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des amis, mais un tyran ne doit se fier à personne pour se conserver en la tyrannie.

<< Il ne faut pas qu'un tyran, pour se maintenir dans la tyrannie, paraisse à ses sujets être cruel, car s'il leur paraît tel, il se rend odieux, ce qui les peut faire plus facilement soulever contre lui; mais il doit se rendre vénérable par l'excellence de quelque éminente vertu, car on doit toute sorte de respect à la vertu, et s'il n'a pas cette qualité excellente, il doit faire semblant qu'il la possède.

« Le tyran se doit rendre tel qu'il semble à ses sujets qu'il possède quelque éminente vertu qui leur manque, et pour laquelle ils lui portent respect. S'il n'a point de vertus, qu'il fasse en sorte qu'ils croyent qu'il en ait. »

Un pot sans couvercle et rien dedans, ou les Mystères du Souterrain de la rue de la Lune, histoire merveilleuse et véritable, traduite du français en langue vulgaire, par Louis Randol (Eusèbe Salverte). Paris, Logerot, an vii (1799), in-8 de VIII-160 pages (les six dernières contiennent un catalogue de romans) et une gra

vure.

Ce livre est une critique assez amusante des romans noirs; le sujet du roman est le diable nouant l'aiguillette. On sait que l'on portait

autrefois des haut-de-chausses attachés avec une aiguillette, et que l'on disait d'un homme qui n'avait pu s'acquitter de certain devoir que le diable avait noué son aiguillette. Cet accident, malheureusement assez commun, n'a guère le don d'éveiller l'interêt; toutefois le volume est bien écrit, humoristique; il rassemble, dans un bref récit, aux déconfitures diaboliques d'amants près de leurs dames et aux mécomptes de ces dernières, plusieurs anecdotes piquantes et peu connues et des aperçus spirituels.

Une vieille, grimpant un escalier d'une maison de la rue de la Lune, prononce ces paroles: Un pot sans couvercle et rien dedans; à l'instant, deux amants touchant au moment suprême, se trouvent dans la situation qu'expriment ces mots fatidiques.

Cette phrase, colportée malignement, produit le même effet sur tous les galants qui l'entendent. De là une suite d'aventures. Les hommes raisonnent savamment sur la cause de ces accidents, mais ils ne la découvrent pas. Les femmes, tout en se déclarant satisfaites de l'amour platonique, cherchent des dédommagements entreelles, mais elles s'en fatiguent vite et déclarent que si elles ne s'en mêlent, les hommes divagueront éternellement sur la cause et l'effet sans aboutir à rien. Elles consultent une magicienne à la mode, qui leur découvre que c'est un tour joué par le diable et qu'il n'y a qu'un homme dans de certaines conditions qui puisse le déjouer. Elles trouvent cet homme. Il est coiffé par la

vieille du fameux pot, mais cette fois elle dit: Un pot sans couvercle et quelque chose dedans. Le diable ne s'attendait pas à cette variante de la phrase, il est vaincu et tout rentre dans le devoir.

Voici quelques anecdotes prises au hasard dans ce livre :

Un jeune homme poursuit une femme de son amour. C'était à une fête; il la bloque dans un cabinet éloigné, la dame fait une longue résistence. Enfin elle faiblit! mais l'amant est à bout de force, il sent qu'il manque à son bonheur ce qu'il faut pour le sceller, alors il feint d'entendre du bruit.... Dieux! on vient!.... Il s'élance, rajuste tout, et disparaît. La dame rentre au salon. Il la querelle sur sa longue résistance, qui, ditil, a tout fait manquer. Elle le croît, et ne sut jamais qu'elle avait échappé à un affront auquel toutes les femmes sont sensibles, quoiqu'elles en disent.

La grande Almérine rit avec son petit amant de la phrase fatale. A force de rire des autres, on se monte l'imagination, le lieu était propice; au début de l'action, la belle avançant la tête vers son aimable nain : Petit, lui dit-elle, quand vous aurez fini, vous viendrez m'embrasser. Entendez-vous? Cette fois, le petit ne vint pas,........

car...

Car l'accident qui était le sujet des propos du jour trottait dans sa mémoire, et, ma foi!....

Mob, l'un des dignes amants de nos merveilleuses, jure qu'en rencontre pareille, il dirait tranquillement: Madame, en avez-vous un autre? Celui-ci ne me fait pas d'effet. Il est le même soir dans le cas d'employer ce mot insolent, mais loin d'avoir ce beau sang-froid, il fait des excuses plus sottes encore que sa position, et s'attire deux soufflets d'une beauté peu endurante.

Dans une compagnie de femmes où il s'en trouvait de goûts différents, on discutait la question de savoir quels sont les baisers les plus voluptueux. Moi, dit une adversaire des Lesbiennes, je suis pour les baisers qui ont un manche.

Un vieux seigneur florentin avait apporté à Paris les goûts de son pays. Vos fantaisies, lui dit son pourvoyeur, nous compromettent diablement. Que ne prenez-vous des filles? Vous en trouverez de bonne volonté, et qui auront pour vous toutes les complaisances.... —Ah! fi donc! mon ami, fi donc! c'est comme si tu me servais à table un gigot sans manche.....

En somme, le volume est assez original pour comporter une réimpression. Déjà l'Anthologie scatologique en avait reproduit une historiette (pages 134-135). Si on ne la fait pas, tout cela va passer, en changeant quelques noms propres et quelques phrases, sous les noms de nos chevaliers de lettres modernes, qui réclameront les bénéfices de la loi sur la propriété littéraire, précisément pour les choses qu'ils y auront puisées.

Recherches historiques sur la personne de Jésus-Christ, sur celle de Marie, sur les deux généalogies du Sauveur, et sur sa famille; avec des notes philologiques, des tableaux synoptiques, et une ample table de matières; par un ancien bibliothécaire (Et.-Gabr. Peignot). Dijon, Victor Lagier, 1829, in-8 de xxIII275 pp.

Publié vingt ans avant la mort de l'auteur et lorsque, pour prix de sa conversion à l'ultramontanisme, il eut obtenu la place de proviseur du collége royal de Dijon et d'inspecteur des études à l'académie de la même ville, ce volume est un pur hommage à la doctrine catholique. Or, on sait que les prêtres n'aiment pas beaucoup que d'autres qu'eux-mêmes se permettent d'enseigner les mêmes choses qu'eux, et que généralement, ils étouffent les ouvrages de ces concurrents dans le silence, ou bien ils y trouvent quelques graves défauts; aussi le livre de Peignot s'éteignit-il dans le silence. Il est devenu assez rare et n'a pas été réimprimé.

Dans sa préface, Peignot débite nombre de capucinades dont aucune ne vaut la peine d'être relevée; quelques détails sur Mahomet, tirés d'un ouvrage de M. Reinaud (Description des monuments du cabinet du duc de Blacas) pourraient seuls faire exception. Ainsi Mahomet (ou pour mieux dire Mohammed) n'était point, comme on l'a prétendu, un simple conducteur de chameaux;

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