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cour du parlement de Bretagne, aagé de 27 ans ou environ, tesmoing produict par ledit sieur procureur général, juré par serment de dire vérité, Dépose connoistre ledit de Renouard depuis les trois ou quatre ans derniers, qu'il l'a veu en la ville de Rennes fréquentant les meilleures compagnies et de gens de qualité; ne luy auroit jamais veu faire ni dire aucune chose contre les bonnes mœurs, et qu'il luy a veu faire toujours les actions d'un bon chrestien et catholique apostolique et romain.....

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Mre Jan Duplessis, escuyer, sieur du Plessis d' Argentré, demeurant en sa dite maison du Plessis, evesché de Rennes et aagé de 29 ans ou envietc... Dépose connoistre ledit de Renouard dès son jeune aage, pour l'avoir veu en la maison dudit sieur de Renouard son père, distante de troys lieues de celle de luy déposant; et depuis l'a veu en la ville de Rennes et ailleurs, où il estoit à estudier et faire son exercice que les personnes de qualité et de noble estraction font aprendre à leurs enfans: le connoist pour homme de bien, de bonnes mœurs et conversation, lequel a tousjours fait les fonctions d'un bon catholique aposto, lique et romain......

Mre Jacques Parris, escuier, sieur de la Haye, conseiller du Roy, son lieutenant civil et criminel tant de la séneschaussée et prévosté de Nantes, y demeurant, aagé de 25 ans ou environ, etc......., - Dépose connoistre ledit de Renouard il y a fort longtemps pour l'avoir veu aux collèges de La Flèche, Rennes et ailleurs, où ils ont esté contemporains et estudioient ensemble, où il ne luy a jamais veu faire, ny oüy dire qu'il ayt faict aucune chose contre les bonnes mœurs, etc., etc....

Il n'y avait qu'à s'incliner devant de pareils témoignages ce que firent sans tarder les gens du roi, qui, le 3 février, consentirent (-14-) à la réception du jeune César, «< faisant au préalable le serment en tel cas requis ». Survint, le 5 février, un arrêt conforme (-15-) de la chambre, semestres assemblés; et la réception solen nelle eut lieu le 10, ainsi que le constate un procès-verbal (-16-) signé des deux con eillers maîtres, Louis du Pont et Jousselin.

La chambre accorda aussitôt au vieux Guy de Renouard des lettres de bonne gestion et des lettres de conseiller honoraire, conçues dans les termes les plus flatteurs. Les dernières portaient que,« soubz le bon plaisir du roy, elle a ordonné et ordonne que ledit Guy de Renouard aura en icelle entière voix et opinion délibérative et qu'il jouira, comme conseiller et maistre honoraire, des

séances, honneurs, privilèges accordez et qui apartiennent aux officiers de ladite chambre. » Après plus de cinquante-deux ans d'exercice, depuis sa réception comme auditeur le 26 novembre 1580, cela lui était bien dû.

Telle était la procédure des réceptions de cette époque et nous inclinons même à penser que César de Renouard fut dispensé d'une partie des épreuves, car nous n'avons rencontré aucune trace dans son dossier, ni de l'examen pratique exigé par les ordonnances de Moulins (1566) et de Blois (1579), ni de la vérification « pour le regard de l'âge par l'extrait des registres des baptêmes et par l'affirmation des plus proches parents qui seront mandés à cette fin. » Les services de son père répondaient pour lui.

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L'HOMME EMBORNÉ

CONTE BRETON

PRÉFACE

Le conte suivant n'est pas, comme ceux que j'ai eu l'honneur de lire aux précédents congrès', un conte purement breton, débité en brezonnek, et traduit de cel idiome pittoresque. L'Homme emborné m'a été raconté, il y a déjà longtemps, par un vieux sorcier de Konkoret, dans le Morbihan, à Konkoret même, ce vrai pays des vrais sorciers et sorcières. D'ailleurs, le nom l'atteste, puisque kored veut dire fées en breton.

Il n'existe pas sous le soleil, dit-on, de pays où les bornes soient plus légères que dans ce bon Morbihan. Les pierres bornales y roulent comme des boules, ou disparaissent comme par enchantement. C'est singulier; mais cela se voit souvent.

Quoi qu'il en soit, ce conte m'a été raconté dans un langage gallo, si je puis dire, dont je n'ai guère pu conserver que le sens exact, orné des traits principaux, empruntés à la verve rustique de mon barde. On remarquera que mon sorcier, dont l'humeur était souvent sombre, comme l'humeur d'un sorcier qui croit à son rôle, se piquait parfois de faire de l'esprit. C'est là le trait caractéristique du conteur Gallo.

