d'une consolation. Le ciel vient de la lui accorder. Le digne successeur de Mar Fournier recevra, par l'entremise de notre Patronne, lumières et secours pour la haute mission qu'il est très-capable de remplir.

Cela dit, Mes Frères, oublions aujourd'hui les tristesses et les préoccupations avec lesquelles nous aurons à compter demain. Laissez-moi plutôt énumérer les motifs de la joie où l'Église nous convie.

Vous serez largement dédommagés tantôt de la privation que Monseigneur l'Évêque de Poitiers nous cause bien involontairement. Ce ne sera pas la première fois que, du haut de la Scala-Sancta, Monseigneur PÉvêque de Saint-Brieuc charmera, en les édifiant de sa fortifiante parole, les pèlerins de Sainte-Anne.

Eminence, combien je vous suis reconnaissant d'avoir accepté la présidence de cette fête de famille! Elle vous revenait de droit. Nous eussions tous gémi de votre absence. Votre dévotion envers notre Patronne nous était un sûr garant de votre arrivée, qui met le comble à notre commune allégresse.

Messeigneurs, vous emporterez de ce sanctuaire, encore tout parfumé des onctions qu'il a reçues, l'espoir mieux fondé de conduire à bonne fin les entreprises que vous inspireront votre zèle apostolique et votre sollicitude pastorale.

Dans quelques jours, un de mes vénérés Prédécesseurs couronnera, non loin de la cité des Papes, une autre image de notre Patronne. Sa Grandeur eût éprouvé, nous l'espérons, une trop juste satisfaction, en voyant que nous avons compris et exécuté le projet qu'Elle avait conçu. Des années s'écouleront encore avant que l'antique Basilique de SaintMartin ne sorte de ses ruines. Cette œuvre est en bonne voie et en mains sûres. Nous souhaitons au premier Pasteur de l'Archidiocèse de Tours la gloire de faire revivre au tombeau du grand Thaumatuge des Gaules un passé longtemps méconnu. Saluons avec reconnaissance, mes Frères, le pontife assez désintéressé pour ne pas tenir rigueur à la Bretagne d'avoir partagé le manteau de saint Martin!

Nous sera-t-il donné bientôt de voir l'église du Vou national dominer de ses dômes tutélaires la capitale de la France pénitente et revenue de ses égarements? Deux apôtres d'une foi antique, d'une charité incomparable, d'un mérite reconnu, faits pour se comprendre et s'aider dans un ministère écrasant, y mettront tous leurs soins. Le mont des martyrs a été profondément fouillé pour asseoir solidement les larges bases de cet édifice monumental. Puissent son Éminence et Sa Grandeur vivre assez longtemps pour achever ce gigantesque travail! Dieu nous fasse la grâce d'assister aux fêtes grandioses de cette future consécration !

Ce n'est pas, mes Frères, que nous ayons à nous plaindre, en attendant, du sort que le Ciel nous a fait. La solitude elle-même a voulu nous apporter son tribut. Du siége quinze fois séculaire de saint Corentin et de la jeune abbaye de Thymadeuc nous sont venus deux hommes de Dieu, qui ne parviendront pas à voiler de leur habit monacal l'élévation, la science et les vertus qui les distinguent.

Une chrétienté du Nouveau-Monde nous envoie aussi son guide et son père, enfant de la généreuse Bretagne. Avant d'aller évangéliser son troupeau, le pasteur a voulu s'agenouiller aux pieds de sainte Anne. Nos voeux l'accompagneront dans son lointain voyage. Il aimera, comme nous, à se rappeler ce jour de grâces et de bénédictions.

Qu'il est bon, qu'il est agréable de voir tous ces dignes prêtres du clergé séculier et régulier groupés autour d'un éminent Prince de l'Église et de prélats bien aimés! Fils de saint Ignace, de saint François, des Pères de Montfort, Eudes, Libermann, de La Salle, de Lamennais et tant d'autres, je vous salue! Vous êtes pour nous des auxiliaires pleins de vertu, de science et de bonne volonté.

