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L'habille d'un riche habit noir,
Ou de moire, ou de ferandine,
Et désirera, la badine,

Toute excuse et raison à part,
D'avoir la jupe de brocart.
Eh quoi! dira-t-elle, éplorée,
Madame telle, mariée,

Qui plus de bien que moi n'a pas,
A bien pris de plus hauts états.
Que diroit-on de moi, mon père ?
Là-dessus, et parens et mère
Tirent de lui, bon gré, malgré,
De quoi l'habiller à son gré,
Et le mari tout fou encore,
Qui, nouveau marié, l'adore,
Souffre ce grand vol qu'elle prend
Dont à loisir il se repent.....

Un voisin à qui une voisine donne rendez-vous pour passer la nuit avec elle.

Ici l'on ne trouve personne.
Voilà déjà minuit qui sonne;
Nous n'avons plus rien à chercher,
Car le monde s'en va coucher.
Toutefois, par ce clair de lune,
Il faut encor busquer fortune.
Tout s'accorde à notre désir,
Tu t'en vas avoir du plaisir :
Prenons un peu de patience,

Que pas un de nous deux n'avance.
Ecoute ce coup de sifflet,

Cet homme sait bien ce qu'il fait.

Déjà je vois d'ici paroître

Une maîtresse à la fenêtre,

Qui crache, tousse avec éclat,

Jette son pot plein de pissat,

Pour voir si nul ne la regarde,
D'autant que beaucoup il leur tarde
Qu'ils ne soient ensemble tous deux
Pour jouer leurs beaux petits jeux.
As-tu vu de la même porte
Sortir un grand homme qui porte
Une lanterne dans sa main?
Je ne juge jamais en vain:
Je le crois mari de la femme
Que cet autre inquiété réclame,
Et qui lui donne le signal
Pour faire avec elle du mal.

Ce pauvre époux, qui n'aime qu'elle,
Croit son épouse bien fidèle,.
Quoiqu'il soit un petit grossier,
Et comme il est officier,

D'une grande maison voisine,
Il s'en retourne à la cuisine
Après avoir dans sa maison
Porte quelque provision.
Cependant la jeune folâtre,
De son beau galant idolâtre,
En l'absence de son époux
Lui donne quelque rendez-vous.
Vois-tu comme il passe et repasse?
Les plaisans tours de passe-passe!
Sitôt qu'il aperçoit quelqu'un
Pour son dessein trop importun,
Toujours tremblant il se retire
Et n'ose ni tousser ni rire.
Pour l'autre, impatiente aussi,
Tantôt la voilà, la voici;
Elle se retire ou s'avance

Suivant la crainte ou l'espérance,
Et voudroit, pour faire un péché,
Que tout le monde fût couché:
Dés qu'elle voit une chandelle,
Je pense qu'elle est tout hors d'elle,

Dans la crainte que son mari
Ne coupe l'herbe au favori.
Enfin, l'on n'entend plus personne,
Partout l'horloge une heure sonne;
Le galant revient sur ses pas,
Ils se parlent tous deux tout bas;
Elle descend, la porte s'ouvre,

Et dans son manteau qui le couvre
Il entre sans faire de bruit
Pour y passer toute la nuit.. ..

La maison du roi,

pour les tapisseries et manufactures.

Enfin, voici les Gobelins,

Où règnent les excellens vins
Et les bières délicieuses

Pour les buveurs et les buveuses;

Car il est des femmes aussi

Qui viennent s'égayer ici.
Regarde que de lieux à boire,

Et comme un chacun se fait gloire
De s'enivrer gaillardement,
Et de se soûler proprement.
Ici sont petits corps de garde
Pour y rire avec la gaillarde;
Là sont les petits lieux d'honneur
Où vont tous les bourgeois buveurs;
Les cabarets d'où l'on ne bouge,

C'est celui de la Rose rouge,
Du Lion d'or, du Mouton blanc,
Du Dauphin, où le vin est franc,
Du Juste, où Flamands et Flamandes,
Allemands avec Allemandes,

Et plusieurs autres étrangers
S'embarquent sans aucuns dangers.

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Ici l'on trouve toutes choses,
Et tout y flaire comme roses,
Les andouilles, les cervelas,
Les poulets et les chapons gras,
Les grillades et les saucisses,
Dont le palais craint les épices:
Car mettant le palais en feu,
On ne sauroit boire pour peu.
Mais, sans raisonner davantage,
Pour terminer notre voyage,
Allons, ami, nous reposer
Dans ce cabaret, et causer.
Je n'en puis plus de lassitude,
Et suis même en inquiétude
De te voir aussi las que moi,
Nous avons bien marché, ma foi,
Et l'on causera dans le monde
De notre course vagabonde.
Quand nous nous serons divertis,
Quand d'ici nous serons sortis,

Tous deux nous irons dans la couche
Fermer et les yeux et la bouche;

Et si je vais à mon réveil

Qu'il fasse encore beau soleil,

Le beau temps me fera peut-être
Une seconde fois renaître
Le désir de te faire voir

Cent choses que tu dois savoir.
Et puis tu vois que notre course
N'a point intéressé ta bourse;
J'ai commencé de payer tout;
Et je veux aller jusqu'au bout
C'est ainsi qu'un ami doit faire
Alors qu'il a le nécessaire.
Si demain nous courons le jour,
Tu pourras payer à ton tour.
Cependant buvons, je te prie:
Ce vin me donne de la vie,

Et depuis que j'en ai goûté
Je suis en meilleure santé.
Cependant, afin de mieux boire
Et de mieux branler la mâchoire,
Moi-même je m'en vais là-bas
Faire choix de quelques bons plats.
Je sais comme l'on s'accommode,
El quelle est d'ici la méthode.
Quand une fois marché est fait,
On n'a plus l'esprit inquiet
Et l'on ne craint plus, à sa honte,
Que trop haut un écot ne monte.
Bois donc, cependant que j'irai,
Et bientôt je retournerai.

La Promenade de Versailles, ou Entretiens de six coquettes. La Haye (Paris?), 1736, 1737, petit in-12 de 200 pp., plus le titre et la préface.

Ce petit volume est assez rare. Il s'en est vendu, dans une vente faite par Techener en 1869, un exemplaire au prix de 8 francs; un autre exemplaire est conservé à la Bibliothèque de l'Arsenal. L'auteur en serait, dit-on, un nommé de Saint-Paul, mort en 1768, membre de l'Académie de Rouen, et qui avait été mousquetaire du roi. Il raconte six histoires de coquettes fort peu intéressantes. La plus piquante est sans doute la plus courte, celle de la présidente de S***; et c'est la seule qui nous paraisse mériter

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