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vations sur une hauteur de huit mètres, je crois, et il se propose de pousser ses explorations jusqu'au sol granitique, au moyen d'un puits à large section.

M. de Quatrefages écrivait dernièrement, dans son livre sur l'espèce humaine, qu'il avait été impossible, jusqu'à présent, de déterminer d'une façon un peu précise la valeur chronologique des couches successives qui se sont formées soit dans les tourbiètes, soit dans d'autres alluvions, et qu'on n'avait aucune manière de déterminer les accroissements annuels ainsi formés. La découverte de M. Kerviler vient, je crois, résoudre ce problème, an moins pour cette partie de la France. Les couches sont de trois à trois millimètres et demi chacune; chaque alluvion est formée de trois pellicules, l'une de détritus végétaux, l'autre de glaise et la troisième de sable: elles correspondent aux alluvions du fleuve pendant les différentes époques de l'année. Les végétaux arrivent à l'automne après la chute des feuilles, le sable et Ja glaise viennent s'y ajouter pendant l'hiver et pendant l'été. Les couches étant, comme je viens de le dire, de 3 1/2 millimètres, il en résulte que 35 centimètres représentent un siècle. Ce qui permet de déterminer d'une manière exacte l'épaisseur et le nombre des couches, c'est que le sable constitue une couche d'isolement; lorsque la tranchee est exposée à l'air, le sable se désagrége et on peut compter les couches, absolument comme les cercles concentriques d'un tronc de sapin.

M. Bertrand a déjà rapporté des blocs d'alluvion de Penhouët et des objets trouvés dans les fouilles, qui sont entre les mains des savants.

Comme je vous le disais, les investigations vont être continuées sur une grande échelle, et avec toutes les garanties scientifiques; j'ai mis à la disposition de M. Kerviler la somme nécessaire pour continuer ses recherches. J'ajoute que déjà on a pu, grace aux objets trouvés à différentes profondeurs, arriver à des résultats chronologiques importants. Ainsi, on a découvert des monnaies de l'empereur gaulois Tétricus, et la profondeur des couches où on les a trouvées, comparée au sol actuel, donne la date de 300 ans après J.-C. C'est à peu près la date à laquelle vivait Tétricus. En allant plus avant, on a trouvé dans une couche de sable plus profonde des épées et un poignard en bronze, une hache en pierre polie avec un manche de corne de cerf, des bois de cerf aiguisés, des pierres percées qui servaient d'ancres à des embarcations, et, étant donné l'hypothèse de 35 centimètres par siècle, ces objets correspondraient au cinquième siècle avant J.-C. C'est aussi à cette époque que l'on peut les rapporter, d'après les données de la science.

Je ne crois pas devoir insister davantage sur l'intérêt qui s'attache à cette découverte, qui permettra de fixer approximativement la fin de l'époque quaternaire sur ce point du globe, et qui suscitera certainement des recherches analogues sur d'autres points de la France et de l'Europe. (Applaudissements.)

Ce discours a été suivi de la distribution des récompenses aux membres des Sociétés savantes des départements. Au nombre des lauréats nous sommes heureux de citer: M Alfred Ramet, de la Société archéologique de Rennes, et M. Edouard Quesnet, archiviste du département d'Ille-etVilaine, promus au grade d'officiers de l'Instruction publique, et MM. René Kerviler et Charles Marionneau, nos collaborateurs, qui ont été nommés officiers d'Académie.

LOUIS DE KERJEAN.

BIBLIOGRAPHIE BRETONNE ET VENDÉENNE

ALMANACH DES SOCIÉTÉS D'AGRICULTURE ET D'Horticulture d'Ille-etVILAINE pour 1877. Calendrier agricole par feu Bodin, etc. In-18, 72 p. Rennes, imp. Oberthur et fils; librairie Verdier.

CHEMINS (LES) DE FER FRANÇAIS DEVANT LE PARLEMENT. Discours de M. Laisant, député de la Loire-Inférieure. In-18, 72 p. Paris, imp. et lib. A Witersheim.

ÉTUDE SUR LE SERMENT JUDICIAIRE ET LE SERMENT PROMISSOIRE, suivant l'ancien droit coutumier de la province de Bretagne; par M. Auguste André, conseiller honoraire à la cour d'appel de Rennes. In-8°, 140 p. Rennes, imp. Catel.

