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duire honorablement chez lui cette femme célèbre, et jugea à propos de finir ses visites.

Le prince Potiron, qui étoit délivré de sa colique, prit son parti sur Tricolore. Tous les oracles, qui avoient paru contradictoires, se trouvèrent vérifiés. Le prince Discret avoit eu la princesse en qualité d'amant, et ne l'avoit pas eue en qualité de mari; c'étoit tant mieux pour elle. Potiron ne l'avoit eue que comme un sot, et même n'en profita point; ainsi il l'eut, et ne l'eut pas : elle lui avoit apporté ses prémices, et cependant avoit eu dix-sept enfants. Discret, par le moyen de la fontaine enchantée, avait cueilli cette fleur si précieuse, quoiqu'il eût été prévenu par le GrandInstituteur. Il avoit reçu la mort de sa maîtresse, et ç'avoit été tant mieux pour lui. Potiron avoit eu la colique bien serrée.

Après de si grands événements, les deux fées allèrent dans d'autres cours; le roi continua de végéter dans la sienne, et la reine passa son temps à se faire achever de peindre.

FIN.

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Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé, traduites du grec de Longus, par Amyot. Paris, 1559, in-8. · Edition revue par P.-L. Courier.

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Longus, romancier grec qui vivait, croit-on, vers le 4° siècle de notre ère, nous a laissé sous le titre de Pastorale, un des romans anciens les plus estimés et qui a été traduit en français souvent et par un grand nombre de savants. De toutes ces traductions, la plus recherchée comme étant celle qui reproduit le mieux l'esprit du texte, est celle qui nous a été donnée par Amyot grand aumônier de Charles IX, évêque d'Auxerre et ami de Montaigne.

Huet, qui fut aussi évêque d'Avranches, blâme, dit Lenglet-Dufresnoy dans son livre De l'usage des Romans, la conduite du roman de Daphnis et Chloé: «Tout y est trop selon la nature et selon l'histoire. C'est ce qui l'empêcha, dans la vivacité de la plus agréable jeunesse, d'en publier la version latine qu'il en avait faite lorsqu'il n'était encore que laïc. Mais Amyot était prêtre; il était abbé et moins scrupuleux. Aussi a-t-il eu la condescendance de nous en donner le premier une version française, qu'il eut soin de faire imprimer magnifiquement pour la rendre plus lisible. On croit même qu'elle n'a paru que depuis son voyage au Concile de Trente et à Rome; ou ce fut du moins pour se mieux préparer à paraître dans cette auguste assemblée. » Il a été fait de très-nombreuses réimpressions de cet ouvrage, et entre autres, une édition populaire a été publiée récemment, au prix modique de 25 centimes, dans la Bibliothèque Nationale. C'est le travail fait par Paul Louis Courier qui, d'après le texte grec de Longus restitué par lui, retoucha et compléta la traduction d'Amyot. Cette édition, mise à un prix si minime, est donc une des meilleures parues jusqu'aujourd'hui, et comme cette pastorale est souvent peu lue par les gens qui la possèdent, nous leur demandons la permission de leur en reproduire ici quelques passages des plus naïfs.

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« . . . . . Revenus à leurs troupeaux, ils s'assirent au pied d'un chêne et regardèrent si Daphnis était point quelque part blessé. Il

n'y avait en tout son corps trace de sang ni mal quelconque, mais bien de la terre et de la boue parmi ses cheveux et sur lui. Si résolut de se laver, afin que Lamon et Myrtale ne s'aperçussent de rien. Venant donc avec Chloé à la caverne des Nymphes, il lui donna sa panetière et son sayon à garder et se mit au bord de la fontaine à laver ses cheveux et son corps.

<< Ses cheveux étaient noirs comme l'ébène, tombant sur son col bruni par le hâle; on eût dit que c'était leur ombre qui en obscurcissait la teinte. Chloé le regardait et lors elle s'avisa que Daphnis était beau..... Elle lui lava le dos et les épaules, et en le lavant, sa peau lui sembla si fine et si douce, que, plus d'une fois, sans qu'il en vit rien, elle se toucha elle même, doutant à part soi qui des deux avait le corps plus délicat. Comme il se faisait tard pour lors, étant déjà le soleil bien bas, ils ramenèrent leurs bêtes aux étables; et de là en avant Chloé n'eut plus autre chose en l'idée que de revoir Daphnis se baigner. Quand ils furent le lendemain de retour au pâturage..., elle voulut qu'il se baignât encore et pendant qu'il se baignait, elle le voyait tout nu, et le voyant elle ne se pouvait tenir de le toucher; puis le soir, retournant au logis, elle pensait à Daphnis nu, et ce penser là était commencement d'amour.....

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Et un jour Daphnis (car si fallait-il qu'il connût aussi la détresse d'amour) prit querelle avec Dorcon. Ils contestaient de leur beauté devant Chloé qui les jugea et un baiser de Chloé

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