Ne craignez pas que je vous oublie, Messieurs, vous qui servez la France avec honneur et dévouement, au Sénat, dans l'armée de terre et de mer, dans l'administration. Vous prouvez en toute circonstance que l'autorité, dont vous êtes les fidèles dépositaires, mérite le respect, l'estime et la considération qui s'attachent au devoir accompli avec vigilance et fermeté.

Enfin, mes Frères, je vous reconnais à tous des droits incontestables à mes félicitations et à mes remerciements. Chacun de vous a bien voulu entendre mon appel. Et nous voici pénétrés des mêmes sentiments, heureux de cette rencontre extraordinaire, prêts à retourner demain, avec plus de courage et d'espoir, aux postes divers que nous occupions hier,

dans la vie publique ou dans la vie privée. Mais aujourd'hui qu'il nous est fait de si doux loisirs, réjouissons-nous! Gaudeamus !

Les mondains s'amusent et se réjouissent en pure perte. Les uns parviennent difficilement à s'égayer. Ils sont blasés, à l'âge où tout devrait leur sourire. Les autres ne savent que s'étourdir et ricaner. Leurs plaisirs sont creux et caducs: s'ils ont l'éclat des parures élégantes, ils en ont la fragilité. Ils n'élèvent pas l'esprit ; ils ne contentent pas le cœur; ils finissent par troubler la conscience et engendrer le remords. Certaines fêtes dégradent et dégoûtent.

En est-il ainsi, mes Frères, des joies chrétiennes ? Comparez et jugez! Quel calme! O la douce ivresse! c'est un avant-goût de la paix et de la félicité du Paradis. Ouvrons donc librement nos cœurs à l'allégresse: Gaudeamus !

Mais chez nous, enfants du même Père qui est aux cieux, pas d'acception de personnes! Que tous les membres de la famille s'approchent avec confiance! Ils seront les bien venus. Oui, les jeunes gens et les jeunes filles, les vieillards avec ceux qui prendront leur place au foyer domestique et dans la société, que tous louent le nom du Seigneur! Juvenes et virgines, senes cum junioribus laudent nomen Domini!

Viennent donc le riche et le pauvre, l'homme des champs et l'habitant des villes, les parents et les enfants, les maîtres et les serviteurs, tous, tous! En ce cas particulier, d'ailleurs, tout le monde a été à la peine; tout le monde doit être à la joie. L'obole de la veuve et de l'orphelin n'est-elle pas aussi agréable à Dieu que les plus magnifiques offrandes de l'opulence? J'admire sans doute en particulier les richesses artistiques rehaussées de l'écu son des plus nobles familles de mon pays. A côté de ces dons précieux d'âmes charitables qui ne mettront point en doute ma gratitude, j'ai souvenance de quelques pauvres pièces de monnaie prises sur le strict nécessaire et dont l'abandon généreux fut suivi de privations réelles. Dieu nous en tiendra le plus grand compte. Sainte Anne pourrait-elle ne pas rendre au centuple ce qui lui fut offert ainsi? O Mère! ouvrez votre sein à tous vos enfants, ils ont rivalisé d'émulation pour vous préparer cette demeure dix fois trop étroite à pareil jour. Gaudeamus omnes! Gaudeamus in Domino !

Seul, en effet, le souverain Seigneur de toutes choses doit être le principal objectif des aspirations de notre âme des curiosités de notre esprit, des tourments et des ambitions de notre cœur. Le monde entier ne saurait nous suffire. C'est ce que confessait humblement saint Augustin, revenu de loin, après avoir goûté aux fruits plus ou moins savoureux de l'arbre de la science du bien et du mal. Il avait connu la gloire humaine et les tristes retours des choses d'ici-bas: «O Dieu de mon âme, s'écriait-il, c'est vous qui avez fait mon cœur. Je comprends enfin qu'il ne trouvera le repos qu'à la condition de se reposer en vous, son créateur et sa fin suprême. »