Extrait des Mémoires de la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine.

ÉTUDES SUR UNE SÉRIE D'ANCIENS SARCOPHAGES; par le comte Grimouard de Saint-Laurent. In-8°, 39 p. et 4 pl. Arras, imp. Planque. Extrait de la Revue de l'ari chretien.

FÊTES (LES) DU COURONNEMENT DE N.-D. DE LOURDES, suivi de Prière à Marie pour Pie IX (vers); par un jeune pèlerin. In-8°, 7 p. Les Sables, imp. Lambert.

GUIDEL. Notes archéologiques. Monuments mégalithiques, instruments de bronze, débris romains, régime féodal et ecclésiastique; par l'abbé Euzenot. In-80, 60 p. Lorient, imp. Eug. Grouhel.

HEURE NATIONALE; par Pitre Merlaud. 1re partie. In-8°, xvII-187 p. Nantes, imp. Plédran.

MÉLODIES POPULAIRES DE GRÈCE ET D'ORIENT, avec accompagnement de piano, par L.-A. Bourgault-Ducoudray. Édition de luxe, 10 fr. ; populaire, 7 fr. Paris, H. Lemoine.

édition

MEULEUDI AR INTRON VARIA LOURD. In-32, 16 p. Quimper, imp. Lefournier aîné; lib. Salaun.

EUVRES POSTHUMES DE VICTOR BERNARD. Feuilles mortes, réflexions et pensées; publiées, selon le vœu de l'auteur, par Robert Oheix. In-32, 127 p. Nantes, imp. Vincent et Cie. (Tiré à 100 ex.)

RECHERCHES SUR LA CHEVALERIE DU DUCHÉ DE BRETAGNE, suivies de notices concernant les grands officiers de la couronne de France qu'a produits la Bretagne; les grands officiers du duché de Bretagne, ainsi qu'un grand nombre de chevaliers bretons, par Adre de Couffon de Ker dellech. Tome 1er, gr. in-8o, 580 pp., titres rouges et noirs. -- Nantes, imp. Vincent Forest et Émile Grimaud, édit.; Paris, lib. Dumoulin.

Le prix de l'ouvrage est de 15 fr. pour les souscripteurs. Il sera porté à 20 fr., à la mise en vente du 2 et dernier vol. On paic chaque vol. (7 fr. 50), en le prenant chez l'éditeur.

LETTRES INEDITES DU ROI CHARLES VIII

A LOUIS DE LA TRÉMOILLE

SUR LA GUERRE DE BRETAGNE

Au moment où nous venions d'achever notre étude sur La Trémoille et la guerre de Bretagne, notre excellent ami, M. Léopold Delisle, administrateur-général directeur de la Bibliothèque nationale, a bien voulu nous adresser la copie d'onze lettres inédites du roi Charles VIII, dont il vient d'acquérir les originaux pour le grand et admirable dépôt qu'il dirige avec une science et un zèle connus du monde entier.

Ces onze lettres sont toutes écrites au vainqueur de Saint-Aubin du Cormier, sauf la première qui est adressée à sa femme, et la dernière à un officier de finances, secrétaire de la guerre.»>

La première de ces lettres est d'octobre 1487 et a trait aux derniers jours de la première campagne de Bretagne; elle montre combien était difficile, par les mauvais temps et les mauvais chemins d'automne, l'approvisionnement de l'armée royale en Bretagne: difficulté qui obligea de la retirer du duché presque tout entière pour prendre ses quartiers d'hiver en France.

Les dix autres lettres sont datées de juin à septembre 1488.

Celle du 1er juin (no II) est particulièrement intéressante, parce qu'elle donne le chiffre exact des troupes envoyées de France à cette date pour former l'armée de La Trémoille, chiffre qui monte à 16,092 hommes, sans compter les pensionnaires du roi. Il est vrai qu'il y avait des manquants, parce que tous les capitaines n'étaient pas assez soigneux de « faire retirer leurs gens à leur enseigne »; mais pour la faute qu'ils en font, dit TOME XLI (I DE LA 50 SÉRIE.)

