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gion, comme conforme en plusieurs choses à l'Alcoran, et la préféra de tout à la papistique? »

Le P. Gabriel prêcha avec beaucoup de fruit dans toute la Bretagne, en Belgique, en Lorraine, à Reims, en Poitou, et enfin dans la chaire même de Notre-Dame de Paris.

Il avait déjà fondé dans cette ville, au faubourg Saint-Jacques, une maison de sa congrégation, qui plus tard en fut le monastère principal, les Anglais ayant abandonné leur maison de Saint-Malo aux bénédictins français de la congrégation de Saint-Maur.

Le P. Gabriel quitta la Bretagne vers 1617. Il fut nommé visiteur de l'ordre de Fontevrault, puis supérieur général des bénédictins anglais.

C'est dans cette circonstance que Marie de Lorraine, abbesse de Chelles, et Louis de Lorraine, archevêque de Reims, obtinrent du roi et du pape que le P. Gabriel fût promu à l'épiscopat et donné pour coadjuteur au cardinal. Il fut sacré au mois de septembre 1618, par Charles de Balzac, évêque de Noyon et suffragant de Reims, assisté des évêques de Troyes et de Bourges, dans la chapelle intérieure du monastère de Saint-Germain-des-Prés, à Paris. Il donna, le 17 juin 1619, sa démission de la prébende de théologal de Saint-Malo. Le P. Josselin de Sainte-Marie, dont le nom patronymique était Paulin Grenwod, lui succéda comme prieur de SaintBenoît de Saint-Malo . Gifford avait le titre d'évêque d'Archidiapole ou Archidale, suffragant de l'évêché d'Héraclée.

En 1622, le siége de Reims vacant, le chapitre le nomma vicaire capitulaire, et c'est en cette qualité qu'il fit les ordinations de 1622 et de janvier 1623. A la fin de janvier 1623, il fut nommé à l'archevêché même de Reims. Il occupa ce siége illustre pendant six ans. Nous savons par un livre de sermons imprimé à Paris, qu'il prêcha dans cette ville l'avent de 1625.-C'est, avec le livre publié en Bretagne, le seul ouvrage que nous connaissions de lui.

Guillaume Gifford, que le catalogue des archevêques de Reims

↑ Archives d'Ille-et-Vilaine.

marque Guillaume V, mourut dans sa ville épiscopale le 10 avril 1629 et fut enterré dans la cathédrale, proche du grand bénitier. Son oraison funèbre fut prononcée par Henri de Maupas, abbé de Saint-Denis de Reims, qui fut plus tard évêque du Puy, et une seconde oraison funèbre lui fut encore consacrée par Guillaume Marlot, auquel on doit une histoire de Reims. Ces deux discours furent imprimés à Reims en 1629.

Telle fut la vie de cet Anglais, qui n'a laissé en Bretagne que des traces tout à fait oubliées depuis la Révolution. Successeur de Louis de Guise, il eut pour successeur sur le siége de Reims Henri de Guise, et demeura presque effacé entre ces figures aristocratiques. Les bénédictins anglais de Saint-Malo, et après eux les bénédictins français qui prirent leur maison, gardèrent seuls son souvenir; chaque année un service solennel était célébré dans leur église pour l'âme de celui qu'ils proclamaient le premier fondateur du monastère.

Le sannales de ce prieuré malouin mériteraient une étude. L'année même de la mort de D. Gabriel, deux de ses moines, un Breton, D. Robert Guillet, de Dinan, et un Anglais, D. Trembic, dit D. Célestin-de-Saint-Jean, moururent de la contagion en soignant les pestiférés de Saint-Malo. En 1641, Dom Ambroise de Berlo, religieux profès de notre prieuré, et qui était revenu dans son pays de Lancastre, pour évangéliser ses compatriotes d'Angleterre, fut martyrisé et écartelé dans sa propre ville. Plus tard et longtemps après l'abandon du monastère de Saint-Malo par les Anglais, ce couvent eut pour prieur Dom Jamin, dont les ouvrages ascétiques se lisent et se réimpriment encore; comme science et comme souffle littéraire, le Dinannais D. Jamin est bien au dessous de D. Gifford: Habent sua fata libelli.

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S. ROPARTZ.

SEMPER FIDELIS

A LA MÉMOIRE DU COMTE ÉDOUARD DE MONTI DE REZÉ

Des honneurs solennels et dignes de son âme,
Trois fois à ce chrétien viennent d'être rendus* :
Prières, pleurs, eau sainte, adieux aux traits de flamme,
Sur son noble cercueil à l'envi répandus.