Dans nos joies comme dans nos peines, mes Frères, dans toutes nos nécessités, il faut donc recourir au Seigneur. On a beau dire et s'agiter, Dieu nous mène. Le doigt de Dieu est particulièrement empreint sur ces murailles. Digitus Dei est hic. Qui donc a élevé ce monument dont vous avez raison de vous montrer si fiers? Je n'hésite pas à répondre: A Domino factum est istud. Oui, ces pierres, ces marbres, ces boiseries, ces verrières, ces peintures, ces sculptures, l'orgue, les cloches, autant de voix puissantes qui rendent justice à l'adorable Providence. Ah! si

je vous racontais les hésitations, les incertitudes, les perplexités, les augoisses qui m'ont assailli mille et mille fois pendant que vous m'aidiez avec tant de persévérance et d'abnégation à opérer ce prodige, votre admiration égalerait la mienne! Croyez-moi sur parole et réjouissonsnous tous dans le Seigneur: Gaudeamus omnes in Domino!

Et pourquoi cette allégresse universelle?

Ah! c'est que nous célébrons un jour de fête à nulle autre pareille : Diem festum celebrantes. C'est un jour que le Seigneur a fait : Hæc dies quam fecit Dominus; exultemus et lætemur in ea! On en parlera bien longtemps sous le chaume et dans les hameaux les plus inconnus de notre pays. Oui, mes Frères, au sein de nos cités, comme au fond de nos campagnes, on racontera avec enthousiasme, de génération en génération, tout ce qui se passe à l'occasion de la consécration de cette Basilique. Nous y étions, nous aussi, diront à leurs camarades émerveillés ces braves soldats, qui n'auront pas peu contribué à embellir nos imposantes cérémonies et la marche triomphale de notre Statue miraculeuse. Nous ressentimes comme une vertu surnaturelle qui sortait de ce bois vénéré représentant l'Aïeule et la Mère du Fils de Dieu. Et lorsque grondera la tempête, l'intrépide marin, qui s'est fait en ce jour humble pèlerin de Sainte-Anne, tournera ses regards inquiets vers ce phare vraiment lumineux, du haut duquel la Mère et la Fille lui crieront à l'envi: courage! confiance! nous veillons sur tes jours. Souviens-toi que tu as une àme à sauver, et que les flammes dévorantes de l'enfer éternel sont autrement redoutables que la fureur des flots de l'Océan avec tous ses abîmes.

Mes Frères, que cette remontrance maternelle nous soit salutaire à tous! Chantons avec d'autant plus d'ardeur : Gaudeamus in Domino, diem festum celebrantes sub honore Beatæ Anne!

A Dieu le Père tout-puissant tout honneur et toute gloire: Deo Patri omnipotenti omnis honor et gloria! Cependant il n'est pas absolument jaloux du culte relatif rendu à ses saints, qui sont comme autant de miroirs étincelants où se reflètent les merveilles de sa puissance et de sa miséricorde. Mirabilis Deus in sanctis suis! Mais au ciel ainsi que dans les espaces où roulent avec poids et mesure les astres qui forment le monde matériel, il y a clartés et clartés. Or, sainte Anne y brille d'un éclat particulier. Aussi l'appelons-nous bienheureuse, sans chercher à mesurer la distance qui la sépare de sa Fille immaculée.

Et n'allez pas croire, mes Frères, que la terre soit l'unique théâtre des hommages que nous aimons à lui rendre. De tous les coins du pays qu'elle adopta dès les premiers siècles de l'Église, des milliers de pèlerins sont accourus précipitamment vers ce temple, qui renferme un de leurs plus précieux trésors. Ils vénèrent avec nous de cœur et d'âme la Bienheureuse sainte Anne, dont ils connaissent le crédit et la bonté Mais voici bien une autre affluence de vrais serviteurs de la Reine-Mère! Écoutez: De cujus solemnitate gaudent Angeli!

