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du connétable sont des plus connues, des plus nombreuses et des plus belles que possèdent nos archives. M. de Couffon atteste, de son côté, que les signatures des vieux gentilshommes bretons témoignent, en général, d'un rare talent calligraphique dont ne témoigneront jamais les nôtres. Il rappelle les noms des anciens chroniqueurs Villehardouin, Joinville, d'Estouteville, Monstrelet, etc., etc., et, en Bretagne, des deux pères de notre histoire, Alain Bouchart et d'Argentré, qui appartenaient tous à la noblesse. Il constate qu'en Bretagne surtout, les offices qui exigeaient une instruction supérieure et la connaissance des lois, tels que ceux de chancelier, de sénéchal et beaucoup d'autres inférieurs, étaient le plus souvent occupés par des nobles. Un Coëtlogon était greffier sans que cela étonnât personne. MM. Bizeul et de la Borderie avaient déjà rétabli la vérité sur ce point; M. de Couffon la met de nouveau en lumière.

« Ce fut sous Louis X, le Hutin, dit M. de Couffon, qu'eurent lieu les premiers anoblissements par chevalerie. Déjà, sous Philippe le Hardi, fils de saint Louis, les premières lettres d'anoblissement avaient été délivrées. » Est-ce à dire qu'avant Philippe le Hardi, c'est-à-dire avant 1270, la noblesse fût une corporation fermée, une caste? Non certes; elle fut toujours ouverte, largement ouverte ; peut-être même ne le fut-elle jamais plus qu'à l'époque des Normands, à cause des services rendus contre ces barbares par des hommes complétement inconnus la veille. On ne les anoblissait pas, il est vrai, mais on leur conférait des fiefs, ce qui produisait le même effet, parce que la terre, disait-on, faisait l'homme.

C'est ainsi que nous lisons dans la chronique De gestis consulum Andegavorum: Au temps de Charles le Chauve, plusieurs hommes nouveaux et sans noblesse s'élevèrent au dessus des nobles par tout ce qui donne considération et honneur, et devinrent grands

Ce n'est même qu'à partir de 1468 qu'Antoinette de Magnelais figure officiellement sur les comptes des trésoriers de Bretagne, avec cette mention curieuse et caractéristique: Sans être comptable à notre Chambre des Comptes. Nos magistrats apparemment n'entendaient pas raillerie.

1 P. 69.

et célèbres. Charles, les voyant avides de gloire militaire, n'hésitait pas à les mener au devant du danger et à tenter par eux la fortune... Et il prodiguait à ces hommes nouveaux les récompenses et les héritages, qui étaient pour eux le prix de beaucoup de travaux et de périls. A cette race de braves appartenait Tertullus, qui forme la souche des comtes angevins, homme habile à frapper l'ennemi, à coucher sur la dure, à supporter les privations et les fatigues, à ne faire cas ni de l'hiver ni de l'été et à ne craindre que la honte. Ce fut ainsi et en marchant toujours dans cette voie qu'il conquit la noblesse pour lui et pour les siens. >

De qui cependant était fils Tertullus? D'un contadin, d'un homme des champs; et de qui fut-il père? De cette forte race des Plantagenets, la race des Foulques Nerra, des Richard Cœur de Lion, des Édouard III, etc., qui régna sur l'Anjou, la Touraine, l'Aquitaine, la Normandie, l'Angleterre et nous donna, à nous autres Bretons, un souverain dans la personne du comte Geoffroy'.

Les comtes de Carlisle, du nom de Hay, en Angleterre, se font gloire de descendre d'un laboureur qui, avec ses deux fils et les débris de leurs charrues, arrêta les Danois au pied des falaises de la Tay et donna le temps aux Écossais de se rallier et de revenir à la charge.

Dante, le farouche gibelin, s'indignait de ce qu'à Bologne un forgeron faisait souche, et de ce qu'à Faenza, d'une petite graine sortait une noble tige 2. Qu'eût-il dit, s'il eût prévu que d'un banquier de Florence, d'un des chefs du parti populaire qui l'avait banni, devaient naître des ducs et des princes qui mêleraient un jour leur sang au sang des rois 3?

Les Tudors, qui régnèrent en Angleterre après les Plantagenets, avaient une origine un peu moins commune, mais beaucoup moins illustre.

2 Purgatorio. C. XIV, v. 100-102.

Averardo de Medici, qui fut gonfalonier de Florence en 1314, c'est-à-dire du vivant du Dante, appartenait au popolo grasso, c'est-à-dire à la bourgeoisie, et son petit-fils Giovanni, le principal auteur de la fortune des Médicis, était le plus grand banquier de l'Italie et peut-être de l'Europe. lo vi lascio nelle infinite ricchezze, disait-il à ses enfants, e col più magno avviamento che niuno altro mercalante della provincia di Tuscia.

En un mot, la noblesse a été, de tout temps, plus ou moins à la portée de ceux qui s'élevaient au dessus du commun; on n'oubliait pas le vieil axiome qu'une force qui s'isole est une force perdue; et, aujourd'hui, si l'aristocratie de la Grande-Bretagne est la plus puissante de l'Europe, ne le doit-elle pas en partie à ce qu'elle est toujours, par ses nouvelles comme par ses vieilles gloires, l'élite de la nation?