Le silence s'est fait: levons-nous, c'est notre heure.
Le chant qui s'agitait, nous l'avions maîtrisé ;
La foule n'est plus là: marchons vers sa demeure,
Vers ce toit qui domine et la Loire et Rezé.

Au pèlerin pieux sans crainte ouvrez la porte;
Qu'il entre à la chapelle et qu'on l'y laisse, seul,
Épancher devant Dieu l'hommage qu'il apporte
Au preux que l'on coucha naguère en son linceul.

La Muse est abattue et muette en notre ère,
Où le Mal a du Bien presque éteint le flambeau;
Mais comment aujourd'hui pourrait-elle se taire?
Comment ne pas gémir auprès d'un tel tombeau ?

Comment ne pas crier à notre siècle lâche:

Rougis devant ce mort, grand par sa loyauté!

* A Poitiers, Rezé et Nantes.

« Il soutint sans fléchir son écrasante tâche, < Et qui dira Monti dira fidélité!

De honte courbez-vous devant sa mâle tête, « Vous qui chantiez si haut le royal rejeton:

Il n'a pas comme vous fui quand vint la tempête! « Il n'a jamais trahi comme vous, ce Breton !... »

Mais je retiens les cris dont j'ai l'âme obsédée,
Et, calme, sur la dalle où reposent tes os,
J'aime à te saluer, au nom de ma Vendée,
Toi qui brillas parmi ses suprêmes héros;

Toi que le Chêne vit, au printemps de ton âge,
Sur les pas d'un Charette affronter le péril,

Et qui, les derniers coups tirés dans le Bocage,
Prenais vers le PROSCRIT la route de l'exil.

Aux siennes tu voulais unir tes destinées,

Le lierre s'unit moins aux branches des ormeaux
Et tu vécus ainsi près de cinquante années,
Souffrant, loin du pays, d'inénarrables maux.

Mais ton cœur nourrissait l'invincible espérance
Que le ciel, pardonnant à ce temps effréné,

Ferait enfin monter sur le trône de France

Celui qu'à son baptême on nomma DIEUDONNÉ.

Oh! oui, que Dieu le donne! oh! oui, qu'il le rappelle !
Car nous courons sans trève au gouffre sans retour...
Je l'en prie à genoux dans l'antique chapelle,

Et j'espère: Rezé prie au divin séjour!

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Nantes, 28 août 1877.

ÉMILE GRIMAUD.

LA CHEVALERIE DU DUCHÉ DE BRETAGNE

RECHERCHES SUR LA CHEVALERIE DU DUCHÉ DE BRETAGNE, suivies de notices concernant les grands officiers de la couronne de France qu'a produits la Bretagne, les grands officiers du duché de Bretagne, ainsi qu'un grand nombre de chevaliers bretons, par Alexandre de Couffon de Kerdellech, t. 1er. Nantes, Vincent Forest et Emile Grimaud. Paris, Dumoulin.

La chevalerie est morte, mais son souvenir vit toujours; il se perpétue même entouré d'une auréole dont le temps n'a pu altérer l'éclat. Les révolutions ont beau se suivre, fauchant hommes et choses, les mœurs ont beau se modifier, les coutumes se perdre, la chevalerie conserve intact son prestige, et, si l'on veut peindre, d'un seul trait, le dévouement, la droiture, la générosité et la vaillance, notre langue n'a pas encore trouvé d'autre mot que celui de chevaleresque. Cette remarque ne pouvait échapper à M. de Couffon; elle est comme la pensée mère de son livre; il ne dépend, en effet, de personne de donner aux mots telle ou telle signification; c'est l'œu vre de tous, et le sens admis d'un mot est comme le sceau ineffaçable de l'opinion publique. Voyez, par exemple, Cathelineau et ses braves compagnons; leur nom officiel est brigands, mais leur nom historique est Vendéens, et quel sens est attaché à ce mot? demandez-le au premier venu, et, à moins qu'il n'appartienne à la petite caste de Robespierre, il vous répondra: fidèle et héroïque. L'histoire n'agit pas par décrets, mais par des mots qui restent.

« Si un jeune officier, écrit un juge coinpétent, le général Ambert, demandait à quelque vétéran des conseils sur la conduite à suivre pendant la guerre, la réponse du vieux soldat pourrait être fort simple; il lui suffirait de dire: - Suivez les lois de la chevalerie.

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