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ces dégradations, légères d'ailleurs, que le temps a fait subir à l'antique original, qui ne prêtent à la comparaison, avec cette différence toutefois que ces détériorations sont l'inévitable résultat de l'action des siècles, tandis que les blessures bien autrement graves dont la moderne copie porte encore les cicatrices, sont l'œuvre des hommes et de leurs fureurs...

Sans sortir de Nîmes, M. de Rochebrune rencontrera plusieurs autres monuments dignes d'exercer son beau talent la Tour Magne, le Temple de Diane, la Porte d'Auguste, et surtout ces superbes Arènes, dont les soixante arcades superposées pouvaient porter, sur leurs trente-cinq rangées elliptiques de gradins, vingtcinq à trente mille spectateurs !

Il y a là pour notre éminent artiste vendéen de quoi composer tout un magnifique album.

LUCIEN DUBOIS.

L'UNIVERSITÉ DE NANTES

LA FACULTÉ DES ARTS *

1

L'enseignement de la faculté des Arts comprenait le cercle de connaissances que nous désignons aujourd'hui sous le nom d'humanitės; il débutait par le latin et le grec, se continuait par la rhétorique et la géographie et se terminait par la logique et l'histoire naturelle. Le titre de maître ès arts répondait à notre qualification moderne de docteur és lettres. Cette faculté servait d'introduction à toutes les autres; il ne faudra donc pas s'étonner qu'elle tienne la plus grande place dans l'histoire de l'Université bretonne. Les plus grandes faveurs de la ville ont été pour elle, et je ne crois pas me tromper en disant que les écoles en 1462 annoncées par le duc François II dans ses lettres de confirmation, ne sont autres que le collége de Melleray 3.

Ce collége fut adopté, comme celui de Saint-Jean, par la faculté des Arts, qui concentra ses leçons dans ces deux établissements. Convaincus que la concurrence est la mère de l'émulation, les ré

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1 Sous le nom de philosophie on comprenait alors les mathématiques, l'arpentage, l'hydrographie et la construction des vaisseaux. C'est la division d'Aristote.

>

2. En vertu d'icelles ladicte Université constituée establie et assise en tout exercice en nostre dicte ville et cité de Nantes en laquelle nous avons ja faict préparer et construire les escoles. Depuis la publication de mon premier article, j'ai pu retrouver aux archives d'Ille-et-Vilaine une petite plaquette imprimée au dernier siècle à Rennes, qui contient le texte des lettres de François II et des lettres de confirmation des rois de France avec quelques arrêts du Parlement. Arch. d'Ille-et-Vilaine, série C., 1316.

3 Magister Carolus Gaurays, facultatis artium in pedagogio de Melleray regens. Extrait du registre de l'année 1502, série D. Arch. de la Loire-Inf.)

gents et docteurs de l'Université avaient stipulé, au premier article des statuts de la faculté des Arts, qu'il y aurait deux colléges à Nantes et que les examinateurs de chaque aspirant aux grades seraient pris, deux dans un collége, et deux dans un autre. En opposant ainsi les maîtres aux maîtres, on se mettait à l'abri de la routine, ou du moins de la somnolence.

Le mouvement admirable qui, au XVIe siècle, porta tant d'esprits cultivés vers l'étude des chefs-d'œuvre littéraires et artistiques de l'antiquité, se fit sentir en Bretagne comme ailleurs, et eut son retentissement jusque dans le monde des écoliers. Les jeunes intelligences elles-mêmes poussèrent le désir d'apprendre jusqu'à la passion et accoururent en foule aux leçons des Universités. C'est alors que, pour venir en aide aux établissements trop étroits de la ville de Nantes, un généreux ecclésiastique offrit les bâtiments de son bénéfice. Olivier Richard, docteur ès droits et grand vicaire du diocèse de Nantes, abandonna en 1519 la jouissance du prieuré de Sainte-Croix dont il était pourvu, y compris les maisons et jardins qui en dépendaient, afin d'y installer un nouveau collége. Un régent en prit de suite possession et y demeura pendant sept ans, entouré d'une nombreuse jeunesse. Dans une requête qu'il adresse à la ville, vers 1526, pour obtenir une avance de 400 livres, il rapporte que l'école de Sainte-Croix renferme 300 écoliers, « tant pansionniers que caméristes, venus de divers lieux 1. >>

L'abbé de Marmoutiers, duquel relevait le prieuré de Sainte-Croix, et le roi, qui était successeur des princes de Bretagne fondateurs, donnèrent leur assentiment à la démission consentie par le grand vicaire Olivier Richard, mais la cour de Rome ne jugea pas à propos de ratifier cette sécularisation. L'usage de convertir les bénéfices ecclésiastiques en dotations était alors une innovation. Cinquante ans plus tard, la proposition n'eût pas rencontré la même résis

tance.

