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qui avait rapport à la guerre du pays. Ses réponses furent toutes négatives; il eut la fermeté de dire aux juges que sa mort n'entraînerait point la perte du parti du Roi, qu'en mourant le Roi ne perdait qu'un soldat, et qu'il s'en trouverait bien d'autres pour commander. Il est mort avec la force de caractère d'un grand bomme1.

Au mois de novembre 1795, environ quatre mois avant sa mort, il reçut le titre de lieutenant-général et la décoration de chevalier de Saint-Louis. Sa réception eut lieu au château du Lavouer; c'est M. le chevalier de Colbert qui la lui apporta, et lui remit, de la part du Roi, mille guinées.

IX. Quels ont été ses démélés avec Charette, sa conduite, ses procédés envers MM. de Colbert et d'Autichamp?

Je ne puis pas donner de grands renseignements sur la première demande; je sais seulement que leurs premières rixes furent occasionnées parce que M. de Charette voulut se faire nommer généra. lissime, et que M. Stofflet n'y voulut pas consentir; ensuite, il se forma deux partis et on chercha à indisposer toute la noblesse contre le pauvre Stofflet, en l'accusant d'en être l'ennemi, ce qui est faux. Mais je lui ai entendu dire souvent qu'il aimait mieux un bon roturier se battant bien qu'un noble qui fût lâche. Le brave jouissait toujours d'une grande considération auprès de lui; c'est ce qui lui fit choisir pour principaux officiers les Soyer, les Nicolas, les Chalon, etc., au préjudice de beaucoup de nobles qui ne l'aimaient pas.

Au château du Coudray-Montbault (commune de Saint-Hilaire-du-Bois), dans un salon, sur une colonne et au milieu d'un bois-de-cerf, on conserve religieusement une épée que l'on croit avoir appartenu à Stofflet; elle est accompagnée de ce quatrain :

A L'ÉPÉE DE STOFFLET.

Terrible en attaquant, terrible à la défense,

Dans les mains de Stofflet tel fut mon noble emploi;

Et sans la trahison, oui! Stofflet avec moi,

Semblable à la Pucelle, eût reconquis la France !

Il eut envers M. de Colbert tous les égards et l'honnêteté possibles. M. d'Autichamp nous revint joindre environ le mois d'août 1795. M. Stofflet se réjouit beaucoup de son arrivée. Je fus témoin de la première entrevue, qui fut on ne peut plus aimable. Le général, en l'embrassant, lui dit : « Ah! Monsieur d'Autichamp, qu'il y a longtemps que je vous désirais auprès de moi! que je m'estime heureux de vous posséder, et que je serai aise de recevoir vos ordres! » M. d'Autichamp lui répondit dans les termes les plus flatteurs, et dit qu'il ne venait auprès de lui que pour recevoir les siens et servir sous ses drapeaux. Je fus extrêmement sensible à cette entrevue; les attentions de M. Stofflet pour M. d'Autichamp furent continuelles, malgré la malveillance qui chercha à les brouiller.

On remarquera que Coulon garde le silence sur les deux premières interrogations: c'est sa coutume de ne dire que des choses qu'il connaît bien, et cette louable discrétion accroît le prix de son témoignage.

Quel usage a-t-on fait de ces renseignements? Ont-ils trouvé place dans une notice biographique? Nous n'en avons pas encore obtenu la preuve. En tout cas, ils n'y auraient pas gardé leur forme originale. Nous craignons que Mer Soyer, absorbé par les soins de son ministère apostolique, n'ait plus eu le loisir de réaliser le projet de réhabilitation de son général. Aussi est-ce pour nous une véritable satisfaction de livrer ces documents à la publicité : l'impartiale histoire y trouvera son profit.

EDMOND STOFflet.

UN LIVRE DE CONTROVERSE

CONTRE LES CALVINISTES

Le vrai titre du livre dont je vais parler, et dont je n'ai rencontré qu'une mention par trop sommaire dans la seule Gallia christiana, est celui-ci: Traitté singulier pour l'esclarcissement et la résolution de quelques controverses de ce temps: spécialement touchant la predestination et l'autorité de la saincte Escriture, en réponse à la lettre du sieur de Tesserant, capitaine de Pontivy, par R. P. F. Gabriel de Saincte Marie, prieur des Bénédictins Macloviens, docteur en la saincte Théologie et théologal de Saint-Malo. - A Saint-Malo, par Pierre Marcigay, imprimeur de Mgr le révéren. dissime évésque de Saint-Malo, 1613 1.

