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LA FAMILLE DESCARTES EN BRETAGNE, par M. Sigismond Ropartz. — Saint-Brieuc, 1876. 1 vol. gr. in-8°, 238 pp.

On nous a répété tant de fois que le philosophe Descartes était une des gloires de la Touraine, que nous ne pouvons nous habituer à marier ce grand nom à celui d'une autre province. M. Ropartz vient de nous démontrer, preuves en main, que les Poitevins et les Bretons ont quelque droit à le revendiquer aussi comme leur compatriote. Son grand-père, Pierre, était médecin à Chàtellerault, et sa mère, Jeanne Brochard, était fille d'un lieutenantgénéral de Poitiers. René Descartes est bien né en Touraine, chez sa grand'mère Jeanne Sam, ainsi que son frère aîné Pierre, mais sans les troubles de la ligue qui obligèrent sa mère à quitter la Bretagne, sa destinée l'eût fait naître à Rennes, où son père, Joachim Descartes, avait acquis une charge de conseiller au Parlement en 1585.

A partir de cette date jusque vers la fin du XVIII siècle, la famille du philosophe n'a pas cessé de résider à Rennes, dans le Morbihan ou dans le comté nantais. Son père épousa en secondes noces Jeanne Morin, fille du premier président à la Chambre des Comptes de Bretagne, qui lui apporta la propriété de Chavagne en Sucé (Loire-Inférieure), et son frère aîné alla épouser en Basse-Bretagne Marguerite Chohan, dame de Kerbau. Les aînés de ces deux branches siégèrent parmi les conseillers du Parlement et s'allièrent

aux meilleures familles de la province, aux Porcé du Parc, aux Bidé de la Grandville, aux Quilfistre et aux Leprestre.

Les descendants de Joachim venaient souvent passer leurs vacances à Chavagne. Nous en avons la preuve par les nombreuses signatures qui figurent sur les registres paroissiaux. M. l'abbé Grégoire, à qui nous devons une notice bien fouillée sur Sucé, a relevé plusieurs fois le nom de Descartes dans les archives de Sucé. M. Ropartz n'a pas négligé de mettre à profit les recherches de M. l'abbé Grégoire; il a fait appel également à l'obligeance de tous les possesseurs de titres et interrogé les généalogies les mieux établies. La source à laquelle il a puisé le plus largement est celle des registres du Parlement de Rennes, et ses lecteurs ne s'en plaindront pas. Au lieu de passer en revue une froide nomenclature, ils auront l'avantage d'apprendre les principaux épisodes qui ont marqué l'existence assez agitée des magistrats bretons. Nous avons dans le livre de M. Ropartz l'analyse des délibérations qui se rapportent à la Ligue, au procès de Chalais, à la révocation de l'Edit de Nantes, à la conspiration de Pontcallec, au Jansénisme, aux changements de gouverneurs, enfin à tous les conflits qui ont mis la cour souveraine de Bretagne aux prises avec la Royauté ou l'Église. Quelques pages trop rares sont destinées à nous éclairer sur l'influence du Parlement, sur son organisation, sur ses procédés et ses usages. Nous comprenons que M. Ropartz ne pouvait longuement insister sur ce sujet sans faire oublier sa principale étude, mais nous espérons qu'il reviendra sur ce qu'il nous a fait seulement entrevoir. Qui mieux que lui pourra nous peindre le rôle de la magistrature en Bretagne ?

LÉON MAITRE.

Notre compatriote, M. de Couffon de Kerdellech, vient de publier le premier volume d'un ouvrage très-important sur la chevalerie bretonne Recherches sur la chevalerie du duché de Bretagne, etc. (Voir la Bibliographie du mois dernier). Cet ouvrage, fruit de longues années de labeur, et qui se distingue par une érudition aussi consciencieuse qu'étendue, sera favorablement accueilli par tous ceux qui aiment les études sérieuses. Nous nous proposons de lui consacrer un article.