Privé de tout espoir de ce côté, le conseil des bourgeois chercha en vain pendant plusieurs années des bâtiments assez vastes pour 1 Arch. municip. de Nantes, série BB, liasse 3.

remplacer l'école Sainte-Croix. La ville n'ayant aucun terrain disponible, il fallut choisir dans les immeubles situés hors l'enceinte, el on jeta ses vues sur l'hôpital de Saint-Clément. Les chanoines de la cathédrale, qui en étaient propriétaires, voulurent bien entrer en arrangement, et, le 29 juillet 1555, l'acquisition fut conclue par la ville. Cinq ans auparavant, elle avait déjà acquis les écoles de droit de la rue Saint-Gildas. Malgré ces sacrifices, les bourgeois étaient encore disposés à supporter de nouvelles dépenses pour établir leurs colléges dans une situation qui ne laissât rien à désirer. Suivant les délibérations du 11 juillet 1557, on fit venir de Paris, pour une période de trois ans, quatre régents et un principal, qui prirent de suite logement dans les bâtiments de l'hôpital Saint-Clément. Le miseur devait leur compter 700 livres pour la première année et 600 livres pour les deux autres. Pour montrer qu'il s'intéressait à la prospérité du nouveau collége, bien qu'il fût entièrement laïque, l'évêque de Nantes déclara que le clergé contribuerait à son entretien par la cession de l'un de ses bénéfices, et accorda en dotation les revenus du temporel de la cure de Saint-Julien de Vouvantes 1.

Quelques années après, la municipalité se trouva dans l'obligation de faire de nouvelles dépenses pour relever le collége SaintJean, que le scholastique de la cathédrale laissait tomber en ruines, par suite sans doute de l'insuffisance des revenus. Elle n'hésita pas à prendre à sa charge les frais de réparation des bâtiments, et les mit en état de recevoir des écoliers en 1582 2. Dans la requête qu'elle adressa à l'évêché, elle dit que son intention est « d'augmenter et » perpétuer l'exercice littéraire, animer et enflammer la jeunesse å » l'étude des lettres, et par mesme moyen semer entre les escholiers » et estudians des deux colléges, une saincte envie et une louable > jalousie à qui mieulx 3. »

Après cet acte de générosité, il ne lui fut pas difficile de s'emparer

1 La ville recevait elle-même par son miseur ces revenus, qui entraient en compte dans la subvention fournie au principal.

2 Ce collége fut conduit par trois maîtres ès arts.

3 Travers, Hist. de Nantes,

de l'établissement, car le scholastique n'osait plus se dire maître d'une maison qu'il n'entretenait pas. La sécularisation du collége Saint-Jean s'accomplit ainsi sans bruit. Les magistrats de la ville nommèrent un principal et rédigèrent les règlements auxquels les maîtres et les élèves devaient se conformer. Ces prérogatives leur restèrent sans contestation jusqu'au milieu du XVIIe siècle.

Il faut supposer que le collége de Melleray tomba en décadence au moment où la ville élevait les deux maisons que je viens de citer, car il ne figure plus parmi les établissements universitaires de Nantes dans la seconde moitié du XVIe siècle.

Les étudiants, au lieu d'aller s'interner dans les colléges de SaintClément et de Saint-Jean, peut-être un peu exigus, préféraient souvent se mettre en pension chez des particuliers, nommés pédagogues, qui leur laissaient plus de liberté. Les principaux des deux colléges vécurent en bonne intelligence avec ces rivaux, tant qu'ils restèrent dans leurs véritables attributions, et ne reçurent qu'un petit nombre de pensionnaires, mais lorsqu'ils les virent se poser en concurrents sérieux et prétendre à l'enseignement des humanités, dont ils étaient exclus, ils les dénoncèrent au prévôt de Nantes, conservateur des priviléges de l'Université, qui, en 1561, les fit rentrer dans l'ordre.

En 1583, la guerre se ralluma, cette fois entre Jacques Macé, principal du collège Saint-Clément, et quatre pédagogues du faubourg Saint-Clément, qui n'eurent pas plus de succès que les précédents. Le prévôt de Nantes dans sa sentence leur rappelle que les seules écoles publiques reconnues dans la ville de Nantes et ses faubourgs sont celles de Saint-Jean et de Saint-Clément ; qu'ils ne doivent enseigner à leurs pensionnaires d'autres connaissances que la lecture, l'écriture et le calcul; et que pour les autres leçons ils doivent les conduire aux colléges ci-dessus indiqués, aux heures des classes, en payant à chaque principal les droits fixés, et leur défend de recevoir dans leur pédagogie plus de six ou sept élèves pensionnaires. Le parlement de Rennes, à qui l'affaire fut soumise en appel, confirma cette doctrine, par un arrêt en date du 13 août 1587.

Pour justifier le monopole qu'il revendiquait, le collège Saint

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