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Il a laissé derrière lui, comme monument de ses travaux évangéliques, plus de cinq cents sermons, mal reproduits, il est vrai, par des analyses latines (lui, orateur populaire, il les avait prêchés en français), mais où, sous ce mauvais latin, on trouve beaucoup de science non-seulement de théologie et de scolastique, de droit civil et de droit canon, mais aussi de science du cœur humain, beaucoup de détails curieux pour l'histoire des mœurs, souvent beaucoup de feu, de verve, d'imagination, parfois une haute éloquence, mêlée ou avoisinée de trivialités, de traits plaisants ou de subtilités dialectiques, qui donnent au style une couleur, une originalité particulière.

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Ces sermons se réimprimèrent souvent jusque vers 1530; ils se soutinrent même au delà pendant près de quarante ans : le pamphlétaire protestant, Henri Estienne, les citait encore avec honneur en 1566.

Le XVIIe siècle les ignora.

Le XVIII, sans les connaître, s'en moqua. Voltaire traita Maillard et autres sermonnaires du XVe siècle d'arlequins en soutane ou en froc. Les abbés Goujet et d'Artigny (jansénistes) ne virent dans leurs sermons que des « farces spirituelles. »

De nos jours, sans les avoir assez étudiés, sans avoir déterminé leur caractère, leur valeur, on a cependant commencé de leur rendre un peu plus justice.

Mais nous n'insistons pas sur ce point. Nous pourrons y revenir dans une autre circonstance. Ici, nous ne voulons nous occuper que des œuvres françaises de Maillard.

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Car il a aussi laissé des œuvres françaises, bien rares, hélas! auprès de l'énorme masse des œuvres latines, trois ou quatre sermons, cinq ou six pièces de vers, sept ou huit petits traités de religion. C'est tout. Seulement, la qualité compense en partie la quantité.

D'abord, les cinq ou six petits volumes qui contiennent ces œuvres sont d'une insigne rareté; trois au moins n'existent que par unité. Puis, au point de vue littéraire, les opuscules de Maillard ont un mérite réel. Le style est clair, la phrase est généralement bien faite,

la composition ne manque pas d'originalité. Il y a souvent de la couleur, du mouvement, de la vie. Bref, c'est, pour son temps, un écrivain d'un mérite très-appréciable.

Or savez-vous combien la Bretagne du XVe siècle compte d'auleurs ayant écrit en français? Je n'en vois pas plus de trois ou quatre le poète Meschinot, l'historien Le Baud, et Maillard. Car on ne peut guère mettre dans le XVe siècle ce naïf chroniqueur Alain Bouchart, qui publia son livre en 1514 et mourut vers 1530. En tout cas, cela en ferait quatre.

N'ayant que quatre écrivains pour un siècle, est-il permis aux Bretons d'en laisser perdre un? Non évidemment. Or Maillard est comme perdu, car le seul de ses ouvrages français un peu accessible au public lettré, l'Histoire de la Passion de Jésus-Christ, réimprimée par Peignot chez Crapelet en 1828, est le moins bon de ses livres; et l'éditeur, non content d'avoir mal choisi, s'est acharné à faire disparaître, par une mutilation singulière, le caractère original de cette composition'.

Au point de vue bibliographique, littéraire, historique et breton, les œuvres françaises d'Olivier Maillard sont donc très-dignes des honneurs de la réimpression. Il y a même là, ce semble, de la part de la Bretagne, une dette à payer à l'un de ses fils qui l'ont le plus honorée dans le passé et dont elle a trop laissé le souvenir s'effacer dans l'indifférence et dans l'oubli.

La Société des Bibliophiles bretons l'a jugé ainsi : elle a admis notre requête en faveur de Maillard. Usant avec discrétion de son bon vouloir, nous ne présentons ici qu'un échantillon des OEuvres françaises du fougueux orateur les Sermons et les Poésies, et nous laissons de côté pour l'instant les petits traités de religion, où il y a pourtant des choses curieuses.

Maillard est avant tout prédicateur: il faut produire d'abord ses sermons, surtout ses sermons français, qui, mieux que les analyses latines, peuvent donner idée de ce qu'il était en chaire. Ceux que

Voir à ce sujet, dans la publication des Bibliophiles bretons (p. 171), notre Bibliographie maillardine.

nous publions le montrent sous deux aspects divers. Dans le sermon de Bruges, célèbre par le hem hem hem, dont on a fait tant de bruit, -il foudroie de son éloquence les murs de Jéricho, la ville maudite, la cité du vice et du péché ; il interpelle, il reprend avec une liberté sans pareille les grands, les riches, les puissants. Shakespeare lui eût dit: Bien rugi, lion! Dans les sermons de l'Ascension et de la Pentecôte, le lion s'est fait agneau. Il n'est plus devant la cité du diable, mais dans la première enceinte de celle du Seigneur. Il parle à des âmes d'élite, à des religieuses: il leur montre Jésus montant au ciel pour en faire descendre l'EspritSaint, qui doit conforter les cœurs, vivifier le monde; il les exhorte à parer l'hostel de leur conscience », pour y héberger dignement le suprême Consolateur. Le dernier sermon surtout, d'une mysticité discrète et fleurie, d'une couleur douce et riante, est un petit chefd'œuvre on dirait un de ces triptyques du XVe siècle, où les anges, les vertus théologales, volent du ciel à la terre et de la terre au ciel dans des nimbes d'or. Le sermon de Poitiers, dont nous donnons des fragments qui ne sont pas sans éloquence, a le mérite d'être entièrement inédit.