Enfin, j'ai choisi ce conte, parce que, né sur la limite du Morbihan, il appartient aussi à l'Ille-et-Vilaine par la situation des lieux où va se passer notre drame villageois.

L'auteur s'adressait aux membres du récent Congrès de Vitré,

I

Il y avait une fois, entre Gaël et Mauron, un vieux journalier qui n'avait qu'un champ pour tout bien, et malheureusement, comme Mathurin était un peu licheur et paresseux, il trouvait son champ trop petit pour la soif qu'il avait, surtout en été. A côté du champ de Mathurin, il y avait un autre domaine, bien plus grand, et qui n'était séparé de l'autre que par une borne plantée entre deux sillons. Ce domaine appartenait à Jacques, un bon paysan de SaintLéry, qui, ayant d'autres biens au soleil, ne venait pas tous les jours du côté de Gaël.

Voilà qu'un beau soir que Mathurin méditait, appuyé sur sa bêche dans son champ, tout près de la borne, il se disait, inspiré par l'envie qui le mordait : Comme mon champ est petit, et comme celui de Jacques est grand! En vérité, il est trop grand pour un seul. C'est une injustice...

Et il se rapprocha de la pierre bornale, qu'il frappa d'un coup de pied. Tiens, dit-il, la borne n'est pas bien solide je crois qu'elle bouge.

Et il donna un second coup de pied :

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Non, pour sûr, elle n'est pas solide; et puis la terre est si molle à cet endroit... Oui, c'est fâcheux, car un pas plus loin, du côté de Jacques, le terrain est plus dur. Ah! si la borne était là, on n'aurait pas peur de la renverser, rien qu'en la poussant... Ma foi, la voilà en bas... maintenant, il s'agit de la replanter.

A l'instant, le diable lui souffla dans l'oreille : Plante-la plus loin, dans le terrain solide.

-Tiens, qui est-ce qui m'a parlé ? dit Mathurin.

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Personne... Je croyais pourtant... Oui, j'en suis certain, on me l'a dit : ma foi, ce sera bien mieux, car tous les sillons se ressemblent.

Et, tout en parlant ainsi, il se mit à faire un bon trou de l'autre côté du sillon, dans le terrain solide, comme il disait.

Mathurin suait à grosses gouttes, afin d'aller plus vite en besogne; car le jour baissait rapidement; et chaque fois que Mathurin se reposait pour reprendre haleine, il entendait encore cette maudite voix lui disant : - Allons, peureux, ne t'arrête pas en si bon chemin.

Enfin, voilà le trou fait à la mesure de la borne, qui avait bien trois pieds de haut. Il n'y a plus qu'à la soulever, à la porter un pas seulement, et le tour est joué; et Mathurin sera riche d'un sillon - de plus... Riche !... mais sa probité aura diminué d'une aune, pour le moins.

Bah! qu'importe !... qu'importe !... personne ne te voit, Mathurin... Personne la nuit sera noire tout à l'heure... Personne ne saura : les nuages sont lourds et bas, et la pluie qui va tomber effacera tout... Personne ne t'épie les sillons mouillés seront pareils demain matin, et le blé poussera... Ah! ah! ah! la bonne affaire !...

Hein! qui est-ce qui rit là-bas ?... Personne. Allons.

Et voilà notre voleur de terre de saisir la borne dans ses bras et de la presser avec force contre sa poitrine, qui en craque. Il l'a presse comme s'il l'aimait ardemment. Il la soulève; il la porte; il se baisse au-dessus du trou et ouvre les bras: la voilà !... Non! malheur !! La borne ne glisse pas la borne se cramponne aux OS de Mathurin, comme la convoitise à son âme. Il recule, rompu, stupéfait, stupide. Il se secoue comme un cheval éreinté sous le harnais. Rien, rien ne bouge : la pierre est greffée sur ce tronc vivant.

Malédiction! hurle le voleur; qui viendra me délivrer? .Personne. J'étouffe, je meurs; au secours! Personne. Je n'ai voulu que plaisanter. A l'aide, ami Jacques; reprends ton sillon et ta borne. Personne la nuit est sombre et personne ne passe sur le chemin.

:

Bientôt, brisé par la fatigue et la terreur, Mathurin s'affaissa avec

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