Un mot d'abord de l'imprimeur. Il y avait une imprimerie à Saint-Malo dans la seconde moitié du XVIe siècle. On cite un opuscule aujourd'hui introuvable, la Vie de saint Malo, par Bili, et qu'Albert le Grand, qui l'avait sous les yeux, dit avoir été imprimé à Saint-Malo en 1555, mais sans relever le nom de l'imprimeur. Dom Plaine cite Marcigay comme établi à Saint-Malo en 1607,

Ce volume appartient à la bibliothèque du Grand Séminaire de Rennes. La bibliothèque de la ville de Saint-Brieuc en possède aussi un exemplaire et j'en ai trouvé un troisième dans le cabinet de M. A. Menard.

date d'une ordonnance de Mgr de Marconnay, évêque de Saint-Brieuc, imprimée chez lui. On connaissait en outre un Propre de SaintMalo, un Rituel romain in-4°, et des Statuts diocésains, imprimés par ordre de Mgr Le Gouverneur.

L'ouvrage sorti de ses presses et que j'étudie à cette heure porte sa marque, que personne n'a relevée : c'est une main sortant d'un buisson d'épines et portant un bouquet de fleurs, avec la devise Ex dolore gaudium. Le volume, dont l'impression n'a rien de remarquable, comprend 375 pages petit in-8° carré; en outre, les liminaires et la table.

Ce livre de pure controverse est tout à fait hors du commun et comme érudition et comme style. Pourtant, nous verrons plus tard qu'il fut écrit hâtivement, et j'ajoute, dès ici, qu'il fut écrit par un étranger. L'auteur, qui signait de son nom de religieux, Gabriel de Sainte-Marie, s'appelait, de son nom patronymique, Guillaume Gifford. Cette famille, venue en Angleterre à l'époque de la conquête, et française d'origine, s'il faut en croire la Gallia christiana, avait occupé des postes éminents dans l'Église et dans l'armée, et tenu constamment un rang notable dans l'aristocratie britannique. Guillaume Gifford naquit en Angleterre, en 1554, puis, quittant ce pays, où la persécution contre les catholiques avait, comme toutes les persécutions, un caractère de sauvage barbarie, il fut envoyé faire ses humanités à Louvain. Il étudia ensuite la théologie en Sorbonne, et s'en alla prendre le bonnet de docteur à l'université de Pont-à-Mousson, que le cardinal de Lorraine venait de fonder et de donner aux jésuites. Il passa sa thèse en 1576, et se rendit à Rome pour compléter ses études. Guillaume Alan, exilé anglais, archevêque de Malines et cardinal, avait profité de son influence, et près des Guise et près du Pape, pour fonder à Reims un collége spécialement ouvert à la jeunesse catholique anglaise, et pour ménager, à Rome même, des relations utiles à ses jeunes compatriotes, exilés comme lui. De Rome, Gifford alla à Milan, où saint Charles Borromée l'admit dans son inappréciable intimité, voulut l'avoir pour compagnon de ses visites pastorales, et le nomma théologien de l'église

cathédrale. Le pape Clément VIII lui donna une mission spéciale en Angleterre, près du roi Jacques Ier. Au retour de cette mission, il fut chargé de l'enseignement de la théologie à l'université fondée à Reims par les archevêques de la maison de Lorraine, dont les efforts pour le maintien des hautes études catholiques, en face de la controverse protestante, n'eurent aucune limite et ne seront jamais assez mis en relief. L'enseignement du théologien anglais jeta un vif éclat, et le volume que nous nous efforçons de ressusciter en cette étude justifie comme érudition, comme clarté d'exposition et de méthode, et comme élégance de style, le jugement que portèrent les contemporains, en élevant Gifford au poste éminent de recteur de l'université de Reims. Il y demeura quelques mois à peine. C'était en 1608; tout d'un coup on le vit descendre de sa chaire, renoncer aux bénéfices qu'il avait en Italie et en Belgique pour se retirer au noviciat des bénédictins anglais.

Après la violente expulsion des monastères, sous Henri VIII, lès bénédictins exilés trouvèrent un asile ouvert, et au Mont-Cassin et dans les maisons que les religieux espagnols de la Congrégation de Valladolid tenaient en Lorraine. Lorsque la mort d'Élisabeth et l'avénement de Jacques Stuart laissèrent aux catholiques l'espoir bientôt déçu d'une liberté féconde, un certain nombre de bénédictins anglais repassèrent le détroit, au moment même où Gifford remplissait près de Jacques ler la mission que lui avait confiée le Pape. Il était resté, en Angleterre, un vieux moine de Westminster, qui avait miraculeusement échappé, sinon aux persécutions, du moins à la mort, sous les règnes de Henri VIII et d'Élisabeth. Suivant une coutume particulière aux bénédictins anglais, qui ne semblent pas avoir conservé leur nom de famille dans le cloître, ce vieux moine, dont le nom -patronymique était Robert Bukleuil, se nommait en religion frère Sigebert. Il fut le lien par lequel les bénédictins anglais réfugiés en France se rattachèrent aux souvenirs de la patrie; leurs jeunes moines missionnaires reçurent de nouveau l'habit des mains de Sigebert. Ainsi fut constituée la congrégation anglicane, sous le titre de Westminster. Le chapitre général de

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