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Nouvelle Revue

VINGT-QUATRIÈME ANNÉE

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LA TRAGÉDIE SERBE

Tandis que la Macédoine, devenue le théâtre des pires atrocités, donnait à l'Europe le spectacle le plus inouï des haines déchaînées, l'élément militaire Serbe fomentait, dans l'ombre, avec mystère, une révolution de palais. L'exécution d'un plan qui fait songer aux pires heures de l'histoire ancienne fut si soudaine et remplie d'une telle horreur que, dans le désarroi des sentiments, on a peine à démêler les vrais mobiles, à peser les responsabilités, à juger impartialement les victimes et les bourreaux. Notre caractère latin, transformé par d'incessants progrès, oublieux de la Rome et des Césars et de nos propres conflits nationaux, s'imagine difficilement qu'au seuil du xx° siècle, une tragédie dans le goût de Byzance puisse être jouée par une petite capitale européenne. Nous avons, en raison de nos idées libertaires, un tel respect de l'individu, que nous concevons mal l'existence de la collectivité obéissant à de brusques sursauts de haine implacable. Ayant rayé de notre intellect toute excuse aux crimes, quels qu'ils soient, nous sommes des psychologues bien empêchés, lorsqu'il s'agit d'étudier l'état d'âme des fractions orientales échelonnées sur les Balkans.

Aussi, est-il arrivé qu'à grands renforts de considérations humanitaires, on a fait le procès des conjurés de Belgrade. Certes, je ne veux pas me faire l'avocat du crime, ni démontrer que les officiers révoltés ont eu raison de tuer le rọi Alexandre et la reine Draga, mais je crois possible d'expliquer ce mélange de barbarie et de discipline qui poussa une poignée d'hommes à verser le sang pour la sauvegarde d'une idée. Je dis que cadenasser trop complaisamment le livre de notre propre histoire française nous conduirait vite à des exagérations ridicules. Qu'on veuille bien se rappeler tous nos «< crimes patriotiques ». Ils débordent sur les annales sanglantes des autres peuples. Et l'étonnement de beaucoup de nos modernes théoriciens à la Jean-Jacques, en ce qui regarde les

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