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hérétiques.

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<< Il n'a pas tenu à ces messieurs que je n'aie pris le turban, disait Louis XIV.

Caumartin n'appartenait pas à cette génération d'évêques courtisans; il se distingue de plusieurs d'entre eux par l'intégrité de ses mœurs, et du plus grand nombre par ses connaissances étendues; mais lui aussi est fils et frère d'intendants et commissaires du roi, habitués à rendre à César autant et plus qu'il ne lui appartient. On ne le voit point d'ailleurs prêcher, évangéliser comme beaucoup d'autres moins heureusement doués sous les rapports de la science et du talent. Prompt à s'enfermer avec sa sœur, madame d'Argenson, qui est atteinte de la petite vérole et qu'évite prudemment tel autre membre de sa famille, il n'eût pas moins fait, sans doute, pour ses diocésains, et l'on ne peut lui en vouloir si l'occasion lui a manqué; mais le dévouement sait prendre toutes les formes. Quelle forme prit le sien? L'histoire ne le dit pas. Riche par son évêché, par sa famille, par ses abbayes, on ne cite aucune grande création qui soit attachée à son souvenir. Avec ses qualités et ses défauts, il me semble occuper un point intermédiaire entre les prélats gangrénés de 1682 et ces fermes évêques du XVIIIe siècle, qui ne craignirent pas d'entrer en lutte, pour la vérité, avec les parlements, quelquefois avec les ministres, et sauyèrent ainsi la France de l'hérésie à laquelle Caumartin ouvrait timidement la porte.

EUGÈNE DE LA GOURNERIE.

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Aussi vieille que laide et dont le vent disloque

La lucarne béante et les pignons boiteux :

Les passants en ont peur ! · Cette horrible masure,
Outrageant à la fois mes yeux et la nature,

Presque avec volupté je viens de l'acquérir,
Pour la faire raser, sans pitié.

C'est justice!

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J'ai vu, branlants comme eux, des lits à deux étages;

Au foyer délabré, toutes sortes de pots

Ébréchés, mais luisants, et contre les murailles

Jésus crucifié, le portrait du vieux roi,
Et d'un même imagier d'héroïques batailles.
Le peuple, mieux que nous a conservé sa foi:

Il cache un plus grand cœur dans un corps plus robuste.
-Sur des braises de tourbe une femme apprêtait

La bouillie à ses gars, et j'arrivai tout juste

Au moment où l'un d'eux plus vorace y goûtait.
Mon sourire avorta : dans ce logis rustique,
La fermière vivait depuis plus de trente ans,
Et, digne rejeton d'une race énergique,
Elle avait sous ce toit allaité douze enfants,
Douze enfants bien venus et de la métairie
Un-à-un enlevés pour servir la patrie!
L'un était fantassin, l'autre était cavalier :
Tous avaient de l'honneur suivi le droit sentier !
Les filles travaillaient simplement à la terre;
La plus jeune avait pris le voile au monastère,
Et le père était mort après avoir donné
Le dernier coup de bêche au sillon retourné...

J'étais presque attendri; mais le parc... mais la vue,
Que souillait de partout la bicoque entrevue!...
Cette mère pourtant commandait le respect,
Et je sentais mon front rougir à son aspect;
Mais le parc... mais la vue!... Une fois en sa vie,
Il faut, comme un grand roi, maîtriser son envie,
Et laisser le moulin au meunier Sans-Souci.
Que diable, maladroit, venais-tu faire ici?

La maison restera! J'en veux couvrir de roses
Les vieux murs, relever ce seuil pour moi sacré;
Je veux qu'un noble cœur, aux bienfaits consacré,
Dans cet humble logis transforme toutes choses;
Que la Bretonne, enfin, heureuse en ses vieux jours,
Y bénisse ma mère et prie aussi pour elle...

L'autre soir, en rêvant à quelque rien toujours,
J'errais sous nos grands bois; la lune, haute et belle,
Rayait les noirs sapins de longs traits lumineux,
Et l'onde gazouillante étincelait de feux.

L'air était parfumé, sereine la nature;
Une blanche vapeur du toit de la masure
Dans le bleu s'envolait, et j'entendais parfois
S'exhaler avec elle un chœur de fraîches voix :
Les enfants rassurés et leur digne nourrice
Pour ma mère imploraient la Vierge protectrice !...
Il me parut qu'alors toutes ces voix en chœur,

Comme un baume inconnu, se glissaient dans mon cœur,
Et, débordant de joie incroyable folie! -

J'allai jusqu'à trouver... ma bicoque jolie.

ÉMILE BOUCHAUD.

LES

PÊCHEURS DE GRANDLIEU*

L'instinct populaire, qui flaire si vite le crime et donne souvent par son impulsion irrésistible l'éveil à la justice, fut donc, ou du moins parut être en défaut pendant les premières semaines qui suivirent le meurtre du père Brévin. Les cheminats fugitifs ne furent point inquiétés, et Soulaine le mendiant put venir, à l'ordinaire, remplir sa besace aux portes du village, se rôtir au soleil en faisant la sieste, ou, comme on dit dans le pays, la marienne au pied de quelque meule de paille et boire au cabaret avec ses camarades en s'entretenant de l'événement du jour. Il alla même s'asseoir à la porte de la veuve Brévin pour demander des nouvelles de Rose à ceux qui sortaient de la maison; et lorsque, quelques jours après, il jugea prudent de quitter Passay et de disparaître du pays, son départ n'excita ni étonnement ni soupçon, lant on était habitué aux fréquentes et capricieuses absences que nécessitait son existence nomade. Pour la Gourde, elle ne changea rien à ses allures ordinaires, si ce n'est qu'elle se laissa peu à peu entraîner à satisfaire ses goûts de bonne chère et de bon vin plus largement que la prudence ne l'eût exigé ; mais il était si difficile de connaître au juste la nature et l'étendue de ses ressources qu'on ne remarqua pas tout d'abord ses dépenses suspectes. Du reste, elle ne cessait de témoigner un grand intérêt à Rose Brévin, la visitait quelquefois et

Voir la livraison de juillet, pp. 74-83.

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