Eh bien! malgré ce recrutement perpétuel, nous entendons dire à chaque instant: la noblesse manque ! On le dit après les croisades, après la guerre de Cent ans, après la Ligue, après les longués guerres de Louis XIV; c'est qu'en effet, la noblesse versait à flots sur les champs de bataille son sang et son argent, et que la ruine, comme la mort, entraînait souvent la dispa rition des familles. M. de Courcy s'est assuré que des 2,084 familles déclarées nobles, lors de la réformation de 1668-1696, il n'en reste plus aujourd'hui qu'environ 600. Que sont devenues les 1,484 autres? Demandez-le surtout à la République et à l'Empire, c'est-à-dire à la Révolution.

Mais nous voici bien loin de M. de Couffon, qui n'avait point à traiter ces questions dans son livre. Je lui fais mes excuses de mes vieilles habitudes d'école buissonnière, et, le félicitant de nouveau de son premier volume, je lui donne rendez-vous au second.

EUGÈNE DE LA GOURNERIE.

Nous n'avons rien à ajouter à cet éloge de l'ouvrage de M. de Couffon, mais nous dirons toutefois que le second volume, qui va bientôt paraître, contiendra plus de deux mille notices concernant les chevaliers bretons, bannerets et simples chevaliers, classés par siècles, depuis le Xle jusqu'au XVI. Ces notices indiquent les actes dans lesquels ils figurent, les dignités dont ils ont été révêtus, les batailles auxquelles ils ont pris part, ainsi que les principales illustrations de leurs familles. En un mot, ce second volume formera un état complet des services de la chevalerie bretonne.

L'ouvrage est tiré seulement à 300 exemplaires, dont le prix, de 15 francs pour les souscripteurs, sera porté à 20 francs après l'apparition du second volume. Dans le premier volume, l'auteur a ajouté aux chapitres concernant les grands officiers du duché de Bretagne, des listes très-considérables de maîtres d'hôtel, de chambellans, d'écuyers, de panetiers et de bouteillers de nos ducs.

LES PETITES ÉCOLES AVANT LA RÉVOLUTION

DANS LA PROVINCE DE BRETAGNE*

Diocèse de Vannes.

4o Nous n'avons point de statuts du diocèse de Vannes antérieurs à ceux que Mgr d'Argouges publiait dans son synode du 22 septembre 1693, et qu'il rééditait quelques années plus tard.

Dans la lettre de publication, l'évêque s'exprimait ainsi: << Les règles que nos prédécesseurs ont prescrites pour le gouvernement de cette Église (de Vannes), qu'ils ont si sagement conduite, et qu'on a depuis renouvellées pendant la vacance du siége épiscopal sont les mêmes que nous vous mettons aujourd'hui entre les mains, pour former les peuples confiés à vos soins 2. »

Voir la livraison d'août, pp. 131-138.

1 Statuts synodaux du diocèse de Vannes, publiés dans le synode général, tenu à Vennes, le 22 septembre 1693, par M" François d'Argouges, évêque de Vennes. Imprimés chez la veuve de Pierre Doriou, imprimeur de Monseigneur et du collége.

M.DC.XC.111.

2 Le 9 mai 1624, Mgr Sébastien de Rosmadec, à l'occasion de sa première visite pastorale, adressait une lettre circulaire à plusieurs recteurs. Dans cette lettre, entre autres choses, on lisait ce qui suit: Les maîtres d'escoles devront aussi nous rendre compte et témoigner de leurs bons comportements, de leur suffisance et de leur assiduité à l'instruction de la jeunesse.

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Or voici le texte de ces statuts, relativement aux petites écoles: Personne ne tiendra l'école et ne s'ingérera dans cet exercice sans nous avoir donné des preuves de sa bonne conduite et de sa capacité, et sans notre approbation par écrit, sous peine d'excommunication. Nous défendons aussi, sous pareille peine, aux maîtres d'écoles d'enseigner les filles avec les garçons, et aux maîtresses d'écoles d'instruire les garçons avec les filles, et de les recevoir en même classe, de peur que ce qui doit conserver dans l'innocence et dans la piété ne soit un piége pour les perdre et les engager dans le vice. Au défaut de maîtres et maîtresses d'école, un ecclésiastique de la paroisse enseignera la jeunesse. Les recteurs feront connaître dans leur prône, aux pères et mères, l'obligation qu'ils ont d'envoyer leurs enfants aux petites écoles, pour les élever chrétiennement et leur apprendre à bien vivre. »

Après le texte, viennent des citations des conciles de Latran, en 1515; de Narbonne, en 1551; de Cambrai, en 1565; de Rouen, en 1581; de Tours, en 1583, etc.

Diocèse de Saint-Brieuc.

5° Les statuts synodaux de Saint-Brieuc, publiés le 5 mai 1723, ne nous donnent pas de renseignements rares et bien anciens 1. Mgr de la Vieuxville constate qu'en arrivant dans le diocèse, il n'a trouvé qu'un exemplaire des ordonnances de 1606 et 1624, et qu'il ne fait guère que les reproduire. Voici ce que nous trouvons sur les petites écoles :

-

« Il n'y a point d'établissement plus avantageux au public que celui des petites écoles. — C'est pourquoi nous exhortons nos recleurs à entretenir soigneusement celles qui sont déjà établies dans leurs paroisses, et à procurer par toute sorte de moyens un secours si nécessaire dans les lieux où il n'y en a point. Nous n'admettons aucune personne à faire, dans notre diocèse, les fonctions de maître et maîtresse d'école, à moins que nous ne soyons assuré de ses

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Statuts du diocèse de Saint-Brieuc, imprimés par l'ordre de Mgr Guillaume de la Vieuxville, évêque et seigneur de Saint-Brieuc. Imprimés à Rennes, chez Pierre-André Cornier, imprimeur-libraire, ou Tolois, à la Bible d'or. M.D.CC.XXIII.

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