CHRONIQUE

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SOMMAIRE. L'œuvre de Notre-Dame des bons livres à Nantes. Nos conseillers municipaux et l'achèvement de la cathédrale. Le général Forgeot. Mer Leturdu. Le statuaire Barré. Le congrès de l'Association bretonne. Une chapelle de M. Gouëzou à Notre-Damede-Bon-Port. La Société des Bibliophiles bretons. Le bassin de Penhouët et l'Académie des sciences.

Deux sergents-fourriers se promenaient, une fois, dans la salle du musée de Versailles destinée aux portraits des maréchaux de France. L'un, après avoir examiné la figure de Gilles de Rays, puis celles d'Albert de Gondi, duc de Retz, du maréchal d'Estrées et du duc d'Aiguillon, gouverneurs de Nantes, continuait sa revue, lorsque le second, un fourrier de voltigeurs, errant depuis quelque temps dans la salle, lui dit : - Montrez-moi donc le maréchal d'Artagnan.

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- Le maréchal d'Artagnan? fit d'un air assez surpris le sous-officier interpellé, mais il n'existe pas, à moins que ce ne soit le comte de Montesquiou.

- Non pas, non pas, reprit l'interrogateur, le maréchal d'Artagnan le héros des Trois mousquetaires, de Vingt ans après, de Dix ans plus tard, l'immortel d'Artagnan!... Je ne le trouve pas.

Parbleu, mais je le crois bien, puisque je vous répète qu'il n'existe pas, et que le capitaine-lieutenant des mousquetaires de Louis XIV ne doit son bâton apocryphe qu'à l'imagination brillante et féconde du romancier Alexandre Dumas.

Un romancier, un romancier, reprit le voltigeur, soit!... Cependant vous voulez rire, car c'est un roman-historique qu'il a écrit là; par conséquent son livre est vrai, exact, et vous n'êtes pas fort, si vous prétendez connaître votre histoire...

- Eh bien! cherchez tant qu'il vous plaira; comme preuve que j'ai raison, vous ne trouverez rien.

- C'est donc toujours la même chose? continua l'interrogateur peu convaincu; ce musée n'est qu'une galerie incomplète, tronquée, formée

TOME XLI (I DE LA 50 SÉRIE.)

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au choix, à la faveur. Et, haussant les épaules, en signe d'indignation et de pitié, notre homme, murmurant, pestant, maugréant, s'en fut méditer devant la pièce d'eau de Latone, vulgairement nommée le bassin des grenouilles.

L'historiette, réellement vraie, prouve la nécessité d'un guide sûr et sérieux dans le choix des lectures. Le fait, en lui-même des plus insignifiants, importe peu; mais il en est d'autres qui atteignent les principaux personnages de l'histoire, les transforment et les défigurent à plaisir, les présentent sous les couleurs les plus étranges et les plus mensongères, en faussant le jugement et l'esprit avec d'autant plus de facilité, que ces romans-historiques, ces feuilletons sont écrits dans un style élégant et gracieux.

La lecture est passée dans les mœurs de la génération contemporaine. Lire, lire encore, lire toujours, telle est la première nécessité du moment. La presse est devenue une des grandes puissances de notre époque. Le livre même tend à s'effacer devant le journalisme, qui peu à peu prend la première place. Et parmi les journaux celui-là est encore le plus en * vogue, qui donne deux feuilletons, une page de variétés, sans compter les faits divers. Un aphorisme, que démentent formellement, du reste, les magnifiques signatures apposées par les seigneurs de tous rangs au bas des chartes du moyen âge, prétendait qu'un membre de la noblesse « ne savait pas signer, attendu sa qualité de gentilhomme ». Renversons cette absurde proposition et disons qu'aujourd'hui, chacun prend en pitié l'ouvrier négligent, le mendiant paresseux, qui avoue en balbutiant ne pas connaître ses lettres.