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le roi, nous n'en laissons pas à payer l'argent. » Jaligny dit qu'au siége de Châteaubriant, c'est-à-dire au début de la campagne, en avril 1488, l'armée française était de 12,000 combattants. En observant avec soin tous les renforts mentionnés depuis cette date dans la Correspondance de Charles VIII, nous avions été amené à en porter le chiffre à 15,000 hommes au moment de la bataille de Saint-Aubin (ci-dessus, p. 223); la lettre ci-dessous no Il nous donne pleinement raison.

Les nos III et IV ont trait à la prorogation de la trève qui suspendit, pendant le mois de juin, les hostilités entre les deux partis.

Les nos V, VI, VII, VIII (22 juin à 24 juillet) concernent diverses mesures de détail prescrites par le roi pour augmenter la force de ses troupes et assurer leur bon armement.

Par le no IX (27 juillet) nous apprenons que, quelques jours avant la bataille de Saint-Aubin, un combat (jusqu'ici ignoré des historiens) avait eu lieu entre les gens d'armes du sire d'Albret et un détachement de l'armée française: apparemment ces deux troupes, battant de part et d'autre la campagne en éclaireurs, se rencontrèrent entre Fougères et Andouillé, où le quartier général breton resta jusqu'au 26. On remarquera que cette lettre de Charles VIII a pour objet un acte de clémence, qui confirme tout ce que nous avons dit des dispositions du roi dans notre Légende du souper de La Trémoille.

D'après le n° X, Charles VIII apprit seulement le 2 septembre 1488 la ratification du traité du Verger par le duc de Bretagne ratification que les ambassadeurs français étaient allés dès le 25 août demander au duc. La longueur de ce délai autorise à croire qu'il y eut, au dernier moment, contre ce traité un peu de cette opposition que prévoyait Charles VIII 2. Les louanges et les remerciements que le roi prodigue dans cette lettre à ses auxiliaires suisses prouve l'importance capitale de leur rôle dans cette campagne.

Enfin, cette lettre et la dernière (no XI) montrent que la Bretagne fut évacuée par l'armée du roi au commencement de septembre.

Nous ne saurions trop remercier M. Delisle de cette précieuse communication, qui couronne, en l'éclairant, notre travail et complète la belle publication de M. le duc de La Trémoille.

ARTHUR DE LA BORDERIE.

1 Dans Godefroy, Hist. de Charles VIII, p. 48.

Voir Corresp. de Charles VIII, n° 193, p. 214, et ci-dessus, p. 277.

I

(Laval, 20 octobre 1487.)

A MA COUSINE MADAME DE LA TRIMOILLE '.

Ma cousine, j'ay esté adverty presentement que en mon ost y a tres grande necessité de vivres, par ce que les vivres qui sont és estappes, mesmement à Chasteau Gontier, ne peuvent vuider pour faulte de charroy. Pourquoy je vous prie, sur tout le plaisir que vous me desirez faire, que vous vueillez faire secourir mes commissaires des vivres de Chasteau Gontier dudit charroy, en manière que les vivres qui sont audit lieu en grande quantité puissent estre charriez et menez en l'ost; car autrement l'avitaillement et fourniture desdiz vivres ne se pourroit continuer, qui me seroit ung dommage irréparable, comme assez le pouez entendre. Et en ce faisant, vous me ferez ung tres singulier plaisir ; car à plus grant affaire ne pourroit venir ladicte ayde. Et adieu, ma cousine. Escript à Laval, le xxe jour d'octobre 2.

CHARLES.

E. PETIT.

II

(Angers, 1er juin 1488.)

A NOSTRE CHER ET FÉAL COUSIN LE SIRE DE LA TRIMOILLE, NOSTRE LIEUTENANT, ET A NOZ AMEZ ET FÉAULX LES CAPPITAINES ESTANS EN SA COMPAIGNIE, ET AUTRES QUE Y ENVOIASMES HIER.

De par le roy.

Cher et féal cousin, et vous noz amez et féaulx, pour ce que les seneschaulx et le sieur de Saint André, eux estans par deça et

Gabrielle de Bourbon, femme de Louis II de La Trémoille.

2 Il est constant que Charles VIII séjourna à Laval pendant la plus grande partie d'octobre 1487; le Conseil du roi y tint seance, entre autres, les 4, 6, 8, 11, 12 et 15 de ce mois (Arch. Nat. Vs 1040). On ne voit nulle part, au contraire, que le roi ait résidé en cette ville à aucune époque de l'an 1488.

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