Les poésies de Maillard offrent en quelque sorte la conclusion de ses sermons. La Chanson et la Ballade sont de rudes avertissements aux pécheurs, c'est le glas funèbre du jugement que le moine impitoyable sonne dans leurs oreilles. Les deux Chants royaux (inédits), d'un style plus alambiqué, plus entortillé, qui tient au genre, nous montrent, sous une nouvelle forme, les défauts et les qualités de Maillard.

Nous espérons du reste que la Société des Bibliophiles bretons voudra ultérieurement compléter la présente publication, en réimprimant un choix des petits traités religieux de notre auteur. A cette seconde partie de ses OEuvres françaises, nous pourrions joindre une étude complète sur sa vie et ses ouvrages. Car ici nous n'avons dit que l'indispensable. Pour rendre ces notions moins incomplètes, nous allons tout à l'heure reproduire une notice

1 Euvres françaises d'Olivier Maillard publiées par les Bibliophiles bretons, p. 6 à 24.

intéressante et peu connue du marquis du Roure. Avant de lui céder la parole, il nous reste à donner quelques renseignements nécessaires sur la présente publication.

En reproduisant les textes de Maillard, nous en avons religieusement respecté l'orthographe, sans même nous permettre de remplacer u et i consonnes par v et j. Nous n'avons pu garder la ponctuation ancienne, absolument défectueuse et qui rend souvent le sens très-obscur; nous avons de même ajouté, pour la facilité de la lecture, des accents, des apostrophes, des alinéas. Mais, nous le répétons, le texte proprement dit est resté tel quel. Là où nous avons cru voir des fautes typographiques nécessitant quelque correction, nous avons donné en note la version originale considérée par nous comme fautive.

Nous avons mis en note les variantes, les éclaircissements utiles à l'intelligence du texte. Mais, suivant la méthode recommandée par les vrais bibliophiles, au lieu de placer les notes en bas des pages, nous les avons rejetées à la fin des OEuvres françaises de Maillard, avec une série de chiffres de renvoi pour chacune des pièces.

Les deux notices que nous publions après ces notes, ont été composées sur le désir exprimé par la Société des Bibliophiles bretons. La première est une étude sur le Carême prêché à Nantes par Maillard, qui se compose de 57 sermons latins. La seconde est la bibliographie de toutes les œuvres de notre auteur.

L'étude sur le Carême de Nantes permettra d'apprécier, avec justesse et en connaissance de cause, la manière du vieux prêcheur breton, par l'analyse d'une de ses œuvres capitales, qui a avec la Bretagne un rapport direct.

Quant à notre Bibliographie maillardine, nous sommes loin de la croire complète, nous avons essayé de la faire plus méthodique, moins défectueuse que les notices analogues déjà existantes; nous espérons qu'on voudra bien au moins y reconnaître le résultat de recherches très-consciencieuses.

Vitré, 5 août 1877.

ARTHUR DE LA BORDERIE.

UN VENDÉEN

DOCUMENTS HISTORIQUES*

<< L'on attribue des torts à Stofflet de ne pas avoir accepté la pacification, lorsque les deux armées de Charette et Sapinaud la firent. Cela peut être; mais, s'il la refusa, ce ne fut que d'après les dispositions de son armée, qui y était absolument opposée, à l'exception de quelques officiers qui nous abandonnèrent. Guibert en fut un, ainsi que les nommés Trottouin, major-général, Renou, chef de la division des Aubiers, et plusieurs autres. Ce fut M. Soyer aîné qui remplaça le major-général, et feu père Barré, le secrétaire général. Si le général s'est trompé en refusant la pacification, ce n'a été que son attachement à la cause des Bourbons qui l'y a porté; il croyait bien sincèrement que leurs intérêts y étaient compromis.

>> Au sortir du château de la Jaunais, lieu des conférences, nous rentrâmes à Maulévrier, et les autres officiers chacun à son poste. Les ordres furent donnés pour se préparer aux hostilités. La première colonne qui vint sur nous déboucha par Chalonnes. Le général et quelques officiers se réunirent aux divisions de Chemillé et Beaupreau, qui battirent complétement les républicains. Chacun rentra encore dans ses cantonnements.

» Pendant ce temps, la République dressait son plan d'attaque * Voir la livraison d'août, pp. 107-116.

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