Depuis longtemps existait à Nantes, l'œuvre dite des bons livres, dont le nom indique assez le but et l'objet, sans qu'il soit nécessaire de s'y arrêter davantage. Pendant de longues années, cette institution fut à peu près nulle et sans résultats, faute de direction; mais, remise aux mains du R. P. Pottier, elle a pris un développement important qui ne fait que s'accroître. Grâce au dévouement et au zèle du nouveau directeur, l'œuvre de Notre-Dame des bons livres est à la hauteur de sa mission, à la fois civilisatrice et chrétienne, surtout si l'on songe à la modicité des ressources dont elle peut disposer.

Dans l'année 1876, par exemple, le nombre des volumes distribués, pour le département de la Loire-Inférieure, est de 168,398; 20,315 de plus que l'année précédente, avec le chiffre de 58,300 volumes en circulation. La ville de Nantes compte 20 bibliothèques et le département, 13; total, 33.

Non content de faire pénétrer ainsi au foyer de la famille les saines doctrines, les principes de la vertu, l'enseignement de l'histoire, une

agréable récréation, un passe-temps utile, le R. P. Pottier a voulu s'adresser aux hommes, et même aux hommes savants.

Il a établi deux grandes bibliothèques pour cet objet. Tant de questions diverses et multiples surgissent, se traitent et se discutent chaque jour, que, sous peine de rester en arrière et d'avoir parfois à rougir de son ignorance, il faut au moins les effleurer un peu, pour suivre le courant qui nous entraîne.

Indépendamment de nombreux ouvrages, d'un vif intérêt et d'une utilité incontestable, le lecteur, surpris agréablement de la bonne fortune qui lui est ainsi offerte, au prix minime de dix francs par an, y trouvera les Revues suivantes, dont l'ensemble forme une collection des plus variées et des plus intéressantes 1:

1o Revue des questions historiques; 2o Revue du monde catholique; 3o Analecta juris Pontificii; 40 Études religieuses, philosophiques, historiques et littéraires; 5o Nouvelle Revue théologique; 6° Revue des sciences ecclésiastiques: 70 Collection des pièces historiques et mélanges religieux; 8° Revue catholique des institutions et du droit; 9° Association catholique. Revue des questions sociales et ouvrières; 10o Revue catholique de Louvain; 11° Le Contemporain; 120 Revue de Bretagne et de Vendée; 13° Revue des questions scientifiques; 140 Les Mondes; 15o Revue de France; 160 Polybiblion; 17° Revue bibliographique universelle ; 18o Revue de l'Agriculture; 19° Revue littéraire; 20° L'univers pittoresque; etc.;

Des Revues populaires et illustrées, telles que: 1o L'Ouvrier; 2o Les Missions catholiques; 3o La Semaine des Familles; 4o Les Annales Catholiques; 5o Le Clocher; 6o Voyages autour du Monde; 7° Musée des Familles; 8o Le Tour du Monde; 9o Le Magasin pittoresque; 10o Le Foyer, journal de la famille; 11° La France illustrée; etc.

Aussi le chef du diocèse, ne pouvant que féliciter le R. P. Pottier, lui a-t-il adressé, à la date du 7 novembre dernier, la lettre que nous reproduisons :

« Mon Révérend Père,

> J'admire la fécondité et l'ingéniosité de votre zèle. Rien ne le fatigue, tant qu'il y a encore du bien à faire.

> Oui, certes, votre nouvelle création est utile et opportune. Jusqu'ici Vous ne vous étiez pas occupé spécialement des hommes lettrés, des hommes d'étude, désireux de rechercher le vrai sur les grandes questions qui s'agitent aujourd'hui, et se résolvent parfois d'une manière si fâcheuse.

L'une des bibliothèques est située rue Dugommier, 5, et l'autre rue des Carmélites, 21. Elles sont ouvertes tous les jours, sauf les dimanches et fêtes, de 6 à 8 heures du soir.

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