Eh quoi! mes Frères, les anges eux-mêmes ont voulu prendre part à cette solennité, jouir de notre joie, faire leur cour à la Mère de leur Reine! C'est l'Eglise qui l'affirme. Est-il, d'ailleurs, si difficile de souscrire à cette déclaration, qui doit plutôt nous ravir? Car enfin, sans nous exposer à être opprimés par la gloire, en cherchant à pénétrer ce qui est impénétrable, nous pouvons juger par comparaison. Au sein de ces familles patriarcales, trop rares de nos jours, n'aime-t-on pas à fêter tous ceux qui leur ont fait honneur dans le passé? Le culte des ancêtres

y est en quelque sorte inné. Il prend des proportions conformes à son objet. Or, sainte Anne, Mère de la Mère du Christ, mérite des attentions que vous manifestez éloquemment en paroles et en œuvres. Les Anges pouvaient-ils rester insensibles à ces manifestations attendrissantes? Notre fête devait trouver un écho jusque dans le ciel. Oui, les Chérubins et les Séraphins font monter vers la voûte céleste des flots d'harmonie, pendant que la voûte de cette Basilique retentit des mélodies qui nous enivrent.

Les derniers mots du texte de la sainte liturgie sont plus surprenants encore: Et collaudant Filium Dei! Comment! les Anges osent louer et féliciter le Fils de Dieu du triomphe que nous réservions à sa glorieuse Aïeule! Que signifie ce mystère? Quelle sainte audace! Je n'eusse point trouvé le mot de cette énigme. L'Église s'est chargée de nous en instruire. Voici ce qu'elle chante en la fête de sainte Anne: Deus qui beatæ Annæ gratiam conferre dignatus es, ut Genitricis Unigeniti Filii tui Mater effici mereretur, concede propitius ut cujus solemnia celebramus, ejus apud te patrociniis adjuvemur, per eumdem Dominum nostrum Jesum Christum...

Méditons ces paroles, mes Frères. Elles suffisent à justifier l'empressement des Anges auprès du Fils de Dieu. Si notre dévotion envers sainte Anne pouvait grandir encore, ce serait dans la contemplation de ce privilége. Dieu daigne assister sainte Anne de grâces de choix. Sainte Anne y coopère avec un si grand zèle et un amour si parfait, qu'elle mérite de devenir la Mère de la Mère du Fils unique de Dieu. Taisons-nous, mes Frères! Tout commentaire me paraît superflu. Ne serait ce point une témérité ?

Voilà l'explication du crédit immense dont sainte Anne jouit au ciel. Notre confiance en elle a donc un fondement inébranlable. Les bienfaits dont elle ne cesse de nous combler sont autant de gages assurés de sa puissance et de sa bonté. Disons-lui tous ensemble, avec l'Église : Pieuse Mère de la Mère du Christ, protégez spécialement la terre que vous vous êtes choisie. O Mère de la patrie, Anne très-puissan e, soyez le salut de vos Bretons, conservez leur foi, affermissez leurs mœurs, obtenez-leur la paix par votre sainte intercession. Ainsi soit-il ! »

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- Le dimanche 19 août, une autre cérémonie fort touchante rassemblait aux pieds de la patronne de la Bretagne les représentants des cercles catholiques et des autres œuvres ouvrières, acco As des extrémités les plus lointaines de nos cinq départements.

Nous ne décrirons point en détail les différents exc.cices de cette journée, commune à tous les pèlerinages. Qu'il nous suffise de dire que plus d'un millier de membres actifs appartenant à une quarantaine d'œuvres, toutes de la province, se trouvaient groupés autour de leurs bannières et marchaient avec recueillement en chantant les litanies de sainte Anne et de pieux cantiques. Aussi, Mer l'évêque de Vannes, touché de ce concours empressé, avait-il voulu présider lui-même la procession, célébrer la sainte messe et distribuer aux pèlerins le pain des forts.

Après l'évangile, M. l'abbé Laity, aumônier du lycée de Pontivy, développa, dans une touchante allocution, les trois grands devoirs que chaque

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